Malgré la grève SNCF du printemps 2018, le port de Strasbourg a réalisé 1,3 Mt de trafic ferroviaire l’année passée, soit un chiffre équivalent à celui des deux années précédentes, ce qui fait du port la première gare de fret de la région Grand-Est. Quant au transport de conteneurs par rail, il a augmenté de 19 % en 2018, à la faveur, il est vrai, du report sur le train des trafics fluviaux pour cause de basses eaux du Rhin. Ces chiffres montrent que Strasbourg connaît une bonne dynamique ferroviaire. Le port compte 14 installations terminales embranchées, c’est-à-dire 14 entreprises industrielles qui y sont établies et utilisent le transport ferroviaire de façon quotidienne. Les 105 km de réseau ferré portuaire, dont le port autonome a confié la maintenance et l’exploitation à Socorail (groupe Europorte), sont parcourus par 10 entreprises ferroviaires.
Premier trafic ferroviaire du port de Strasbourg : les conteneurs, avec en tête le terminal Nord, situé sur les quais du bassin du Commerce, à proximité immédiate du centre-ville. Le second trafic en tonnage sur le rail à Strasbourg sont les bobines d’acier pour la société NLMK. Les céréales représentent le troisième trafic ferroviaire, avec des entreprises comme les Grands Moulins de Strasbourg, Cargill, ou encore la malterie Soufflet.
Les conteneurs, à eux seuls, ont représenté en 2018 la moitié du tonnage ferroviaire du port. Et pour la première fois, le rail, avec 67 740 EVP, a dépassé le fluvial pour le nombre de conteneurs manutentionnés à Strasbourg. Le transport ferroviaire de conteneur aurait sans doute pu prendre encore plus d’ampleur, si davantage de trains avaient été disponibles.
« Avec les basses eaux du Rhin, les trains en provenance ou à destination du terminal ferroviaire étaient tous saturés, mais il est difficile de mettre en place de nouveaux trains, ce qui demande des sillons, explique Émile Gravier, directrice du développement et de la promotion portuaire du port autonome de Strasbourg. Le report du fleuve sur le rail s’est aussi fait pour les vracs liquides, en particulier les hydrocarbures, mais pas pour les vracs solides : pour les matériaux de construction, le ferroviaire est trop cher à la tonne transportée et les carriers ont préféré stocker et attendre que le fleuve retrouve un niveau correct pour reprendre leurs transports ».
Coopération avec le Havre et Marseille
Pour les transports de conteneurs, Strasbourg bénéficie de deux navettes ferroviaires par semaine à destination de Rotterdam, et d’une navette quotidienne pour Anvers. Le port est aussi relié de façon quotidienne à Marseille et au Havre, la navette étant commune aux deux destinations jusqu’à Dijon-Gevrey. Avec les deux ports français, le port de Strasbourg a signé des partenariats de coopération : l’un avec Le Havre en janvier 2018, l’autre avec Marseille en février 2019. Dans les deux cas, l’objectif est le même, souligne Émilie Gravier : « Multiplier, grâce au ferroviaire, les ports maritimes accessibles depuis Strasbourg, au-delà de la géographie qui tourne l’Alsace vers Anvers et Rotterdam ».
De la même façon que, le long du sillon rhénan, les chargeurs apprécient d’avoir le choix entre le fluvial et le ferroviaire pour leurs transports, ils recherchent aussi la possibilité de ports alternatifs à Rotterdam et Anvers, à la fois pour éviter la congestion de ces grands ports de la mer du Nord et pour profiter, par exemple, de la pertinence du passage par Marseille pour les destinations africaines ou méditerranéennes. « Les efforts à faire sont les mêmes à destination de Marseille ou du Havre, précise Émilie Gravier. Il s’agit dans les deux cas de mutualiser nos efforts commerciaux pour densifier l’utilisation des navettes, qui disposent de capacités résiduelles. Mais nous partons cependant de situations différentes, car les volumes sont moindres à destination du Havre que vers Marseille ».
Avec Haropa, le travail mené depuis un an sur un itinéraire alternatif à celui passant par Gevrey va bientôt aboutir, de même que les études de marché pour susciter l’émergence d’un nouveau service ferroviaire direct, qui passera peut être par le lancement prochain d’un appel à manifestations d’intérêt. Pour Marseille, il s’agit plutôt de développer le côté commercial, mais des aspects techniques sont aussi à l’étude, en collaboration avec SNCF Réseau, pour trouver, là aussi, un itinéraire alternatif, plus direct que le passage par le sillon lorrain et Gevrey.
Une liaison ferroviaire avec Dunkerque pour le transport de conteneurs est aussi envisagée par le port de Strasbourg, qui a multiplié les échanges avec le port nordiste et les opérateurs privés, sans que le dossier n’ait encore abouti.
Connexion à la nouvelle route de la Soie
Des investissements sur le réseau ferré portuaire sont aussi à l’ordre du jour pour le port de Strasbourg. « Nous affectons 2 M€ par an uniquement pour l’entretien courant et l’exploitation du réseau, mais nous avons aussi un programme d’investissement établi en fonction de la nécessité de faire évoluer le réseau vers davantage d’efficacité », explique Fabrice Carenou, responsable du réseau ferré portuaire au port autonome de Strasbourg. Un projet d’amélioration de la réception des trains en gare de triage va ainsi prochainement être lancé, qui consiste à allonger et électrifier les voies. À la fin de l’année, le port sera en mesure d’accueillir des trains de 750 m de long en traction électrique.
La connexion à la nouvelle route de la Soie, qui connaît une croissance exponentielle, fait aussi partie de la stratégie ferroviaire du port. « L’enjeu est de faire de Strasbourg la porte d’entrée de la route de la soie vers la France », explique Émilie Gravier, qui souligne que, face à la saturation des terminaux ferroviaires de Duisbourg, il y a urgence à évacuer les conteneurs vers leur destination finale. Des contacts ont été pris par le port de Strasbourg avec les autorités chinoises, pour la mise en place d’une liaison ferroviaire directe entre la Chine et l’Alsace. Une étude de marché est aussi en cours sur le sujet, afin de convaincre les opérateurs qu’un marché existe pour une telle liaison directe