Tankers, gaziers, porte-conteneurs, colis lourds, vraquiers sont au rendez-vous, certes, mais moins nombreux qu’à l’accoutumée. Marseille-Fos, port stratégique, avec Le Havre des approvisionnements français et européens a, aux premiers jours de l’épidémie, élaboré un plan de continuité de l’activité, avec l’ensemble des maillons de la chaîne logistique. L’exploitation quotidienne est confrontée à la réduction des équipes et à la diminution de l’amplitude horaire d’ouverture du port. La continuité de l’activité prédomine désormais sur la productivité. Quant aux trafics, ils sont en très fort recul sur les mois de mars et d’avril…
Malgré les annulations d’escales en série, notamment au départ de Chine, la forte réduction des services maritimes de lignes régulières conteneurisées, la chute des volumes, une trentaine de navires patiente en rade de Fos dans l’attente d’un poste à quai à la mi-avril. "Tous les services aux navires sont opérationnels, mais les mesures sanitaires nécessitent une organisation différente et adaptée. La constitution des équipes s’adapte, dans un environnement économique compliqué, reflet de l’activité internationale", explique Bruno Scardigli, président de l’Association des agents consignataires de Marseille-Fos (AACN).
Surestaries et frais de stationnement
A la baisse de la productivité sur les terminaux, le représentant d’Inchcape Shipping Services en France préfère évoquer "l’adéquation des services aux besoins". Les maillons de la chaîne logistique se sont détendus, les équipes réduites afin de minimiser les risques de contagion du Covid-19. Compte tenu de la réduction de la main-d’œuvre, le port, qui avant la crise sanitaire tournait H 24, a mis en place de nouvelles règles interdisant les accostages et appareillages entre 23 h 00 et 5 h 00 du matin (voir encadré).
L’attente sur rade génère des surestaries facturées aux clients par les compagnies maritimes auxquelles s’ajoutent des frais de stationnement à quai, une fois la marchandise débarquée. Au Havre et à Fos, le manutentionnaire PortSynergy propose désormais de diviser par deux les frais de stockage à compter du seizième jour. A Fos, de nouvelles zones de stockage à l’extérieur des grilles du GPMM proposent des tarifs plus avantageux en attendant une hypothétique reprise de l’activité des clients.
Depuis début avril, les global carriers proposent à leurs clients de débarquer la marchandise ne pouvant être livrée à leurs destinataires dans des ports désignés pour faire office de stock tampon. Ainsi, CMA CGM dépose les conteneurs à Malte et MSC a fléché Gioia Tauro et Tekirdag comme ports de délestage.
Difficultés du quotidien pour les transitaires
L’interdiction des plis cartables (c’est-à-dire la documentation qui accompagne la marchandise sur le navire) et des problèmes opérationnels de La Poste compliquent la tâche des transitaires. "Le travail s’est organisé entre les personnes au bureau, en télétravail et en entrepôt. Dans les bureaux, nous avons besoin aussi d’une permanence afin de recevoir le courrier, de l’envoyer, de gérer les colis… La douane a mis localement en place certaines procédures pour dédouaner sans originaux par exemple. Mais la réponse se fait bureau par bureau. La problématique que nous avons est sur la liquidation de la douane. L’État ne nous a pas encore aidés sur ce plan-là. 75 % du risque financier des commissionnaires se trouve dans la problématique des paiements de la liquidation", explique Stéphane Salvetat, président du Syndicat des transitaires de Marseille-Fos.
Les professionnels assistent à des évolutions contrastées des trafics. Le recul des flux de conteneurs maritimes, de 13 % en mars, devrait s’accentuer en avril. Coup de frein également côté importations de véhicules, où les compagnies maritimes ont cessé de desservir Marseille-Fos. A Fos, le sidérurgiste Arcelor-Mittal a stoppé temporairement ses deux hauts fourneaux, avec un impact sur les vracs solides et expéditions de coils.
Seafoodia confronté à la pénurie de reefers
En revanche, les exports de céréales, de produits agroalimentaires et chimiques se portent bien. "En raison de la fermeture des restaurants, des écoles, les entrepôts réfrigérés sont pleins", souligne Victor Faramia, gérant de l’entreprise de transport routier NJS Faramia.
Basée à Marseille, Seafoodia, spécialiste du négoce des produits de la mer, qui traite un trafic annuel de 3 000 conteneurs, a vu ses approvisionnements bouleversés. "La chaîne logistique a été gravement impactée à partir du moment où le virus s’est développé en Chine. Nous avons manqué de conteneurs partout sur la planète. Toutes les compagnies maritimes n’avaient plus ni conteneurs dry ni reefers. Aujourd’hui, les approvisionnements de Chine accusent de 5 à 8 semaines de retard ; pour certains produits cela peut aller jusqu’à trois mois. Des ponts aériens ont été mis en place pour le matériel médical mais pour les autres marchandises, nous avons un énorme décalage. Des fournisseurs se sont débrouillés pour livrer les grandes surfaces de poisson en conserves et surgelés. La consommation de produits alimentaires congelés est en hausse de plus de 50 %. Les ventes de langoustes, homards ont été énormes. La France s’est remise à cuisiner", a expliqué le président de Seafoodia, David Sussmann, s’exprimant le 14 avril sur la web TV M Provence. La plupart des professionnels annoncent accusent des chutes de 30 à 60 % des volumes mi-avril et tablent sur un redémarrage progressif de l’activité dans les toutes prochaines semaines. La fin du confinement le 11 mai pourrait accélérer la reprise…
Les marins consignés à bord
Pour éviter la propagation du virus en mer comme à terre, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris un arrêté le 6 avril 2020 encadrant très strictement la descente à terre des équipages de navires en escale dans le port de Marseille-Fos. Les marins n’ayant désormais plus le droit de franchir la coupée, sauf si leur état de santé "nécessite une prise en charge médicale" ou pour les "manœuvres nécessaires à la sécurité du navire" dans une limite de 10 mètres maximum. Le transit en vue du rapatriement des équipages étant désormais soumis à autorisation préfectorale. Chez les pilotes et au remorquage, où plusieurs cas de Covid-19 ont été recensés, les équipes sont réduites. La coopérative du lamanage a divisé par deux ses bordées d’intervention (9 à Marseille et 13 à Fos et Port-de-Bouc). Les services portuaires accusent une baisse de chiffre d’affaires de 30 % en mars et 50 % en avril. Seule la Méditerranéenne de Services Maritimes (filiale du lamanage) chargée de l’avitaillement des navires sur rade en vivres, pièces de rechange et relèves enregistre pour sa part un niveau élevé d’activité et ce, en dépit d’un contexte très strict autour des relèves d’équipages.