Belgique : la formation en alternance généralisée

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En Belgique, la navigation intérieure manque de bras et de têtes. Deux écoles assurent la formation des jeunes tentés par la profession, mais le nombre d’élèves qui suivent cette filière est loin de répondre aux besoins. De nouvelles initiatives doivent contribuer à combler le déficit.

La navigation intérieure belge sera confrontée dans les années à venir à un manque de plus en plus aigu de main-d’œuvre. La forte croissance attendue du transport par la voie d’eau (une hausse projetée de 63 % d’ici 2030), le développement de nouveaux trafics (palettes, terres, déchets, distribution urbaine, etc.), le besoin en nouveaux profils qui en découle, la transition en cours au niveau des modes d’exploitation (les armements et leur personnel salarié remplaçant de plus en plus souvent les bateliers indépendants, la navigation en continu), la revalorisation de réseaux de plus faible gabarit, le vieillissement accéléré de la population professionnelle actuelle…

Tous ces facteurs se combinent pour créer une forte demande en personnel qualifié face à un marché de la formation et de l’emploi qui peine à suivre la cadence. D’autant que d’autres secteurs (dragage, soutage, services portuaires ou publics, croisières fluviales, etc.) pêchent souvent dans le même vivier.

En Belgique, deux écoles – l’école de navigation Cenflumarin à Anvers côté flamand et le centre d'éducation et de formation en alternance (CEFA) à Huy côté wallon – se chargent de former les jeunes qui optent pour une carrière dans la navigation intérieure. Vu le nombre restreint d’élèves, elles suffisent à la tâche. « Nous pouvons faire face sans problème à la demande », reconnaît Roel Buisseret, directeur de Cenflumarin. Les différents cursus proposés à Anvers rassemblent sur les six années du secondaire environ 130 élèves âgés de 12 à 18 ans, dont près de la moitié s’orientent à partir du second degré vers la navigation intérieure. À la sortie, cela donne une douzaine de candidats à un emploi fluvial chaque année.

Les effectifs sont nettement moins élevés à Huy, d’où un seul élève est sorti cette année. Le manque d’élèves a même fait naître des menaces sur le maintien de la filière, mais celles-ci ont été écartées. Le nombre d’élèves devrait repartir à la hausse dans les prochaines années, indique la directrice, Carine Saucin. La Flandre s’est mise durant l’année scolaire écoulée à la formation en alternance que la Wallonie pratique depuis de nombreuses années. Les élèves de la cinquième année de Cenflumarin ont inauguré ce système, qui sera étendu cette année à la sixième terminale.

Les élèves alternent les passages sur les bancs de l’école avec des stages et formations « en entreprise ». Ils passent ainsi près de 60 % de leur temps à bord de différents types de bateaux en activité. « Il reste des améliorations à apporter au système, mais il s’agit d’un excellent levier pour permettre aux élèves d’acquérir les connaissances, aptitudes et attitudes dont ils auront besoin dans leur vie professionnelle, estime Roel Buisseret. Ils s’habituent en plus à travailler dans des secteurs divers et avec des employeurs différents ». La transition nécessite des efforts de toutes les parties. Les parents doivent se faire à l’idée de voir leurs enfants adolescents partir – parfois au loin – pour des périodes plus longues. Les bateliers qui coopèrent à ces formations doivent s’adapter à une donne différente de celle des stages d’antan, aménager au besoin leur bateau pour accueillir les élèves et faire la preuve de leurs talents pédagogiques.

Anvers et Huy ont à leur disposition des bateaux-écoles pour prodiguer un enseignement aussi proche que possible de la pratique : le Themis-II en Flandre, les Province-de-Liège-I et II en Wallonie. Le premier est une péniche datant de 1965 et transformée en 2002 pour remplir sa fonction nouvelle. Les deux unités wallonnes – bateau-pousseur à passagers et barge-citerne qui peuvent être combinés en convoi – ont été mises en service en 2012. Ces bateaux représentent des investissements importants. En Flandre, les ministères de l’Enseignement et de la Mobilité sortent d’une dispute qui aura duré plus d’un an sur le partage du financement des travaux pour remettre le Themis-II aux normes. La Flandre dispose déjà d’un simulateur qui permet aux élèves de se préparer au pilotage de bateaux. Il a été intégré à Cenflumarin et a subi une mise à jour approfondie. La Wallonie va elle aussi se doter d’une telle installation. « Le marché sera finalisé dans les mois à venir », dit Carine Saucin.

À l’avenir, il faut continuer à adapter les formations à la nouvelle donne dans la navigation intérieure, à l’évolution technologique et aux besoins du secteur en nouveaux profils impliquant, par exemple, de plus grandes capacités en matière de gestion. En outre, il faut encore transposer la nouvelle directive qui crée un cadre européen pour les compétences requises dans la navigation intérieure.

D’autres défis restent à relever, comme celui de mieux faire connaître les filières disponibles, de pallier l’absence de « culture maritime » en Belgique, de faciliter le passage du maritime au fluvial, de formuler une réponse à la question du travail intérimaire. Améliorer l’image du secteur aiderait grandement, souligne à ce propos Pascal Roland, président de l’association Notre Droit : « Beaucoup nous considèrent comme un vieux secteur qui disparaît, alors que la navigation intérieure est une activité très riche en potentiel, tout à fait dans l’air du temps et aux débouchés très divers ». L’enjeu est de taille. « Le transport par la voie d’eau n’est pas tant une question de matériel que de personnel », déclare Patrick Hermans, patron du Deseo et batelier très engagé dans le dossier de la formation en Flandre. Pascal Roland complète ce constat : « Sans personnel navigant, pas de transfert modal ».

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