Au Havre, une économie portuaire qui souffre des grèves

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L’activité du port du Havre a été considérablement perturbé par les opérations « ports morts ». C’est l’ensemble des filières liées à l’activité maritime et portuaire qui est aujourd’hui atteint. Chiffres et témoignages. Quinze. Tel est le nombre de jours de grève cumulés qui perturbent directement les activités des sept grands ports maritimes français depuis le 5 décembre 2019. Le Havre n’est pas en reste. L’activité du port a été considérablement perturbé par les opérations « ports morts » menés à l’initiative de la Fédération nationale des ports et docks (FNPD-CGT) pour contester le projet de réformes des retraites porté par le gouvernement. Ces blocages à répétition ont été menés par les dockers et les ouvriers portuaires du Grand port maritime du Havre (GPMH). A plusieurs reprises, les marins de la société Boluda se sont associés au mouvement et n’ont pas assuré des opérations de remorquage. Les clients du port du Havre, comme CMA CGM et MSC, ont pour beaucoup d’entre eux anticipé les choses dès le mois de décembre 2019 en détournant leurs trafics vers le port d’Anvers. Mais c’est l’ensemble des filières liées à l’activité maritime et portuaire qui est aujourd’hui atteint.

500 millions d’euros de perte pour les 7 GPM

Sur l’ensemble de l’axe Seine, Haropa estime que les grèves ont entraîné une perte de trafic conteneurs de près de 100 000 EVP. Près de 300 emplois auraient été supprimés. Depuis la mise en place des opérations « ports morts », 227 escales ont été annulées. Plus de 110 trains de fret et 21 barges fluviales sur le Havre auraient également été perturbés par les grèves. Au Havre, et selon les chiffres du Groupement havrais des armateurs et des agents maritimes (Ghaam), 94 escales ont été supprimées en décembre 2019 (dont 49 escales de porte-conteneurs). En janvier 2020, ce chiffre est monté à 138 escales annulées (dont 75 escales de porte-conteneurs). Michel Segain, président de l’Union maritime et portuaire du Havre (Umep) et de l’Union maritime et portuaire de France (UMPF), estime que les pertes économiques directement liées aux grèves sur l’ensemble des grands port maritimes français est de l’ordre de 500 millions d’euros.  

Au Havre, les professionnels de la logistique sont particulièrement aux abois et ont adressé courant janvier 2020 une lettre ouverte aux élus locaux et à l’État par le biais du Club logistique du Havre. La filière pèse lourd puisqu’elle représente sur le territoire havrais 75 entreprises, emploient plus de 6 500 salariés et exploitent 750 000 m² d’entrepôts. Pour les acteurs de la filière, le détournement des trafics vers les ports concurrents est synonyme de perte financière et d’un recul de part de marché qu’il est souvent difficile à rattraper.

« Pas à l’abri d’un nouveau mouvement dans 6 mois »

La logistique étant une chaîne, ce sont tous les maillons qui y sont reliés qui souffrent des blocages. Les transitaires et les commissionnaires de transport en sont une illustration. Encore récemment, Jean Louis Le Yondre, le président du Syndicat des transitaires et des commissionnaires en douane du Havre et de la région (STH), a lancé un véritable cri d’alarme. Le responsable estime que le manque à gagner de décembre à janvier représente pour l’ensemble de la profession, commission de transport, activités de groupage, de dégroupage et distribution comprise, une perte de marge brut de 160 millions d’euros a minima. « Et ce chiffre devrait aller au-delà, probablement 180 millions d’euros. Combien d’entreprises vont elles pouvoir résister aux problèmes de trésorerie ? Quelle va être l’attitude des banques à leur égard ? », interroge t-il. Le responsable estime que ce sont les TPE et PME qui risquent de faire les frais des grèves. « Depuis 1988, date à laquelle j’ai pris les rênes du STH, je n’ai jamais vu ça », confie t-il.

Le président du STH estime qu’il existe d’autres types de dommages : « L’image du port du Havre est atteinte aujourd’hui et pour l’avenir. Pour les armateurs, le port ne va plus être attractif. Nos clients exportateurs et importateurs s’organisent pour aller ailleurs ». Jean-Louis Le Yondre ajoute que, ces dernières années, des efforts considérables ont été faits pour fortifier les trafics sur la place havraise. « Le problème, c’est qu’aujourd’hui, on ne peut plus annoncer à nos clients que c’est la Der des der. Nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau mouvement social dans six mois ».

2018 avait déjà été difficile

Côté transporteurs routiers, c’est le même constat. Là encore, les blocages ont des conséquences sur les entreprises. « Nous ne pouvons pas travailler normalement. Les TPE et PME notamment qui n’ont pas la logistique nécessaire pour aller chercher des boîtes ailleurs sont touchées. Le fait de ne pas pouvoir transporter les marchandises en temps et en heure entraînent des frais, des pénalités que les clients réclament. Certaines entreprises sont déjà proches du dépôt de bilan, d’autres enregistrent une baisse importante de leur chiffre d’affaires par rapport à 2018. Et déjà, en 2018, l’année avait été mauvaise car nous avions été directement perturbé par le mouvement des gilets jaunes », explique Philippe Bonneau, représentant de l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE). Le responsable précise que les entreprises les plus fragilisées ont dû avoir recours à des mesures de chômage partiel.

Le 21 janvier 2020, le gouvernement a annoncé des mesures de soutien à la filière du transport de marchandises, des mesures au cas par cas qui peuvent aller jusqu’à un plan d’étalement de créances ou à un report d’échéances fiscales ou sociales.

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