L’ASV (Algemeene Schippers Vereeniging), qui représente essentiellement les artisans bateliers indépendants néerlandais, avait fait état d’une chute des revenus nets (coûts déduits) à 4 euros par heure en moyenne au mois d’avril 2020 pour les artisans bateliers (propriétaires de leur bateau). Ce chiffre, qui contraste fortement avec une moyenne de 38 euros par heure à l’automne 2018, lors de la grande sécheresse de cette année-là, s’appuie sur les données récoltées par le bureau d’études Panteia. Celui-ci assure pour le compte du ministère néerlandais de l’Infrastructure un suivi continu du secteur.
« Contrairement à l’interprétation faite par certaines parties, ces chiffres constituent une moyenne qui n’englobe pas seulement les plus petits tonnages, mais aussi de plus grands bateaux », explique Sunniva Fluitsma, la porte-parole de l’ASV, interrogée par téléphone.
La situation sur le front financier ne s’est pas améliorée depuis fin avril, mais il faut distinguer entre les catégories de bateaux, ajoute-t-elle. « En moyenne, les derniers chiffres disponibles font apparaître des revenus nets négatifs de -0,71 euro par heure pour les grands bateaux. Pour les tonnages jusqu’à 1 500 tonnes, la donne est plus positive, puisqu’ils se situent à 8 euros ».
La faiblesse de la position du batelier dans la chaîne fluviale
Sunniva Fluitsma y voit le reflet des déséquilibres plus structurels sur le marché, que la crise du Covid-19 n’a fait qu’aggraver. « Elle est venue s’ajouter à la problématique de l’azote qui a affecté des secteurs comme le bâtiments aux Pays-Bas, à la baisse des flux comme le charbon, etc. ».
Dans une lettre à la ministre compétente, l’ASV avait déjà dénoncé que la navigation intérieure était confrontée du fait du Covid-19 à des pratiques comme l’annulation de contrats, la très forte diminution des tarifs convenus et l’imposition de « clauses corona » qui répercutent sur les bateliers des situations totalement hors de leur contrôle, comme l’absence de personnel pour assurer le chargement et déchargement.
De telles pratiques perdurent, même si certains chargeurs ont renoncé aux clauses incriminées, dit la porte-parole. « Là aussi, cela illustre la faiblesse de la position du batelier dans la chaîne fluviale ».
Non à un programme de déchirage
La surcapacité continue elle aussi à jouer contre les bateliers, mais un programme de déchirage n’est pas la solution, estime Sunniva Fluitsma. « Nous y sommes absolument opposés ». Les programmes mis en place dans le passé n’ont, à ses yeux, jamais apporté de solution durable au problème.
« De plus, on y voit souvent le moyen de débarrasser la flotte des bateaux les plus anciens. Mais ces bateaux-là sont ceux de plus faible tonnage capables de desservir les voies navigables de plus petit gabarit. Leur disponibilité a atteint le seuil minimum critique. Si on descend en-dessous de ce seuil, le secteur ne sera plus en mesure de garantir la fiabilité des transports qu’on lui confie, ce qui conduira à des transferts vers d’autres modes ».
Elles en veut pour preuve la différence actuelle au niveau des revenus nets entre les grands et petits bateaux. « La surcapacité frappe surtout les plus grands tonnages, dont le rayon d’action est confiné aux grands axes. On ne construit plus de petits bateaux depuis des décennies. Mais cela signifie aussi que ces opérateurs-là se trouvent dans une meilleure situation en termes de solvabilité et sont en mesure, au besoin, de refuser des conditions trop défavorables ».
A l’heure où en Allemagne et en Belgique, les signes avant-coureurs d’une possible nouvelle sécheresse se font plus nombreux, elle rappelle que la capacité de réserve que représente la flotte actuelle pourrait bien s’avérer utile. « Dans le passé, on tenait compte de cet aspect dans les tarifs planchers ».
Sunniva Fluitsma ne s’attend pas à un redressement rapide du marché. Elle craint même que la situation s’aggrave davantage. « On va très probablement voir disparaître certaines entreprises et – avec elles - les flux qu’elles génèrent ».