La Moselle a trouvé son exploitant pour les 30 ans à venir : il s’agit du trio formé de la CCI Grand Nancy Métropole Meurthe-et-Moselle, de la CFNR et d’ArcelorMittal. Plus précisément, ce groupement, que conduit la CCI, a été désigné pour participer à la Semop, la société d’économie mixte à opération unique qui sera chargée de la gestion, de l’aménagement et du développement de 11 ports, neuf publics et deux privés, en vertu du contrat de concession qu’elle signera pour ce périmètre avec l’autorité concédante, le SMO des ports lorrains. Le choix a été avalisé par ce Syndicat mixte ouvert. Réunissant le conseil régional du Grand Est et VNF, celui-ci programme la tenue de son instance décisionnelle, le comité syndical, dans la seconde moitié de septembre 2020, de façon à rendre opérationnelle au 1er janvier 2021 la Semop qui adoptera le nom de Société des ports de Lorraine. Soit à la date en forme de « dead-line » résultant de l’alignement dans le temps des différentes concessions qui étaient arrivées à échéance ces dernières années.
Le SMO a tenu son calendrier. Après sa création en octobre 2018, il avait lancé en avril 2019 l’avis d’appel public à concurrence pour la création de la Semop, en fixant l’objectif d’attribution à l’automne 2020.
Ainsi se met en place la nouvelle gouvernance des ports implantés le long des 158 km de la Moselle canalisée française, telle que les pouvoirs publics l’ont recherchée à partir de 2015, dans un double contexte : les concessions « classiques » des CCI touchaient à leur fin et les nouvelles donnes du monde du transport et de la logistique avaient convaincu tous les acteurs qu’il fallait changer de mode opératoire.
Celui qui va désormais s’installer applique le principe de la délégation de service public, en reposant sur un couple associant cadrage public (SMO) et gestion quotidienne public-privé (Semop).
51 % de la Semop au groupement privé
Par nature, la société d’économie mixte requiert la participation d’acteurs publics à son capital, et dans le cas d’une Semop, à une hauteur minimale de 34 %. Dès lors, l’arbitrage sur l’identité de l’actionnaire majoritaire donne un signal. Or le SMO a fait le choix d’accorder au groupement retenu la majorité de 51 %, lui-même se cantonnera aux 34 %, le complément venant de la Caisse des dépôts/Banque des territoires. « Donner les manettes au privé apparaît pertinent : développer des ports, c’est un métier à part, et l’expertise respective des membres du groupement retenu se conjuguera pour redynamiser l’offre », commente Pascal Gauthier, directeur territorial Nord-Est de VNF. La répartition des rôles au sein du groupement prévoit que la CFNR, filiale de Rhenus, exploite les terminaux de vracs et SE3M, filiale de la CCI, les terminaux à conteneurs maritimes. ArcelorMittal apporte, quant à lui, ses deux ports privés ainsi que 20 hectares de foncier et une réserve de 70 hectares. Au sein du groupement, les parts se répartissent à 55 % pour la CCI, à 30 % pour CFNR et à 15 % pour ArcelorMittal.
Le SMO des ports lorrains, lui, ne modifie pas sa composition : elle reste limitée aux deux acteurs région (51 %) et VNF (49 %), à la différence des ports haut-rhinois (voir plus bas). « Les collectivités locales directement concernées par l’avenir du port ou des ports situés sur leur propre territoire sont associées à tous les travaux du comité syndical, où elles siègent à titre consultatif. Ce fonctionnement à deux échelons semble faire consensus », pointe Pascal Gauthier. Dans le cas lorrain, qui rassemble un grand nombre d’infrastructures, il est jugé d’autant plus pertinent, en attribuant au conseil régional un rôle de garant des « équilibres » et la hauteur de vue nécessaire. En effet, sceller un destin commun aux ports le long de la Moselle constitue une vraie révolution… qui n’efface pas par enchantement la résurgence de concurrences contre-productives entre les uns et les autres. La collectivité régionale a vocation à les éviter.
Mais équilibre et respect des identités ne signifient pas égalitarisme : la Semop n’entend pas saupoudrer son effort financier. Pascal Gauthier le dit en termes clairs : « Il ne s’agit pas de faire plaisir à tout le monde, mais de développer l’outil performant qui bénéficiera à tous ». Traduction : les 30 millions d’euros d’investissements sur 30 ans, durée de la concession, qui seront inscrits dans le plan de développement ne se répartiront pas à parité sur les ports, aux tailles très différentes. « La grande majorité sera fléchée vers les quatre ports publics de Nancy-Frouard, Metz-Mazerolle, Nouveau port de Metz et Thionville-Illange », complète Xavier Lugherini, chargé de l’action commerciale à VNF Nord-Est. Représentant plus de 80 % du trafic total, ce quatuor concentrera aussi en priorité les projets de développement du multimodal et de zones logistiques alentour, « éléments incontournables de la redynamisation », selon VNF. La nouvelle gouvernance devra trouver les moyens de dynamiser les « petits ports » en tirant parti de certaines de leurs spécificités, existantes comme les matériaux de carrières à Koenigsmacker, ou potentielles, comme les colis lourds à Cattenom.
Au final, l’objectif consiste à augmenter les trafics sur la Moselle et ainsi continuer à remonter une pente qui était descendue sous les 5 millions de tonnes en 2018, loin des 10 millions de tonnes du passé glorieux de la sidérurgie et des centrales thermiques au charbon. La crise du Covid-19 étant passée par là, VNF ne se hasarde pas à annoncer un chiffre pour les années à venir. Mais « techniquement », il y a de la marge, rappelle Xavier Lugherini : « La réserve de capacité atteint 20 millions de tonnes annuelles ».
Verdicts en Alsace à l’automne 2020
En Alsace, l’échéance pour la mise en place de la nouvelle gouvernance se situe au 1er janvier 2021 pour les deux établissements concernés : le port de Colmar-Neuf-Brisach et les ports de Mulhouse-Rhin (PMR). Les concessions cinquantenaires de 1965 des CCI sont arrivées à terme et ont déjà été prolongées.
Un SMO dédié regroupant la région Grand Est, VNF, la CCI et les intercommunalités respectives a été constitué, en août 2017 pour le Sud-Alsace et en mars 2018 pour Colmar. En prévision de la Semop, les partenaires avaient lancé un appel à manifestation d’intérêt « dans le but de jauger les marques d’intérêts et d’identifier le profil (aménageurs, opérateurs fluviaux, etc.) des candidats potentiels », rappelle Jean-Laurent Kistler, chef du service développement à VNF Strasbourg. Ces avis d’appels publics à concurrence ont finalement abouti à un second round de négociations ; celles-ci, en bonne voie, s’achèveront cet automne. rappelle Jean-Laurent Kistler, chef du service développement à VNF Strasbourg.
Ces avis d’appels publics à concurrence ont finalement débouché sur des négociations de gré à gré, qui s’achèveront cet automne 2020. On saura alors quels opérateurs ou groupements d’opérateurs participeront aux deux Semop. Le SMO conservera 34 % du capital en Centre-Alsace. Pour les ports de Mulhouse-Rhin, les collectivités locales ont souhaité qu’il détienne la majorité, soit 51 %. La création y est envisagée d’une filiale de la Semop qui se verrait confier l’activité de manutention, toujours sous contrôle final du public. La Semop deviendra « Landlord ». Comme en Lorraine, l’enjeu majeur, en effet, demeure l’unification de la gestion du foncier qui appartient aux différents adhérents du SMO de façon à développer l’offre multimodale ainsi que les zones d’activités logistiques, industrielles et portuaires (comme la nouvelle plate-forme vrac de Huningue-Village Neuf).