Bâtir un nouveau tourisme « plus vert » et « plus proche »

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Pour les députés européens et le commissaire en charge du marché intérieur, le tourisme fait partie des filières prioritaires compte tenu de son poids économique. Un plan de relance devrait prévoir une évolution vers un tourisme « plus vert » et « plus proche ». Il reste une incertitude : l’UE sera-t-elle plus performante pour coordonner une relance économique alors qu’elle a bien du mal à se mobiliser et agir depuis le début de la crise sanitaire ?

La commission des transports et du tourisme du Parlement européen a auditionné le 21 avril 2020 le commissaire en charge du marché intérieur, Thierry Breton, pour un échange sur les mesures envisagées par la Commission européenne afin de permettre une relance du secteur du tourisme.

« La situation du tourisme est préoccupante car il a été le premier marché touché et sera sans doute celui qui sortira le plus tard des suites de la crise sanitaire. Le combat n’est pas encore gagné contre le virus. Même après le déconfinement, il va falloir vivre avec le Covid-19, c’est un élément important à prendre en compte pour la réouverture des opérateurs et des infrastructures touristiques », a déclaré le commissaire européen chargé du marché intérieur dans son discours d’introduction.

Le secteur du tourisme dans l’Union européenne (UE) représente 11% du PIB, 12% des emplois, 3 millions d’entreprises, dont 90% sont des TPE de moins de 10 salariés, « un tissu donc très fragile ». L’UE, c’est 50% du marché mondial du tourisme, ce sont des destinations qui occupent les premiers rangs des pays les plus visités, Espagne, France, Italie, etc. Selon l’organisation mondiale du tourisme, la crise du Covid-19 pourrait diminuer de 20% le trafic touristique international, ce qui semble presque optimiste par rapport aux évaluations de l’OCDE qui a fait part d’une estimation de baisse entre 45 et 70%. Les pertes sont évaluées entre 275 et 400 milliards d’euros dans le monde. « Il ne faut pas oublier, derrière ces chiffres, les disparités en fonction des territoires, par exemple les îles apparaissent plus violemment atteintes. Ni les aspects humains et sociaux. C’est un drame qu’il nous faut accompagner et notre réponse doit être à la hauteur. »

Réinventer le tourisme européen

Selon Thierry Breton, la réponse doit se déployer en deux temps : le court terme avec un soutien à la trésorerie des entreprises, le moyen terme avec un plan de relance « pour redonner de l’optimisme et réinventer le tourisme ».

Les soutiens à la trésorerie des entreprises sont les mêmes pour tous les secteurs économiques : programme de la BCE (200 milliards d’euros), fonds européen d’investissement de la BEI (8 milliards d’euros pour les PME), fonds structurels mobilisables par les États membres (37 milliards d’euros).

Le plan de relance devra « réinventer le tourisme. Il faut repenser le tourisme européen pour qu’il soit plus durable, plus digital, plus résilient. Il devra s’accompagner d’une refonte du tourisme pour lui permettre d’embrasser les réalités environnementales, digitales et stratégiques comme tous les autres secteurs. C’était une nécessité avant la crise, cela devient un impératif de sortie de crise ». L’objectif du plan sera de maintenir l’UE à sa première place de destination touristique mondiale, en matière de valeur et de qualité. Un autre objectif sera de « créer une nouvelle référence mondiale en termes de tourisme responsable, durable et innovant en réponse aux excès du tourisme de masse et à la réalité de la transition écologique ».

Trois composantes et un sommet en septembre

Le plan de relance de moyen terme doit comprendre trois composantes, a continué le commissaire européen. Le premier est l’intégration du tourisme dans le Green Deal, ce qui revient à promouvoir un tourisme durable, à trouver un équilibre entre la préservation des écosystèmes et les réalités économiques. « Je suis bien conscient des difficultés d’un tel changement. Il ne s’agit pas d’empêcher les gens de voyager mais de promouvoir un tourisme de proximité. Un tel changement devrait s’accompagner d’une politique européenne de mobilité et d’un engagement fort au niveau local. »

La deuxième composante du plan concerne la numérisation en trouvant un point d’équilibre des acteurs dits traditionnels et les plateformes digitales. « Il ne s’agit pas de les opposer, chacun devra s’adapter, les uns vers davantage de numérique, les autres vers plus de responsabilité dans leur rôle au sein du secteur ».

La troisième composante doit conduire le tourisme à devenir stratégique, vu son poids économique et social qui se fonde sur la richesse de l’histoire européenne et la diversité culturelle. « Il faut ici prévoir de protéger le secteur des stratégies d’investissements agressives de pays non européens qui pourraient voir dans la crise des opportunités pour acquérir des joyaux à moindre prix. »

Thierry Breton a proposé l’organisation d’un sommet européen du tourisme durable en septembre 2020, si les conditions sanitaires et de réunion le permettent. L’objectif sera de réfléchir ensemble à l’après, construire une feuille de route vers un tourisme plus durable, plus innovant, plus résilient. Cette proposition a reçu un bon accueil de la part des membres de la commission des transports et du tourisme du Parlement européen.

Droit des passagers et des consommateurs

La parole est ensuite revenue aux députés dont plusieurs ont demandé la création d’une ligne budgétaire spécifique pour le tourisme. Étant précisé que le budget de l’UE est en cours de négociation pour la période 2021-2027. Pour le commissaire, « plus qu’une ligne budgétaire, il faut un accès de tous les pays membres aux financements nécessaires ».

À ce propos, une députée a rappelé la nécessité de parvenir à un accord sur les financements pour les plans de relance dans le contexte de négociation du budget pour les prochaines années et les difficultés des États membres à s’entendre sur ce sujet et encore davantage depuis la crise sanitaire.

Une députée a souligné l’importance de bâtir à l’avenir un tourisme « vert », zéro déchet, privilégiant l’économie circulaire et la transition énergétique, tout en s’interrogeant sur la capacité de l’UE et de la Commission à coordonner une relance économique alors qu’elle a eu bien du mal à se mobiliser et agir depuis le début de la crise sanitaire. Un député a alerté sur les risques de lenteur de l’UE pour bâtir les plans de relance que ce soit pour le tourisme ou d’autres filières économiques.

Plusieurs députés ont répété la même question autour du droit européen des passagers et des consommateurs concernant les « bons ou vouchers » offerts par les entreprises à leurs clients suite aux annulations des prestations. Le commissaire a assuré que « les droits des passagers demeuraient protégés ». Concernant la demande de création d’un fonds spécifique au niveau européen pour le tourisme qui pourrait prendre en charge les frais des avoirs et remboursements, il a indiqué que suite aux évolutions des aides d’État, les États membres avaient déjà la possibilité de soutenir leurs entreprises du secteur du tourisme en leur fournissant des liquidités, notamment pour faire face aux demandes de remboursement des voyageurs. Ces liquidités peuvent permettre d’éviter que le consommateur ne soit lésé en cas de défaillance des agences ou autres opérateurs et prestataires touristiques.

De son côté, Karima Delli, présidente de la commission des transports et du tourisme du Parlement européen, a souligné l’importance de bâtir une nouvelle forme de tourisme à l’avenir, d’aller vers un tourisme de proximité, de cesser « le sur-tourisme » qui est dénoncé par les citoyens notamment dans les villes comme Venise.

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