Hypothèse haute à 500 000 tonnes de trafic
La réunion du 15 octobre 2020 a été l’occasion de présenter le rapport demandé par la ministre des transports dans une lettre de mission du 17 octobre 2019 avec l’objectif de « proposer un projet global pour le canal du Rhône à Sète, intégrant les dimensions économique et environnementale, en lien avec les territoires traversés. Il s’agit en particulier de proposer une stratégie pour la gestion des sédiments de dragage et d’examiner, en vue du prochain CP(I)ER, les orientations possibles pour le devenir de cette voie navigable ».
Le résumé du rapport indique, tout d’abord, que les deux inspecteurs du CGEDD ont constaté « une situation très délicate : la dégradation accélérée des berges du canal, surtout dans l’Hérault du fait des brèches, ce qui met en péril la fonctionnalité économique, fret et tourisme, malgré les efforts de VNF et ses agents ».
Le document poursuit en rappelant : « Le canal fait l’objet d’un programme de modernisation, validé en 2010 par une déclaration d’utilité publique (DUP) prolongée pour cinq ans en janvier 2015, et estimé à 110 M€. Les crédits engagés sur les CPIER ont permis la réalisation de la moitié du programme, avec un soutien de l’Union européenne. Ce programme vise la circulation des bateaux de 2 300 à 2 500 tonnes de charge tout en définissant un bateau-projet de 120 m par 11,40 m avec un tirant d’eau de 2,50 m. Les bateaux les plus gros au sein de ce gabarit chargent 1 800/1 900 tonnes. Le programme a pris du retard, ce que la région déplore. La DUP escomptait une forte croissance du trafic (1,6 à 3,6 Mt en 2043 pour 400 kt en 2008), alimentée notamment par l’émergence et la croissance d’un trafic de conteneurs maritimes. En l’état actuel, le canal au grand gabarit, classe IV, accueille sur 2016-2018 un trafic de 260 kt par an, sur 230 bateaux, essentiellement du vrac solide, en décroissance depuis 2011. Le port de Sète et le monde fluvial estiment à environ 500 kt le trafic à moyen terme, la mission retient ce chiffre en hypothèse haute ».
Pour les deux auteurs : « Le programme de modernisation prévoit rescindements de courbes, zones de croisement et relèvements de ponts. Il n’élargit que localement le canal, alors que l’étroitesse affecte les berges non adaptées à l’accroissement du mouillage et au passage de gros bateaux. Il ne comprend aucun investissement pour les berges, qui, dans les étangs héraultais, ont commencé à glisser et s’éroder dès les années 1990, lors de l’approfondissement du chenal sans reprise de fondation. Leur dégradation n’est donc pas principalement un problème d’entretien mais d’inadéquation aux bateaux accueillis et attendus ».
Concernant le dragage, ils précisent : « L’augmentation forte et continue des volumes à draguer (près de 100 000 m3/an) et la hausse des coûts de dragage (de l'ordre de 40 €/m3) liée aux difficultés de valoriser les sédiments et à l’organisation actuelle de l’évacuation, conduisent à une réduction du tirant d’eau opérationnel, actuellement de l’ordre de 2 m à 2,20 m, compte tenu des budgets mobilisables par VNF. Une adaptation de la réglementation apparaît nécessaire pour, sans passer par un traitement sous statut ICPE, réutiliser des sédiments sur place en confortant les berges ou en valorisation régionale. Le coût du clapage en mer devra aussi être réduit ».
3 scénarios et 2 préconisations
Le rapport propose trois scénarios avec des indications sur les montants des investissements nécessaires :
- La « mise à parité avec l’axe Rhône-Saône, avec un élargissement du canal et, sur les 29 km des berges nord dans les étangs une refonte à neuf avec verticalisation. Cet aménagement est estimé à quelque 225 M€. Il requiert des coûts d’entretien importants au regard des trafics escomptés ». Ce scénario marque une volonté de développer largement le transport de marchandises par des bateaux.
- « Le maintien des capacités prévues par la DUP (120 m par 11,40 m par 2,50 m) en recréant une berge nord en enrochements sur 29 km, avec un canal légèrement élargi. Ce scénario, d’un coût de 110 M€, ne permet pas le passage des bateaux à 2 500 tonnes sans pouvoir estimer précisément l’impact sur le trafic par rapport au scénario précédent ». Cette option est celle du programme de modernisation validé en 2010 et qui a pris du retard dans sa réalisation.
- « L’affectation du canal à des activités de pêche, de loisirs locaux et de promenades, tout en assurant une continuité touristique par rapport à l’existant dans le Gard. Le coût de ce scénario se limiterait à 10 M€, sans compter d'éventuels dragages d'entretien ». Ce scénario signifie le choix de l’abandon du transport de marchandises sur le canal au profit des activités de loisirs et de tourisme.
Ils présentent également deux préconisations :
-La réalisation d’une nouvelle étude socio-économique, compte tenu des « investissements requis au regard du trafic escompté et de l’incertitude sur l’avenir du canal au-delà de 2050 ». Elle viserait à « éclairer le choix du scénario pour le CPER/CPIER à venir et que l’État et la région s’accordent sur les travaux restant à mener dans le cadre du présent CPIER. Elle devra intégrer également le potentiel du canal au regard du report modal, vis-à-vis du routier, en complémentarité avec le ferroviaire en cours de modernisation ainsi que les perspectives de tourisme « vert et bleu », la protection des milieux naturels et plus globalement la transition écologique ».
-La mise en place d’une gouvernance institutionnelle pour le canal, « impliquant plus fortement le conseil régional accompagné des collectivités concernées, en particulier la Métropole Montpellier-Méditerranée, ainsi que d’une démarche collective réunissant tous les acteurs concernés par le devenir du canal ».
Le rapport du CGEDD sur le « devenir du canal du Rhône à Sète » a été publié.
Un sujet central : dragage et sédiments
Ce rapport doit servir de base à la concertation qui commence. Lors de la réunion de lancement, il a été précisé que celle-ci a pour « objectif d'éclairer le gouvernement et le préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes, coordonnateur du plan Rhône-Saône, sur les décisions d'investissement à prendre dans le cadre du Plan Rhône-Saône et du prochain contrat de plan Occitanie Etat-région 2021-2027 ».
Parmi les sujets à traiter, il y a la valorisation des 100 000 m3 de sédiments extraits chaque année par VNF. A ce propos le préfet François Lalanne a relevé : « Cet établissement supporte le poids, environ 4 millions d'euros par an, du dragage des sédiments qui s'accumulent dans cette voie d'eau ». Pour lui, « la concertation va aussi permettre de trouver des techniques de valorisation et de traitement de ces sédiments pour de grands chantiers de travaux publics ».