Ces derniers jours, la compagnie à bas coût Southwest se retrouve sous les projecteurs avec une pièce du capot d'un moteur qui s'est en partie arrachée au décollage le 7 avril. Un décollage avait aussi été annulé le 6 avril à cause d'un "possible problème de moteur", le pilote évoquant une "surchauffe des freins" et "un incendie au niveau du moteur gauche".
Depuis l’accident du 5 janvier sur un Boeing 737 MAX 9 d’Alaska Airlines, les yeux sont rivés sur le constructeur américain.
Une série noire
United Airlines est particulièrement concernée : pédales de gouvernail bloquées, perte d'un pneu au décollage, pièce métallique du fuselage manquante, indicateurs de vitesse du vent défaillants, entre autres.
À chaque fois, il s'agit d'un Boeing, à l'exception du 4 mars, quand un Airbus 320 de United retourne se poser à cause d'un "problème d'équipement".
"Un capot qui s'en va, une roue qui tombe, une porte qui s'arrache, c'est quand même rare. Il y a un alignement des planètes défavorable sur des avaries complètement anormales", relève Bertrand Vilmer, expert aéronautique et consultant au cabinet Icare aéronautique.
Des causes techniques
Pour les experts, il y a trois problèmes possibles.
Un problème de conception, comme ce fut le cas pour les accidents de deux Boeing 737 MAX 8 en 2018 et en 2019, qui ont fait 346 morts.
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En revanche, l'incident d'Alaska Airlines – qui a fait quelques blessés légers – relève d'un problème de production. L'appareil, un Boeing 737 MAX 9, avait été livré en octobre.
Le rapport préliminaire de l'Agence américaine de sécurité des transports (NTSB), publié le 6 février, révèle que "quatre boulons prévus pour empêcher que la porte-bouchon ne se déplace vers le haut étaient manquants". Ces boulons avaient été retirés à l'usine de Boeing pour remplacer des rivets endommagés.
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La troisième cause, d'après les experts, est un problème de maintenance. Et c'est le point commun de la plupart des incidents repérés ces derniers mois.
L'importance de la maintenance
Si les deux premières causes relèvent de l'avionneur, la troisième est du ressort de la compagnie aérienne.
"Très certainement" du contrôle qualité de la société de maintenance, qui est supervisée par l'Agence américaine de l'aviation civile (FAA), souligne Bertrand Vilmer.
"Une fois les avions livrés, Boeing n'intervient plus", abonde Richard Aboulafia, directeur du cabinet de conseil AeroDynamic Advisory, insistant sur le "problème dans le secteur de la maintenance dans le monde entier".
Faut-il s'inquiéter ?
"Il n'y a pas eu un seul décès depuis bien plus de dix ans aux États-Unis alors que des millions de personnes prennent l'avion chaque année", relève Richard Aboulafia. "Mais, chaque jour, des centaines de personnes meurent sur les routes."
Airbus n'est pas épargné par les incidents, y compris de production, comme la présence d'un composant contaminé dans des pièces de moteurs Pratt & Whitney, qui affecte des centaines d'avions, cloués au sol pendant de longs mois.
"Ça se sait, mais dans un petit comité", car c'est moins médiatisé, relève Bertrand Vilmer, citant également un problème de peinture de fuselages pour Qatar Airways.
"Chaque incident survenu sur un avion Boeing cette année a fait les gros titres, laissant penser que les avions Boeing ne sont pas sûrs", notaient fin mars les analystes du gestionnaire d'actifs Bernstein.
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Un secteur saturé
"La réalité est que le nombre d'incidents aux États-Unis sur les avions Airbus et Boeing jusqu'à présent cette année est proportionnel" au nombre de leurs avions dans les flottes des compagnies américaines, affirment-ils.
D'après le cabinet spécialisé Cirium, la flotte commerciale américaine actuellement en service compte 4.769 appareils, dont 60 % sont des Boeing et la quasi-totalité du solde des Airbus.
L'association professionnelle Airlines for America indique sur Internet que, chaque jour, les compagnies aériennes américaines opèrent plus de 26.000 vols et transportent 2,6 millions de passagers à travers près de 80 pays.
Les compagnies aériennes n'ont guère d'alternative au duopole Airbus-Boeing, en position de force malgré des retards de livraisons et défauts de production, tant leurs carnets de commandes sont saturés et leurs fournisseurs à la peine pour les alimenter.
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La rédaction (avec Élodie Mazein de l'AFP)