La phrase. "Nous sommes prêts à nous battre aussi longtemps que nécessaire, à rester en grève le temps qu'il faudra, pour obtenir les salaires et protections sociales que nos adhérents méritent", a prévenu dans un communiqué le patron du syndicat ILA, Harold Daggett, à la tête de quelque 85 000 dockers américains.
Les dockers ont commencé à débrayer tôt ce mardi après l'échec de négociations de dernière minute entre leur syndicat et l'Alliance maritime.
La première. La grève au sein du port de Virginie, l'une des installations touchées, "a commencé à 00H01" mardi, a indiqué le port sur son site internet, en ajoutant que les discussions entre l'Alliance maritime des Etats-Unis (USMX), qui représente les employeurs, et le syndicat ILA "sont dans l'impasse".
ça coince. Le 30 septembre, les deux parties avaient annoncé avoir repris leurs négociations qui, commencées en mai, achoppent sur les salaires et l'automatisation.
"Au cours des dernières 24 heures, l'USMX et l'ILA ont échangé des contre-offres au sujet des salaires", a indiqué l'Alliance maritime dans un communiqué de presse publié le 30 septembre au soir précisant avoir "amélioré" sa proposition et avoir demandé une prolongation de l'accord social pour continuer à négocier. Selon une source proche des discussions, la proposition détaillée par l'Alliance correspond à celle rejetée le 30 septembre au matin matin par le syndicat.
Pas de réaction. Le syndicat ILA projetait de faire grève dès l'expiration de l'accord social de six ans à 23H59 le 30 septembre dans les ports de la côte est et du golfe du Mexique. Sollicités par l'AFP, l'Alliance et le syndicat n'avaient pas réagi dans l'immédiat.
36 ports concernés. L'USMX représente les employeurs de 36 ports disséminés le long des côtes entre le Maine (nord-est) et le Texas (sud), sur le Golfe du Mexique, en passant par la Floride (sud-est). En face, le syndicat des dockers compte 85 000 adhérents aux Etats-Unis (ports, rivières, lacs).
Le contrat social arrivant à expiration concerne 25 000 adhérents, travaillant dans les terminaux de conteneurs et de chargement de véhicules roulants de 14 grands ports (Boston, New York, Philadelphie, Baltimore, Savannah, Miami, Tampa ou encore Houston).
Le syndicat avait prévenu le 29 septembre que tous ses membres allaient tenir des piquets de grève dès le 1er octobre, "rejoints en solidarité par des dockers et des travailleurs maritimes dans le monde entier".
Le transport d'hydrocarbures et de produits agricoles, ou encore les croisières ne devraient être que très faiblement, voire pas du tout, affectés.
Rémunérations injustes. "Les membres de l'ILA méritent d'être compensés pour l'important travail qu'ils accomplissent afin que le commerce américain continue de circuler et de grossir", a indiqué le syndicat le 30 septembre au matin, dénonçant les "milliards de dollars de bénéfices" engrangés par les ports et les transporteurs maritimes, y compris pendant la pandémie de Covid-19.
"Pendant ce temps-là, les membres dévoués de l'ILA continuent d'être paralysés par l'inflation à cause de rémunérations injustes", a-t-il poursuivi.
A 5 semaines du scrutin. L'Alliance reprochait au syndicat de refuser toute discussion depuis des semaines, empêchant de ce fait une entente sur le nouvel accord de 6 ans.
Et Joe Biden, qui se présente comme le "président le plus favorable aux syndicats", a indiqué le 29 septembre n'avoir aucune intention d'intervenir. A cinq semaines du scrutin présidentiel.
Il peut pourtant activer la loi Taft-Hartley - utilisée à maintes reprises pour des grèves de l'ILA avant 1977 -, permettant d'imposer un moratoire de 80 jours.
Les chargeurs prennent les devants. Le service fédéral de médiation (FMCS) a indiqué à l'AFP être en "contact régulier" avec les parties et se tenir "prêt à aider" si les deux camps acceptent. L'USMX est d'accord, pas l'ILA.
Des importateurs et exportateurs ont pris les devants en expédiant leurs produits en avance. D'autres ont opté pour un déchargement sur la côte ouest, plus coûteux en temps et en argent depuis l'Europe.
A la rescousse. Mais les ports de la côte ouest, couverts par un accord social distinct conclu en 2023 qui leur interdit de faire grève, pourraient perturber les activités par solidarité. Et ils disposent de peu de capacités disponibles.
Les ports canadiens ne pourraient absorber un débordement des Etats-Unis. D'autant qu'ils subissent aussi des mouvements sociaux, comme Vancouver la semaine dernière et Montréal bloqué depuis le 30 septembre.
Les comptes. Oxford Economics estime que chaque semaine de grève amputerait le PIB américain de 4,5 à 7,5 milliards de dollars (4,05 à 6,76 milliards d'euros).
Selon le cabinet Anderson Economic Group (AEG), la première semaine de débrayage devrait coûter 2,1 milliards de dollars (1,80 milliards d'euros), dont 1,5 milliard de dollars (1,35 milliard d'euros) en marchandises perdues (comme des denrées périssables).
Pas de pénurie. "Nous n'anticipons pas de manque de produits essentiels dans l'immédiat", a indiqué le 30 septembre Kathy Hochul, gouverneure de l'Etat de New York, lors d'une conférence de presse.
Les constructeurs automobiles devraient pâtir du débrayage, les ports de Baltimore et de Géorgie servant d'entrée aux pièces détachées et de sortie aux véhicules.
Ford surveille la situation "de près". Le groupe allemand BMW, qui fabrique plusieurs modèles de SUV exclusivement en Caroline du Sud, n'anticipe pas de problème cette semaine.
Le groupe de logistique DHL, qui a constaté une "forte demande" pour ses services de fret aérien, a activé "plusieurs plans de secours" pour ses propres acheminements, notamment l'utilisation de ports et de moyens de transport alternatifs.