Le pitch. Une organisation au plus près du pouvoir houthi, une communication directe avec les acteurs économiques, une volonté de durer: une ONG d'investigation révèle le mode opératoire des attaques des navires commerciaux en mer Rouge par les rebelles yéménites.
Derrière les frappes de missiles, attaques de drones et autres abordages depuis des zodiacs par les Houthis, trône une entité dirigée par un proche de Mehdi Al-Machat, chef de l'État de facto dans les territoires tenus par les Houthis au Yémen depuis 2018.
Des opérations centralisées. Selon l'ONG suisse Inpact ("Investigations with impact"), ces alliés de l'Iran centralisent leurs opérations en mer Rouge via une obscure entité, le "Centre de coordination des opérations humanitaires" (HOCC).
L'organe, enregistré à Sanaa, est né en février dernier. Une réponse à la décision prise le mois précédent par les Etats-Unis de désigner à nouveau les Houthis comme un groupe "terroriste".
Des ciblages. Le HOCC "participe probablement à la coordination du ciblage et des attaques", estime Inpact, dont il pronostique un "ancrage dans le long terme".
Les rebelles ciblent depuis des mois les navires commerciaux qu'ils jugent liés à Israël, aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Ils disent agir en solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza dans le contexte de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas.
Un leader civil puissant. L'organisation est dirigée par un certain Ahmed Mohamed Yahya Hamed, alias Ahmed Hamed, "un acteur influent des Houthis, à la fois proche de Mahdi Al-Mashat, président du Conseil Suprême Politique des Houthis, et des forces armées houthies", assure Inpact.
Il est "possiblement le leader civil le plus puissant à ne pas porter le patronyme al-Houthi", estimaient en 2021 les experts des Nations unies sur le Yémen.
Selon le décret de création cité par Inpact, le HOCC est censé "atténuer les effets et les répercussions humanitaires (...) sur le théâtre des opérations militaires (...) par l'adhésion aux enseignements islamiques et le respect du droit international humanitaire et d'autres règles pertinentes".
Une zone essentielle. Les attaques ont lourdement perturbé le trafic dans cette zone maritime essentielle pour le commerce mondial, poussant les Etats-Unis à mettre en place une coalition maritime internationale et à frapper des cibles rebelles au Yémen, parfois avec l'aide du Royaume-Uni.
Le 4 octobre, des frappes américaines et britanniques ont ainsi visé quatre villes yéménites contrôlées par les rebelles, selon la télévision Al-Massirah relevant des insurgés.
Une mission dans la zone. L'Union européenne a elle aussi déployé une mission dans la zone, baptisée Aspides, pour contribuer à assurer la liberté de navigation.
Un droit de désigner. L'enquête révèle par ailleurs comment le HOCC s'arroge le droit de désigner les navires autorisés à traverser la zone via le détroit de Bab-el-Mandeb.
Le centre "institutionnalise en fait la guérilla maritime menée par le groupe armé", estime le rapport. Il "a mis à disposition des moyens pour les navires de communiquer avec l'organisation directement (radio, numéro de téléphone et emails)".
Inpact publie un courrier des Houthis envoyé en mars à l'Organisation maritime internationale (OMI), l'agence onusienne en charge de la sécurité des transports maritimes.
Le document interdit à la navigation quatre catégories de compagnies maritimes: celles appartenant à, étant opérées ou dirigées par Israël, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, ainsi que celles dont les navires se dirigent vers un des ports d'Israël.
Une entreprise qui n'entre dans aucune de ces catégories est en revanche libre de faire circuler ses bateaux, précise le courrier, qui fournit une adresse email pour le contacter afin d'éviter tout malentendu.
L'OMI invitée. Le HOCC invite l'OMI à informer propriétaires de navires, opérateurs et compagnies d'assurance. Une compagnie maritime internationale a confirmé à l'AFP, sous couvert de l'anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet, avoir reçu quelques messages des Houthis. "Mais de manière très épisodique, seulement une ou deux fois, et le dernier remonte à il y a huit mois". Les messages, en substance, avertissaient de ne pas passer dans la zone sous peine de représailles.
Un chef influent. Le rapport démontre par ailleurs la puissance du chef du HOCC dans la hiérarchie houthie. Ahmed Hamed n'est autre que le directeur de cabinet du président Mahdi Al-Mashat. "Il est connu sous le nom de ra'is al-ra'is, le "président du président", car les décisions stratégiques du gouvernement houthi ne sont pas prises sans son aval", affirme Inpact.
Il exerce notamment selon l'ONU une "influence sur les nominations de fonctionnaires, l'intimidation des opposants, les activités de corruption y compris le détournement de l'aide humanitaire". Outre l'Iran, les Houthis semblent disposer d'alliés de poids. Washington accuse ainsi la Russie de discuter transferts d'armes avec les rebelles yéménites.