Belgique : des budgets à revoir à la hausse

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En Flandre comme en Wallonie, le défi est identique : trouver le point d’équilibre entre investissements, entretien et gestion des eaux dans un contexte budgétaire contraint. En Flandre comme en Wallonie, les gestionnaires des voies navigables mènent depuis des années des efforts soutenus pour développer la capacité du réseau fluvial et pour l’intégrer dans les grands axes de transport européens, Seine-Escaut en tête. Ils sont confrontés au même défi : trouver le point d’équilibre entre investissements, entretien et gestion des eaux dans un contexte budgétaire qui ne permet pas de tout faire à la fois. Depuis la régionalisation des compétences en matière de gestion du réseau fluvial, la Flandre et la Wallonie mènent chacune leur barque dans ce domaine, même si cela n’empêche pas une concertation régulière. Et les mêmes préoccupations dominent de chaque côté de la frontière linguistique. « Nos ambitions vont toujours plus loin que nos moyens, mais nous devons évidemment tenir compte du contexte budgétaire », constate Chris Danckaerts, l’administrateur délégué de De Vlaamse Waterweg, le gestionnaire des voies navigables de Flandre. Ces moyens sont loin d’être négligeables, puisqu’ils se montent bon an, mal an à quelque 300 millions d’euros au total (investissements, entretien et dragages réunis). Ils ne suffisent toutefois pas à faire face à tous les besoins que représente un réseau de plus d’un millier de kilomètres de voies navigables, avec les multiples ouvrages d’art qu’il comporte.

Partenariat public-privé en Flandre

« Nous devons cibler nos efforts et fixer des priorités en tenant compte des différentes missions que nous avons à remplir et qui dépassent l’exploitation de l’infrastructure et la facilitation du transport fluvial ou l’introduction de technologies nouvelles pour optimiser et dynamiser sa gestion, puisqu’elles englobent la maîtrise de l’eau et la prévention des inondations, l’écologie, les activités de loisirs, etc. Dans l’attribution de nos moyens, il existe inévitablement un champ de tension entre ces différentes fonctionnalités du réseau », reconnaît Chris Danckaerts.

Au niveau infrastructurel, De Vlaamse Waterweg s’est notamment fixé pour but de mener à bien, d’ici 2022, le rehaussement des 62 ponts sur le canal Albert. Cela se traduit par un certain ralentissement des investissements dans le cadre du projet Seine-Escaut, mais vu le retard pris par la France dans ce dossier et grâce à l’accord européen sur son rééchelonnement, cela ne pose pas de problème majeur, estime l’administrateur délégué.

Pour les ponts sur le canal Albert, le gestionnaire flamand utilise notamment le levier du partenariat privé-public par le biais de la société de projet Via T Albert. Chris Danckaerts y voit de nombreux avantages comme une implication et une responsabilisation plus grandes du partenaire privé qui doit assurer l’entretien durant trente ans et une réalisation plus rapide de certains projets. « Nous étudions où nous pourrions encore utiliser cette formule ».

Mais le retard au niveau de l’entretien se creuse. « Pour l’entretien, il n’est plus minuit moins cinq, mais plus cinq et les déficiences se multiplient. Les 80 à 85 millions d’euros, que nous y consacrons chaque année, sont largement insuffisants, comme le confirme une étude approfondie que nous venons de mener à ce sujet. Non seulement le budget annuel pour ce poste devrait augmenter sensiblement, mais il faudrait aussi procéder à un mouvement de rattrapage. Nous avons formulé des recommandations en ce sens. Il en va de la fiabilité du réseau fluvial et donc de la crédibilité de la voie d’eau en tant que mode de transport alternatif », souligne Chris Danckaerts.

Le même constat vaut pour la gestion des eaux, pour laquelle le Plan Sigma pour la prévention des inondations sur l’Escaut et ses affluents, requiert deux fois plus d’argent que les 40 millions d’euros par an actuels si la Flandre veut atteindre ses objectifs à l’horizon 2030. Si la conséquence du changement climatique en termes de montée du niveau des eaux devait se révéler plus sévère que ne le laissent entendre les prévisions actuelles, de nouvelles mesures - comme la construction d’un barrage anti-tempêtes sur l’Escaut ? - pourraient s’imposer.

En Wallonie, une relance depuis 10 ans

Avec un budget annuel de l’ordre de 60 millions d’euros pour ce qui concerne le génie civil et les équipements électro-mécaniques, 20 millions d’euros pour l’entretien ordinaire et 15 millions d’euros pour les dragages, la Wallonie fournit elle aussi un effort constant pour l’amélioration et le maintien de son réseau fluvial. À ces montants s’ajoutent des dispositifs spécifiques pour parer aux investissements prioritaires, comme l’intervention de la Société de financement complémentaire des infrastructures (Sofico) pour le financement de chantiers comme celui de l’écluse d’Ampsin-Neuville.

« Depuis dix ans, l’investissement dans le transport fluvial en Wallonie a été véritablement relancé », indique Pascal Moens, directeur de la Direction du transport et de l’intermodalité des marchandises (DTIM, l’ex-DPVNI). Il chiffre à 500 millions d’euros l’effort complémentaire apporté au budget pour ce renouveau, dont les écluses de Lanaye et Ivoz-Ramet et la plate-forme de Trilogiport sont sans doute les exemples les plus parlants.

L’ambition affichée est de poursuivre sur la même lancée dans les années à venir, mais pour y parvenir, l’effort à fournir reste pour l’heure substantiel. Si la volonté politique est bien présente et si la Wallonie met en avant une stratégie de transfert modal, les contraintes budgétaires et organisationnelles, que connaît la région wallonne, entraînent d’inévitables arbitrages.

Les rationalisations opérées dans l’appareil administratif ont aussi un effet sur sa capacité à traiter les dossiers. « Le manque de moyens humains se fait parfois sentir. L’argent ne se dépense pas spontanément. En outre, les lois et procédures se sont alourdies, tandis que le volet technique d’un projet devient toujours plus complexe avec l’intégration de paramètres comme l’écologie, l’énergie, la mobilité, les évolutions technologiques comme l’automatisation, le changement climatique ou une plus grande attention aux besoins et contraintes des usagers… Il n’y a plus de dossiers simples. Cette évolution, qui requiert de notre part des compétences nouvelles, pèse sur la gestion et le développement des infrastructures. Elle provoque également une remise en cause de nos schémas de fonctionnement classiques. La réorganisation actuelle vise notamment à prendre en compte ces difficultés », explique Pascal Moens.

Comme en Flandre, la principale difficulté se situe au niveau de l’entretien, dont Pascal Moens - tout comme Chris Danckaerts - regrette qu’il soit « très peu valorisé » et souvent trop faiblement financé. Même cause, mêmes effets : « Il y a là un rattrapage à effectuer pour éviter que la fiabilité du réseau ne se dégrade davantage. Car en fluvial, toute dégradation du service est un problème majeur ».

Un des enjeux capitaux des prochaines années sera de revoir en profondeur cette politique d’entretien. Cet effort devrait s’appuyer sur un schéma stratégique directeur sur plusieurs décennies pour l’ensemble des voies navigables. « Cette vision à plus long terme est en cours de développement et sera l’amorce d’une gestion optimalisée du réseau ».


 - Côté flamand, le rehaussement des ponts sur le canal Albert constitue un chantier majeur. Leur hauteur minimale est portée à 9,10 mètres pour permettre la navigation conteneurisée sur quatre couches. Le rehaussement s’accompagne, dans la plupart des cas, d’un élargissement du passage sous les ponts.

- Côté wallon, la construction du nouveau complexe d’écluses à Ampsin-Neuville, en amont de Liège, sur la Meuse est le grand projet en cours. Elle permettra la navigation au gabarit Vb jusqu’à Namur. Le trafic devrait ainsi passer de 9 à 25 Mt à l’horizon 2050. - Dans les deux régions, le projet Seine-Escaut se traduit par de nombreux projets d’investissement, comme la nouvelle écluse sur la Lys à Sint-Baafs-Vijve en Flandre, la traversée de Tournai ou la réouverture du canal Pommeroeul-Condé entre la Wallonie et la France. Ni Chris Danckaerts ni Pascal Moens ne cachent que leur intégration dans un projet européen a été un levier utile, voire indispensable, pour une modernisation dont le réseau régional et le trafic local sont, au stade actuel de l’axe transfrontalier, les principaux bénéficiaires ou pour ranimer des dossiers endormis.

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