NPI : comment la CNR est-elle devenue co-organisatrice de l’édition 2018 de Riverflow ?
Ahmed Khaladi : C’est en 2014, lors du Riverflow organisé par l’école Polytechnique de Lausanne, qu’il avait été décidé que le congrès 2018 se tiendrait à Lyon. Auparavant, la Compagnie nationale du Rhône ne faisait pas partie de l’AIRH, car il s’agissait d’une association de chercheurs et d’universitaires, dont les activités concernaient surtout la recherche théorique. Mais l’INSA en faisait partie, et s’est adressé à la CNR car nous sommes reconnus en matière d’ingénierie hydraulique, et, bien sûr, en tant qu’aménageur du Rhône. L’AIRH ayant désormais ajouté la recherche appliquée à ses activités, en plus de la recherche fondamentale, il était naturel qu’ils se tournent vers nous. Quant à l’IRSTEA, nous travaillons beaucoup avec cet organisme : lorsque l’on identifie un thème de recherche, nous faisons appel à eux, car nos activités sont plutôt tournées vers l’opérationnel.
NPI : quels sont les critères qui président au choix des thèmes abordés lors du colloque?
Ahmed Khaladi : Les organisateurs n’affichent pas de sujets prioritaires : les intervenants présentent leurs recherches, en fonction des sujets sur lesquels ils travaillent. On peut cependant observer certaines tendances, puisque beaucoup de présentations ont porté sur les évènements hydrologiques extrêmes. C’est un sujet qui intéresse beaucoup de monde, car on commence à se préoccuper des conséquences du changement climatique ; on observe que les sécheresses et les crues sont plus exacerbées qu’elles ne l’étaient précédemment. On l’observe d’ailleurs sur le Rhône : avec la fonte des glaciers, il est de plus en plus difficile de gérer l’alimentation en eau du Rhône au cours de l’été, car ce sont les glaciers qui contribuent à cette alimentation estivale. La gestion des sédiments et des polluants a fait aussi l’objet de beaucoup de sujets de recherche. On peut aussi citer la morphodynamique des rivières, la modélisation en modèle physique et numérique, ou encore la conception des passes à poisson. La prise en compte de la végétation dans l’eau est aussi une problématique qui a été abordée par plusieurs chercheurs, et qui intéresse particulièrement les Belges et les Néerlandais, puisque la navigation sur les canaux est particulièrement développée dans leurs pays. Ce phénomène peut d’ailleurs être lié au réchauffement climatique : comment gérer la végétation qui apparaît dans les cours d’eau en été, et comment la traiter pour que cela ne gêne pas le passage des bateaux ?
NPI : pouvez-vous tirer une conclusion des présentations auxquels vous avez assisté ?
Ahmed Khaladi : Les sujets étaient tellement variés qu’il est difficile de procéder, à chaud, à une synthèse des travaux présentés lors du colloque. Mais l’AIRH se livrera à l’exercice à partir du moment où elle aura reçu les retours des participants. Les actes du colloque seront aussi publiés, pour alimenter le travail de tous les chercheurs concernés par ces sujets de recherche. Pour l’instant, on peut afficher notre satisfaction vis à vis de l’ensemble de la teneur des communications, qui étaient de haut niveau, avec de réels apports de connaissance entre participants. Riverflow a aussi été apprécié des jeunes doctorants qui viennent se former et apprécient d’y rencontrer des chercheurs de haut niveau dont ils voient habituellement les articles dans les revues scientifiques.
NPI : quel sujet vous a, personnellement, le plus passionné ?
Ahmed Khaladi : J’ai été très impressionné par tous les travaux de recherche sur les passes à poisson qui ont été présentés lors de Riverflow. Différents moyens sont mis en œuvre pour trouver des méthodes alternatives aux passes à poissons en béton que nous avons l’habitude de voir sur les fleuves et rivières. Des travaux de chercheurs irlandais, en particulier, ont fait l’objet d’une communication : ils ont conçu des passes à poissons en rondins de bois, qui constituent une innovation très intéressante.
NPI : comment se sont déroulées les visites organisées en marge du colloque ?
Ahmed Khaladi : Nous proposions aux participants, comme cela se fait dans tout colloque international, des visites techniques avec le but de faire découvrir à la fois notre savoir-faire et le territoire de la vallée du Rhône. La visite du barrage de Génissiat concernait un lieu qui a été prévu pour recevoir des groupes, des classes ou des visites de particuliers. Les moyens de communications y sont mis en œuvre pour faire découvrir le Rhône, par exemple avec un film qui retrace tout le parcours du fleuve et montre que malgré tous les barrages possibles, il est seulement aménagé par l’homme, mais jamais dominé. La démarche est aussi pédagogique, pour expliquer l’écosystème du fleuve et l’aventure industrielle du barrage de Genissiat dont la construction, commencé il y a un siècle, a connu une histoire complexe sous l’Occupation. La visite comprenait aussi une navigation sur le canal de Savières, puis jusqu’à l’écluse de Brens pour admirer les aménagements du Rhône et l’usine hydro-électrique.
NPI : En conclusion, comment décririez-vous l’ambiance de Riverflow, et avez-vous apprécié de participer à son organisation ?
Ahmed Khaladi : Les participants on fait part de leur satisfaction en ce qui concerne tant les sujets abordés lors du colloque que les visites techniques sur le terrain. Ils ont aussi apprécié l’ambiance détendue et conviviale lors des séances de travail et lors de la soirée festive qui a clôturé la semaine. Ils ont enfin pu profiter d’une visite touristique de Lyon sous un soleil radieux. De mon point de vue, il s’agit donc d’une réussite, au-delà de l’intérêt scientifique et technique du colloque lui-même, car il faut que tous les ingrédients soient réunis pour qu’un tel évènement soit un succès. Il est important pour la trentaine de personnes de l’ISTREA, de l’INSA et de la CNR qui ont participé à l’organisation que les participants soient bien accueillis, car cela est nécessaire pour une ambiance de travail efficace. Nous sommes fiers d’avoir contribué à organiser cette grande rencontre entre des personnes qui ne se connaissent pas toutes, et de montrer aux plus jeunes le niveau d’exigence demandé : ils ont désormais deux ans pour préparer les travaux qu’ils présenteront au prochain colloque.