L’avenir du port de Colmar-Neuf-Brisach s’inscrit désormais dans celui de l’après-Fessenheim, et vice-versa. En faisant de la zone d’activités EcoRhena située sur l’emprise portuaire un pilier de son « projet d’avenir » pour le territoire marqué par la fermeture de la centrale nucléaire, l’État s’est remis dans le jeu du développement de l’infrastructure portuaire. Mais un an et demi après la signature de ce pacte territorial, les effets tangibles se font attendre… Confirmation que l’ère du post-nucléaire sera celle du temps long.
Le projet d’avenir du 1er février 2019 définit EcoRhena comme « une zone d’une superficie potentielle de 220 hectares aménageables destinée à accueillir tant des grandes entreprises que des PME et des ETI (entreprises de taille intermédiaire) dans des activités industrielles, portuaires et fluviales ». Le site est appelé, en outre, à « intégrer dès sa conception une démarche d’écologie industrielle territoriale », à l’instar de l’initiative déployée depuis plusieurs années dans la zone du port autonome de Strasbourg. Mais la disponibilité foncière effective d’EcoRhena doit déjà être revue à la baisse, et de façon substantielle : elle est ramenée à 90 hectares par l’effet de la protection de la faune et de flore dont la richesse a été mise en exergue par l’étude environnementale préalable. À l’intérieur de la superficie qui pourra être dédiée à l’activité économique, quelque 25 hectares situés bord à voie d’eau sont réservés aux projets du port.
Cette capacité foncière laisse encore de belles opportunités sur le principe. Encore faut-il trouver un pilote au quotidien. C’est là qu’arrive une autre pierre d’achoppement, aux yeux des élus locaux. La Société d’économie mixte (Sem) franco-allemande chargée, selon le projet d’avenir, de « conduire les projets d’aménagement et de développement économique », dont EcoRhena mais aussi potentiellement la zone portuaire nord, attend toujours sa mise en place. Son passage à l’opérationnel est désormais promis pour la fin de l’année 2020. L’outil est séduisant et innovant. Réunissant 21 actionnaires – État, EDF, collectivités locales, chambres de commerce et d’industrie, banques - répartis entre les deux rives du Rhin sera-t-elle efficace ? Et le sera-t-elle autant, sinon davantage, que la gouvernance qui s’installe en parallèle pour Colmar-Neuf-Brisach ? Raphaël Schellenberger, député (LR) du Haut-Rhin, président de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le suivi de la fermeture de la centrale, en doute : « On a mis l’ingénierie sur les questions de montage, alors qu’il faudrait la focaliser sur l’opérationnel. Le port aurait pu porter l’aménagement de la zone ».
Entre Sem, SMO et Semop
En effet, EcoRhena et la zone portuaire nord verront potentiellement intervenir de concert la Sem, d’une part, le Syndicat mixte ouvert (SMO) de Colmar-Neuf-Brisach et sa future Semop (Sem à opération unique), d’autre part. Cette Semop entrera à son tour en action le 1er janvier 2021, suite à la désignation dans les prochains mois du groupement d’opérateurs privés qui en deviendra l’actionnaire majoritaire complété, potentiellement, de la Banque des territoires et, de façon certaine, par le SMO à hauteur de 34 %. Ce qui garantira un droit de regard aux acteurs publics qui composent le SMO : État, région, CCI Alsace, Alsace Eurométropole, communauté d’agglomération de Colmar, communauté de communes Pays Rhin-Brisach, terre d’accueil du port, d’EcoRhena et de Fessenheim.
Dans cette période où la procédure relative à la Semop suit son cours, la délégation Colmar-Centre-Alsace de la CCI n’a pas souhaité s’exprimer. Avec les collectivités locales, elle avait, dès 2018, un plan de développement relativement précis pour le port dans le cadre de cette nouvelle gouvernance succédant à sa concession de 1965 : renforcer l’offre ferroviaire au moyen du raccordement à l’installation terminale embranchée du port, confirmer la spécialisation vers le colis lourd comme vecteur de différenciation par rapport à Strasbourg et Mulhouse, trouver de nouveaux axes dans le vrac comme le traitement de terres polluées, créer de nouveaux quais et une plate-forme logistique multimodale dans l’emprise portuaire d’EcoRhena, construire quelque 12 000 m2 de bâtiments pour l’accueil d’entreprises. Autant d’axes que le futur exploitant devra accorder avec les intentions de l’État pour l’après-Fessenheim.