Interface homme-machine
Avec l’arrivée d’outils numériques de plus en plus performants, le monde de la navigation connait une véritable révolution. C’est dans ce contexte que cette passerelle a été conçue en donnant une large part à l’innovation. Les travaux relatifs à la conception de « Passion » ont été cofinancés par les industriels et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) pour un budget total de 17,8 millions d’euros. Le projet s’intègre également dans le programme « Investissements d’avenir » porté par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. A l’ENSM du Havre, Jean-Pierre Clostermann a été secondé dans ses travaux par Tabatha Thiebaut-Rizzoni, psychologue-ergonome.L’équipe a validé de manière opérationnelle les innovations développées sur la passerelle. Elle a ainsi apporté un éclairage du point de vue « utilisateur » et une expertise en facteurs humains. L’objectif du projet, qui est à présent parvenu à maturité, a été de proposer une solution de navigation complète et intégrée répondant à toutes les exigences de sécurité de navigation d’un navire de type SOLAS.
« Passion » s’appuie sur des technologies de pointe telle que l’intelligence artificielle ou encore la représentation des informations de navigation en réalité augmentée. « Parmi les innovations marquantes, le concept de réalité augmentée partagée (RAP) élimine la parallaxe et permet à toute l’équipe passerelle d’avoir la même représentation de la situation grâce à un bandeau situé au dessus des écrans. C’est un atout majeur en termes de sécurité, notamment lorsque la visibilité n’est pas bonne à cause du brouillard ou lorsqu’il faut apprécier la distance avec un autre navire ou lorsqu’il faut identifier un objet sur la mer » ,explique Jean-Pierre Clostermann.
La passerelle qui vient d’entrer en phase de commercialisation répond également aux nouvelles exigences induites pas la numérisation des navires à savoir la cyber-sécurité, la résilience au brouillage des signaux satellitaires ou encore la disponibilité des systèmes de communication sécurisés. Ces technologies sont intégrées à la passerelle ou peuvent être disponibles en versions unitaires pour équiper des passerelles déjà existantes. Jean-Pierre Clostermann et Tabatha Thiebaut-Rizzoni ont travaillé sur l’interface homme-machine pour améliorer, là encore, la sécurité de navigation.
Des retours positifs des officiers
Ces derniers mois, « Passion » a été testée sur le simulateur de navigation de l’ENSM du Havre par huit officiers de la marine marchande de tout âge et de tout niveau d’expérience. « Nous voulions voir si l’outil correspondait aux attentes de navigants. Les tests duraient de 1 h 30 à deux heures à chaque fois. Il en est ressorti un certain nombre de préconisations. Les retours sont globalement positifs. Ils ont notamment apprécié l’usage des tablettes. Ils ont également trouvé que les outils étaient plutôt faciles à utiliser, comme les commandes qui sont placées dans les accoudoirs des sièges », explique Tabatha Thiebaut-Rizzoni.
L’officier qui prend place sur un siège de commandement dernier cri totalement ergonomique s’identifie grâce à un lecteur d’empreinte digitale situé dans un des accoudoirs. Le siège se règle alors automatiquement suivant ses habitudes. L’officier ou les deux officiers font face à quatre écrans tactiles qui leur fournissent toutes les informations nécessaires à la navigation. Le « Mission Data Recorder » (MDR), par exemple, permet de transmettre toutes les informations sur le dernier quart d’heure de navigation, position, cap, vitesse, incident éventuel, des informations qui peuvent être précieuses au moment du changement de quart. « C’est une sorte de boîte noire du navire. Cela permet également de rejouer une manœuvre dans le cadre d’une formation », ajoute Jean-Pierre Clostermann. Le second écran, parmi toutes ses fonctionnalités possibles, permet, par exemple, d’appréhender de manière immédiate la gîte et l’assiette du navire. Là encore, l’officier peut interagir sur l’écran pour obtenir l’information qu’il souhaite.
Une bulle Wifi en 4 ou 5 G
« L’industriel a beaucoup travaillé sur l’interface VHF. Le navigant a possibilité de se connecter sur trois canaux VHF. Il est possible d’écouter le canal de son collègue. Avec le téléphone interne à proximité, il a accès à tous les postes fixes du navire mais aussi, et surtout, à tous les Smartphones professionnels des membres de l’équipage car le navire disposera d’une bulle Wifi en 4 ou 5 G », précise Jean-Pierre Clostermann.
Autre point fort de la passerelle « Passion », sa console de communication avec trois serveurs. Comme sur les avions de ligne, un système de redondance et une batterie de secours permettent à la console de continuer à fonctionner en cas de « black out » et donc d’assurer les communications à bord. Un système a également été imaginé pour lutter contre les cyber-attaques de quelle que nature qu’elles soient, externes ou internes. Le système de « I Navigation », lui, permet, en fonction des abonnements retenus, de se connecter sur les réseaux des ports qui sont connectés et d’obtenir ainsi une visualisions du port d’escale ou encore d’effectuer des démarches administratives en ligne en amont de l’escale. Jean Pierre Clostermann ajoute que « Passion » a déjà été présentée à des acteurs du maritime comme les Abeilles Internationales, la compagnie du Ponant ou encore Royal Caribbean.