Réinventer la Seine et ses projets dans l’agglomération havraise s’inscrit dans la mission ville-port au mêmet titre que l’aménagement du quai de Southampton ou la célébration des 500 ans du Havre. L’objectif est de valoriser la partie domaniale du port et, plus particulièrement, la zone qui se trouve en interface avec la cité, et de construire des projets en commun avec les autorités de la ville », explique Jean-Denis Salesse, responsable de la mission ville-port au sein de Haropa-port du Havre, ancien architecte qui a intégré cet établissement public portuaire depuis près de 10 ans.
Au Havre, les relations ville-port se sont construites au fil du temps. La première étape a été l’écriture d’une convention, rappelle Jean-Denis Salesse, « pour mieux se connaître, définir la façon de travailler ensemble, se respecter et se considérer entre le port, la ville et la communauté urbaine ».
La création du Port Center en 2013 est venue ensuite pour expliquer aux citoyens et habitants les métiers, les activités et la dimension environnementale de la place portuaire. C’est un lieu d’éducation, d’interprétation et de rencontres permettant à tous les publics de découvrir le milieu portuaire et industriel dans toute sa diversité. Mais c’est aussi un projet fédérateur pour les 5 membres fondateurs - la CCI, la ville, la communauté urbaine, le port et l’union maritime et portuaire- autour d’une dynamique commune reposant sur les bénéfices que peuvent s’apporter les unes aux autres toutes les parties prenantes. La ville bénéficie du port et inversement.
Dans le cadre de « Le Havre Smart Port City », lauréat mi-septembre 2019 du troisième programme des investissements d’avenir (PIA3) de l’Etat « territoires d’innovation », l’un des projets porte d’ailleurs sur une évolution du Port Center pour lui donner une nouvelle dimension en devenant un facilitateur des mises en relation et un centre de valorisation, un nouveau lieu de vie d’expérimentation, d’apprentissage, de rencontres pour « ré-enchanter » le lien entre la ville, le port et l’industrie.
Travailler de manière collaborative
Le port du Havre a été créé avant la ville qui est venue se greffer autour des activités commerciales, une situation similaire à de nombreuses places portuaires ailleurs dans le monde. Le port s’est étendu côté Sud puis Est. Il y a eu Port 2000 inauguré en 2006 et situé au sud de la cité.
« Aujourd’hui, le port ne peut plus se développer vers l’Est en raison de la zone naturelle ni vers l’Ouest pour des raisons de coûts trop élevés. Le port se reconstruit donc sur lui-même du côté Nord et se rapproche de la ville, souligne Jean-Denis Salesse. De son côté, la ville ne peut pas s’étendre vers l’Est et s’oriente côté Sud, donc vers le port. L’énergie conflue ainsi vers le même endroit où des lieux deviennent davantage port et d’autres davantage ville. Les possibilités limitées d’extension aboutissent à la création d’un espace où le port et la ville se complètent ». Le responsable en tire une conclusion : « Il est nécessaire de travailler de manière collaborative pour parvenir à mettre en place un lieu de transition entre les activités du port et celles de la ville et des habitants ». Il cite en exemple, le port et la cité de La Valette où entre les deux s’est créé un lieu « passif » qui permet une absence de conflits entre les activités de l’un et de l’autre.
Mobilisation autour de l’axe Seine
L’appel à projets « Réinventer la Seine » et les lauréats désignés mi-juillet 2017 s’inscrit dans la démarche globale ville-port. Cet appel à projets illustre la dynamique partenariale positive qui rassemble collectivités locales et acteurs portuaires tout au long de la vallée de la Seine mais aussi des architectes, urbanistes, artistes, start-up, promoteurs, acteurs du BTP, etc. C’est un accélérateur des mutations urbaines et portuaires qui contribue à révéler et concrétiser la mobilisation autour de l’axe Seine.
Concernant plus particulièrement l’agglomération havraise, 5 lauréats pour 5 sites ont été désignés et en deux ans, les projets ont globalement avancé.
Le projet « Rêver » prévoit de « faire émerger un ponton habité proposant un lieu ouvert à tous, où se retrouver pour dormir, manger, boire, voir, écouter, danser, etc. ». Il est composé autour de deux barges dans l’un des bassins maritimes historiques. Sur les plans domanial, juridique et administratif, « Rêver » a franchi des étapes positives au début de l’été 2019 après un long travail, précise Jean-Denis Salesse. Le business-plan doit encore être équilibré. Le permis de construire pourrait être déposé au premier trimestre 2020 et il faudra compter une durée d’un an et demi pour la réalisation.
Le projet « Quais de Seine » sur le terrain Frissard Sud-Ouest, quai des Antilles, présente « une dominante habitat » pour répondre aux besoins de logement des étudiants, des Havrais et des touristes avec la mise en place d’une ferme aquaponique et un espace multi-services ouvert au public. Les travaux vont débuter en mars 2020. Il reste un travail à conduire autour de l’élément flottant prévu dans le projet.
Le projet « Hangar zéro » sur le quai de la Saône, porté par de nombreuses associations, fonctionne sur le principe d’une mise à disposition de locaux et ateliers pour des initiatives solidaires, artistiques, équitables. Il compte des espaces pour accueillir du public (restaurant, micro-brasserie, boutique), des jardins (partagés, ruches, ferme lombricole), de l’agriculture urbaine, une plate-forme d’échange et de réemploi des matériaux de construction, des activités nautiques, du fret par voie fluviale. « Le permis de construire a été déposé et accepté, indique Jean-Denis Salesse. Il reste à boucler les aspects financiers ».
Le projet du « Quai des jumeaux » prévoit sur deux parcelles de part et d’autre du canal de Tancarville deux bâtiments jumeaux en lien avec l’activité de transbordement de marchandises (espaces logistiques et de stockage) mais aussi avec un accueil du public « pour donner à lire l’activité portuaire aux abords des bassins » avec une terrasse panoramique et un restaurant. « C’est un projet très avant-gardiste, au cœur de la problématique de la densification urbaine ; comment traiter les activités logistiques tout en les insérant dans la ville ? », relève Jean-Denis Salesse. Pour avancer, les porteurs du projet se sont associés à des architectes locaux. Les réflexions conduisent à une évolution du projet tel que présenté avec un besoin de davantage de superficie, environ 2 à 3 fois plus de terrain qu’à l’origine.
Le projet « Barges et berges en Seine » se répartit entre le port de Tolbiac dans Paris et le bassin Vatine au Havre, en étant composé d’un bâtiment sur berge et de trois barges qui selon les mois de l’année stationnent dans les deux villes en permutant. Le business-plan repose sur le lancement de l’activité à Paris avant de l’implanter au Havre. Les porteurs du projet ont obtenu une COT à Paris d’une durée correspondante à l’investissement nécessaire et ont déposé un permis de construire mais doivent actuellement répondre à des demandes de la Ville de Paris en lien avec le PLU.