Le contexte incertain du Brexit en 2019 et une activité économique britannique morose ont contrarié les trafics transmanche du port de Calais qui conserve toutefois sa part de marché. L’intermodal ferroviaire performe. L’avenir est lié à la fin des travaux d’extension du port et la mise en service de 3 nouveaux postes à quai début 2021.
« Nous avons vécu une année 2019 chahutée, dominée par les incertitudes liées au Brexit, annoncé pour fin mars, puis pour mi-avril, puis fin octobre, a déclaré Jean-Marc Puissesseau, pdg de la Société d’exploitation des ports du détroit (SEPD), lors de la conférence de presse annuelle organisée le 20 janvier 2020. Le trafic fret transmanche est en baisse, la part de marché apparaît toutefois en très légère progression de 0,2 % ». Celle-ci est de 46 %. « Le trafic tourisme est lui aussi en recul mais il y a un gain là aussi en part de marché ».
En 2019, le port de Calais a enregistré 1 813 067 unités fret (-4,6 %) ce qui représente un peu moins de 42 millions de tonne de marchandises et 900 000 poids lourds de moins qu’en 2018. Côté tourisme, 8 477 908 passagers ont été recensés (-7 %) et 1 490 633 véhicules (-8,68 %).
Dans ce contexte difficile, le terminal intermodal du port de Calais performe avec un trafic de remorques non accompagnées de 42 483 unités (+11,2 %) et un record de près de 5 000 remorques en octobre 2019. Cette croissance est largement la conséquence de la montée en puissance de l’opérateur d’autoroutes ferroviaires Viia qui représente 16 884 unités du total (+88 %). Viia a renforcé ses services en proposant des dessertes quotidiennes vers et depuis Le Boulou, Orbassano depuis fin 2018 et Mâcon depuis mars 2019. L’ouverture de la nouvelle ligne maritime Ro-Ro Calais-Tilbury proposée par P&O Ferries depuis fin septembre 2019 et l’augmentation du nombre de remorques embarquées par DFDS sur ses navires ont participé à la bonne santé de ce trafic.
Des ambitions pour le ferroviaire
La performance a toutefois été freinées par « des événements climatiques » qui ont interrompu la circulation des lignes d’autoroutes ferroviaires de Le Boulou et Orbassano, en août et octobre 2019, empêchant Viia de fonctionner à pleine capacité durant plusieurs semaines. Le mouvement de grève à partir du 5 décembre 2019 a totalement arrêté le trafic de Viia, entraînant la suspension de la ligne Calais-Tilbury. Tout devrait redémarrer avant la fin du mois de janvier 2020.
« Nous croyons fortement dans cette activité, des poids lourds sur des trains, ce sont des économies financières et des réductions des émissions. Nous avons investis pour développer cette activité. L’objectif de 100 000 remorques est atteignable d’ici 3 à 4 ans, a précisé Jean-Marc Puissesseau. La ligne Calais-Tilbury ne signifie pas un asséchement de Calais-Douvres, c’est une assurance pour l’avenir ». Le pdg a aussi indiqué « ne pas être inquiet pour l’avenir du fret transmanche à moyen terme. Le redémarrage prendra peut-être 2 à 3 ans, il va falloir du temps au Royaume-Uni pour passer le cap mais le gouvernement britannique va prendre des mesures. Et la Grande-Bretagne aura toujours besoin de produits en provenance de l’Union européenne et d’exporter. Nous espérons un accord qui protège les intérêt des deux parties ».
Concernant les terminaux de commerce, Calais présente une hausse de +1 % avec 511 836 tonnes malgré l’absence totale de trafic de sucre qui a été compensé par des trafics de matériaux destinés au chantier d’extension du port, de coke de pétrole, de câbles. A Boulogne-sur-Mer, le tonnage atteint 701 539 tonnes (-12,2 %), un chiffre qui cache un net redressement de l’activité au deuxième semestre grâce à un trafic de pierres à chaux et ne doit pas faire oublier un « très net regain de l’activité au cours des deux années précédentes pour ce port ».
Prêt pour le Brexit
La préparation du Brexit a nécessité des investissements de 6 M€ au port de Calais pour réaliser les infrastructures nécessaires aux Douanes et services vétérinaires (Sivep) qui ne seront utilisées qu’à partir du 1er janvier 2021, à l’issue de la période d’adaptation et de négociation d’un accord entre l’UE et la Grande-Bretagne. La direction de la SEPD est en négociation avec le gouvernement pour obtenir un remboursement des 6 M€ investis, compte tenu qu’elle a suivi les demandes de l’Etat de tout préparer en vue d’un « hard Brexit ». Elle a aussi fait part de sa conviction que tout fonctionnera de manière fluide : « A l’arrivée, la Grande-Bretagne sera un pays tiers, ce qui signifie des contrôles douaniers, des taxes, des échanges de documents. Nous avons les installations et les outils pour cela ».
En 2020, les investissements atteignent 11 M€ pour le port de Calais avec des travaux de maintenance de l’actuel terminal transmanche et d’autres nécessaires à la mise en exploitation du nouveau site. Celui-ci entre d’ailleurs dans sa dernière année de chantier et la SEPD en prendra livraison le 13 janvier 2021. « Il sera opérationnel quelques jours plus tard. La date de l’inauguration est dans les mains du président de la région mais aussi de l’Elysée car Calais port 2015 constitue l’un des pus grands chantiers des dernières années en France », a souligné Jean-Marc Puissesseau. Pour lui, l’extension du port avec ses 3 nouveaux postes à quai va permettre à Calais de rester dans la compétition Transmanche, de développer de nouvelles destinations, Irlande ou autres pays d’Europe du Nord, de continuer à développer l’intermodalité ferroviaire, d’accueillir les ferries de nouvelle génération plus capacitaire.
La conférence de presse annuelle sur les résultats de la de la Société d’exploitation des ports du détroit (SEPD) organisée le 20 janvier 2020 a donné l’occasion à son pdg Jean-Marc Puissesseau d’alerter sur le retour des migrants sur la rocade portuaire de Calais. Ce qui rappelle de bien mauvais souvenirs aux salariés, usagers, clients, passagers du port et montre que la situation difficile des migrants perdure.
Jean-Marc Puissesseau a indiqué avoir écrit début janvier 2020 au gouvernement et à son ministre de l’Intérieur pour demander « « la mise en place de forces de police supplémentaires » pour faire cesser la situation sur la rocade. Le préfet de région a également été alerté tout comme l’ensemble des responsables locales et régionales.
« Nous sommes très démunies face à ces nouvelles attaques de migrants. Nous sommes délaissés par l’Etat. Par le passé, nous avons déjà vécu de très près ces difficultés. Nous nous rappelons des morts et des victimes. Tout en prenant soin des migrants, il faut sécuriser les accès au port ». Pour le moment, le silence est assourdissant de la part des destinataires du courrier du pdg.