1938-2018 : les 80 ans d’existence du port de Lyon-Edouard ont été l’occasion de réunir en présence de la ministre des Transports Elisabeth Borne des professionnels, spécialistes, représentants des mondes politiques et économiques, élus pour débattre sur le rôle et la place d’un tel site à l’avenir.
« Le port de Lyon-Edouard Herriot a été le premier ouvrage réalisé par la CNR, a rappelé la pdg Elisabeth Ayrault. Cette année, nous célébrons les 80 ans du port alors que nous avons célébré les 70 ans du premier ouvrage hydroélectrique construit par la CNR sur le Rhône». Elle a poursuivi en faisant part de « sa conviction que les outils industriels au service des villes comme le sont les ports doivent demeurer à proximité des agglomérations. Il ne faut pas les cacher. Il faut en faire comprendre les enjeux aux citoyens notamment en matière de transition énergétique et de report modal ».
Le port de Lyon-Edouard Herriot a été installé dans le quartier de Gerland, dont la vocation est industrielle de longue date. Pour la maire de l’arrondissement, « ce quartier doit rester un lieu de développement économique. Mais le port doit être mieux connu de la population, des habitants. Il faut tisser du lien entre la ville, le port et les habitants ». Michel de Bièvre, président de la communauté portuaire bruxelloise, a souligné : « Le port doit s’intégrer dans la ville. Le dialogue est essentiel entre toutes les parties prenantes dans un contexte où le bord de la voie d’eau est très convoité pour des transformations à caractère d’habitation ou de loisirs. L’architecture du port est très importante : il est possible de rendre le port plus beau ce qui peut attirer des touristes par la voie d’eau. Il est aussi possible d’illuminer les sites industriels, les centrales à béton par exemple, installés au bord de la voie d’eau ».
Elisabeth Ayrault a rappelé l’existence de la déchèterie fluviale depuis fin 2016 au service des lyonnais, la présence d’un simulateur fluvial, outil de formation à la navigation fluviale, dans les locaux de Promofluvia. Elle a expliqué le projet d’hôtel de logistique urbaine pour mutualiser la manutention et optimiser les flux de distribution au cœur de la métropole par véhicules propres : « C’est de l’intégration du port dans la vie quotidienne de la population ». Il y a aussi la construction à partir de 2019 du « quai des énergies », station multi-énergies vertes qui permettra au conducteur de poids lourd ou de d’automobile de recharger son véhicule en carburants alternatifs (hydrogène, électricité 100% verte, GNC).
Un axe, c’est un système organisé
Le port de Lyon-Edouard Herriot, c’est un trafic annuel de 12Mt, 72 entreprises, 3 dépôts pétroliers, 2 terminaux à conteneurs, 1 zone d’activité. C’est un site intermodal, géré par la CNR dans le cadre de la concession signée avec l’Etat et qui arrivant à échéance fait l’objet actuellement de négociation pour son renouvellement.
David Kimelfeld, président de la métropole de Lyon, a rappelé l’intérêt du port pour le transport de marchandises par conteneurs à l’export vers Fos et aussi à l’import avec du fret qui remonte de Marseille. Pour Jean-Christophe Baudouin, délégué interministériel à l’axe Méditerranée-Rhône-Saône : « La performance de la chaine logistique est globale, un maillage est indispensable. Il s’agit de « chasser en meute », de faire du collectif. Il y a un axe, des flux, un accès par le GPMM et une articulation d’un système. Un axe, c’est un système organisé. Par exemple, Anvers avec Liège par le canal Albert ».
Voies navigables de France (VNF) a rappelé la diversité des marchandises présentes : vrac solide, matériaux de chantier, céréales, produits métallurgiques, vrac liquide, hydrocarbures, produits chimiques. Et bien sûr des conteneurs. Un port, ce sont des entrées et sorties de marchandises mais c’est aussi un lieu pour les ruptures de charges des transports massifiés, « un rôle écologique ». Les coûts externes du transport fluvial sont 3 à 4 fois moindres que ceux du TRM.
Pour Christine Cabaud-Woehrel, directrice et présidente du directoire du GPMM : « Le lien qui unit Lyon et Marseille est puissant et naturel, c’est le Rhône et sa vallée. Nous travaillons dans une vision d’axe. Il y a Medlink Ports qui travaille à l’amélioration de la chaîne logistique et qui a jeté les bases du système portuaire qu’appelle de ses vœux Jean-Christophe Baudouin sur l’axe. D’autant plus que Medlink Ports s’ouvre aujourd’hui de manière plus large en intégrant des membres ou partenaires ferroviaires ». En réponse au président de la métropole de Lyon, Christine Cabaud-Woehrel a répondu que « concernant la fluidité des barges, un vaste travail a été mené depuis le début de l’année, des solutions sont en place et qui fonctionnent ». Il faut maintenant attendre les résultats de l’année 2018 pour en connaître les effets dans la réalité.
Un axe, c’est un système organisé
Il est revenu Stéphane Bouillon, préfet du Rhône, de la région Auvergne Rhône-Alpes, du bassin Rhône-Méditerranée de présenter le « schéma directeur pour les orientations futures » à l’horizon 2030 et 2050. « Devant les défis de la transition énergétique et environnementale, l’Etat conduit une réflexion stratégique collective sur l’aménagement à moyen terme du port ». Il s’agit de poser les enjeux à ces dates en matière d’investissements et de projets pour que le port reste compétitif et utile à l’économie du territoire. D’ici 2050, le port de Lyon doit offrir des solutions en matière d’énergies nouvelles, des services connectés à la métropole, devenir un hub intermodal au cœur de l’axe Rhône-Saône-Méditerranée. Le préfet a aussi assuré d’un renouvellement à venir de la concession entre l’Etat et la CNR.
Delphine André, présidente du groupe Charles André, a rappelé qu’il ne fallait pas « opposer les modes de transport » et appelé « chaque acteur à remplir ses obligations dans sa spécialité, notamment les pouvoirs publics et les collectivités ».
Il a ensuite été mis en avant qu’il y a du potentiel de développement pour le transport fluvial de marchandises sur le Rhône, encore loin de la saturation et qui offre une disponibilité maximale et une absence de congestion. Face aux problématiques de congestion routière de la vallée du Rhône et d’émissions de gaz à effet de serre, le fret fluvial massifié apporte une alternative efficace aux besoins logistiques des entreprises, notamment pour les flux de vrac, les matières dangereuses et même les conteneurs. Il permet des volumes et des charges transportés par voie d’eau très supérieurs à ceux opérés par les autres modes. Il y a aussi du potentiel pour le développement du tourisme et des croisières fluviales.
La conclusion des échanges est revenue à Elisabeth Borne, ministre des Transports : « L’intégration d’un port dans la ville est un enjeu fondamental ici à Lyon et ailleurs. Le développement des activités portuaires ne peut s’envisager sans prendre en compte l’urgence écologique. C’est pourquoi il est indispensable d’encourager l’utilisation des modes de transport à moindre empreinte environnementale d’où la nécessité du report modal vers la voie d’eau et le ferroviaire. C’est l’un des sujets de la loi d’orientation des mobilités à venir. Le développement d’un port passe par la diversification de ses activités, leur orientation vers l’avenir dans le contexte de la transition énergétique et écologique. La smart city a besoin d’un smart port. Il y a notamment la logistique à forte valeur ajoutée, les énergies renouvelables, les circuits courts pour les approvisionnements, le recyclage ». Tels sont les projets du port de Lyon-Edouard Herriot, a poursuivi la ministre, citant la déchèterie mobile fluviale et son pousseur à l’hydrogène, le quai des énergies, l’hôtel de logistique urbaine.
La ministre a évoqué ensuite la mission conduite sur l’axe par Jean-Claude Baudouin, délégué interministériel : « Le port de Lyon et la métropole sont au cœur d’un axe stratégique Méditerranée-Rhône-Saône, situé au cœur des corridors européens. De nombreux flux logistiques y convergent, irriguent une grande variété d’entreprises, d’industries, de territoires. Le potentiel de ce vaste territoire étendu sur 4 régions est considérable en termes de création de richesses et d’emplois. C’est pourquoi j’appelle à une stratégie portuaire d’ensemble et cohérente à l’échelle de l’axe qui fédère toutes les énergies. Cette stratégie portuaire devra mettre en valeur les missions des ports intérieurs. L’avenir du port du Lyon passe par le développement les liens qui l’unissent en amont aux ports de la Saône, en aval aux ports du Rhône. Le schéma portuaire devra prendre en compte cette chance géographique. Notre stratégie portuaire devra passer par une meilleure synergie, un dialogue accru entre les ports intérieurs et maritimes, ici le GPM de Marseille ».
Pour la ministre, une vision collective est essentielle car la compétition mondiale s’exerce sur l’ensemble de la chaîne logistique, donnant en exemple les ports du Nord de l’Europe et leur succès collectif. C’est aussi le moyen de répondre aux enjeux de la transition énergétique, écologique et numérique.
Elle a conclu : « Le gouvernement a une ambition maritime. Et je le dis : pas d’ambition maritime sans ambition portuaire et fluviale. Sur l’axe Méditerranée-Rhône-Saône, il nous appartient, il vous appartient de le développer dans une approche collective et partagée avec l’aide de l’Etat. Il s’agit de faire émerger et à mettre en œuvre une stratégie portuaire d’ensemble et ambitieuse. Je souhaite que cette stratégie se traduise au plus tôt par des initiatives et des projets concrets ».