Shell "va suspendre temporairement les travaux de construction" en cours à Rotterdam dans le cadre de son projet visant à produire à terme 820 000 tonnes de biocarburants par an pour le secteur de l'aviation (CDA), a annoncé la direction du groupe pétrolier britannique.
Le projet, souvent présenté comme l'un des plus importants de ce type en Europe, doit produire à partir d'huiles usagées, résidus de bois ou algues du carburant durable d'aviation (CDA) et du diesel renouvelable.
Le groupe pétrolier britannique évoque des questions de "rentabilité" et les "conditions actuelles du marché". La production des CDA, utilisables en complément du kérosène (jusqu'à 50 %) dans les avions actuels, est très chère.
Shell, qui a revu à la baisse en mars son objectif de diminution de l'intensité carbone nette (ratio des émissions sur les volumes) des produits énergétiques vendus d'ici 2030, ne précise pas combien de temps durerait cette pause. Ce faisant, il risque de donner du grain à moudre aux militants écologistes qui accusent les grandes majors pétrolières de rétro-pédaler ces derniers mois sur leur stratégie climatique et de mettre davantage l'accent sur le pétrole et le gaz pour doper les bénéfices.
"Nous sommes déterminés à atteindre notre objectif de zéro émission nette d'ici 2050, les carburants à faible teneur en carbone étant un élément clé de la stratégie de Shell", a toutefois assuré Huibert Vigeveno, qui dirige notamment la branche énergies renouvelables du groupe.
Production de CDA hésitante
Les CDA sont considérés comme le principal levier de décarbonation d'un secteur qui contribue actuellement à quelque 3 % des émissions mondiales de CO2, mais leur production reste balbutiante et leur caractère durable est en outre contesté.
L'Association internationale du transport aérien (Iata), qui représente majoritairement le secteur, a jugé le mois dernier "extrêmement ambitieux" l'objectif mondial d'une incorporation de 5 % de produits d'origine non fossile dans le carburant d'aviation à l'horizon 2030.
BP, le concurrent direct de Shell, également britannique, a suspendu le mois dernier deux nouveaux projets de production de CDA et diesel renouvelable, après avoir indiqué l'an dernier qu'il ne réduirait plus sa production de pétrole d'ici 2030. Il l'avait justifié en affirmant avoir déjà atteint, en avance, un objectif de diminution de production de 1 à 2 % par an, dévoilé en 2021.
La rédaction (avec l'AFP)