Colis lourds : une tendance positive grâce aux investissements

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La direction du développement de Voies navigables de France (VNF) met en place, filière par filière, des référents qui servent d’interlocuteur unique aux chargeurs. Entretien avec Joffrey Guyot, référent national pour les colis lourds, qui présente la situation de cette filière et le plan d’action mis en place.

NPI : pourquoi avoir mis en place des référents par filière et non par bassin de navigation ?

Joffrey Guyot : Nous nous sommes aperçu que différents acteurs de VNF faisaient le même travail sur chaque bassin, ce qui représentait une déperdition d’énergie et conduisait les chargeurs à devoir solliciter différents interlocuteurs. De là est né l’idée d’une sorte de guichet unique, où chaque chargeur aurait un seul interlocuteur, qui irait chercher les bonnes personnes au sein des 4 300 agents de VNF pour s’appuyer sur ceux qui travaillent au plus près du terrain. L’intérêt est aussi que ces référents capitalisent des connaissances pour une filière précise, dont ils connaissent les contraintes réglementaires et opérationnelles. Les sept filières concernées sont : les céréales, la logistique urbaine, les conteneurs, les produits chimiques et marchandises dangereuses, les matériaux de construction et grands chantiers, l’économie circulaire et les déchets, enfin, les colis lourds. Chaque référent a ensuite établi un cadre d’action pour sa filière.

NPI : quelles sont les caractéristiques de la filière colis lourds ?

J. G. : Contrairement aux céréales ou aux matériaux de construction, deux filières qui concentrent plus de la moitié des tonnages transportés en fluvial, les colis lourds sont un marché de niche, qui ne concernent que 1 % à 2 % des voyages. En 2018, par exemple, 700 voyages ont été effectués pour des colis lourds, avec un tonnage total d’environ 700 000 tonnes. La filière est caractérisée par le petit nombre des flux réguliers et la grande hétérogénéité des origines et destinations. Il s’agit de transports très variés, avec des pièces souvent de grande valeur. Les seuls flux réguliers sont ceux liés à Airbus, sur la Loire et sur la Garonne, qui représentent un tiers des colis. Il y a aussi des petits flux d’une dizaine de colis chaque année, par exemple, pour la fusée Ariane sur la Seine, ou pour Areva sur la Saône et le Rhône.

NPI : le nombre de colis transportés en fluvial est-il en augmentation ?

J. G. : Depuis quatre ans, la tendance est à l’augmentation du transport fluvial de colis lourds industriels, avec 10 à 20 voyages supplémentaires par an. Le secteur de l’énergie est celui qui se développe le plus, avec le renforcement de flux mis en place pour le grand export via les ports maritimes. C’est le cas pour Areva entre Saint-Marcel (face à Chalon-sur-Saône) et le port de Fos, avec 20 à 30 voyages par an. C’est aussi le cas pour General Electric, avec le transport de moteurs sur la Moselle et le Rhin, ou encore de Jeumont Electric dans le Nord. Les flux bien établis ne déclinent pas : ainsi, pour Airbus, la fin de l’A380 ne met pas en péril la logistique fluviale mise en place pour la construction de cet avion, puisque les pièces et éléments de l’A350 en profiteront.

NPI : comment s’explique cette tendance positive ?

J. G. : Ce qui permet l’augmentation des transports fluviaux de colis lourds, ce sont les investissements. Aidés par le Plan d’aide pour la modernisation et l’innovation (Pami) de VNF, les opérateurs ont investi dans du nouveau matériel spécifique pour le transport des colis lourds : les barges de grand gabarit Sirocco et Libeccio (CFT), les automoteurs Freycinet Porthos (CFT) et Fortitudo (Haeger & Schmidt, Rhenus Logistics France). Certains mariniers renforcent aussi les planchers de leurs cales, pour les adapter aux colis lourds.

NPI : en quoi consiste le plan d’action que vous avez-vous mis en place pour les colis lourds ?

J. G. : Le plan d’action vise à donner un cadre, pour permettre à VNF d’avoir un impact sur le développement de ces trafics. Le but est que la voie d’eau soit une réponse à des besoins de transport pour des pièces lourdes ou de grandes dimensions. Une étude nationale a été lancée en 2017, confiée au Cerema qui a rencontré tous les services instructeurs délivrant les autorisations routières pour les transports exceptionnels, leur rappelant qu’ils peuvent refuser d’accorder cette autorisation pour orienter les trafics vers la voie d’eau. Cette étude nous a aussi permis de recenser les flux dont le point de départ est situé à proximité d’un port, et de voir ainsi le potentiel de report modal de chaque port. Le plan d’action en lui-même comprend six piliers : un accompagnement logistique auprès des chargeurs pour leur fournir des outils et solutions adaptés à leurs contraintes ; la connaissance de la filière pour identifier les pièces transportées et les origines et destinations, ce qui a permis d’appréhender le caractère diffus de ces trafics ; la promotion auprès de tous les acteurs, dont les services instructeurs ; la promotion de la voie d’eau pour les colis lourds, lors de salons spécifiques ou généralistes ; la prospection commerciale, l’étude réalisée par le Cerema ayant permis une meilleure connaissance de flux routiers existant ; enfin, la pérennisation dans un cadre partenariale avec les plus gros acteurs. Ce dernier point a abouti à la conclusion d’un premier partenariat avec EDF, signé lors de Riverdating en novembre 2019.  Un travail commun de prospection commerciale va aussi être mis en place avec les différents ports, pour encourager la tendance à la hausse des trafics de colis lourds. À cet effet, une charte va être signée par VNF courant 2020 avec Haropa. Une collaboration pourra aussi être mise en place avec Norlink Ports, ou encore avec le port de Colmar, où une grue à colis lourds a été mise en place par le transporteur routier Scalès, spécialisé dans les transports exceptionnels.

NPI : quels flux routiers sont les plus susceptibles de basculer vers le transport fluvial ?

J. G. : Il y a en France, chaque année, 20 000 arrêté de transport exceptionnel, dont certains concernent des voyages multiples. La marge de progression pour le fluvial est donc très importante. Nous visons en particulier les industries liées à l’énergie et le secteur des travaux publics. Pour les flux de troisième catégorie, c’est- à-dire d’un poids supérieur à 72 tonnes, le fluvial a déjà une bonne part de marché. Plus les pièces sont lourdes et plus le recours au fluvial a une tendance naturelle à s’imposer, même pour des trajets ayant des points de départ situés très loin dans l’hinterland des ports maritimes.

Pour les colis d’un poids compris entre 30 et 60 tonnes, la route reste en revanche très compétitive. Mais le fluvial pourrait gagner en compétitivité, et donc en parts de marché, en groupant l’envoi de plusieurs pièces dans le même voyage. Ce type d’optimisation ouvre un très grand gisement d’activité pour le fluvial, à condition d’anticiper la production industrielle afin de permettre la massification des transports. Nous travaillons pour cela avec les industriels, mais aussi avec les transporteurs routiers qui sont la plupart du temps les organisateurs des transports. Ce sont eux qui sont le plus souvent pétitionnaires des autorisations routières, alors que les chargeurs le sont rarement.

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