Ponant-CMA CGM : cap sur les déchets plastiques

La compagnie de croisières Ponant et l’armateur de porte-conteneurs CMA CGM ont profité du One Ocean Summit pour prendre des engagements supplémentaires visant à limiter leurs impacts environnementaux. Dans le viseur notamment, les déchets plastiques. Ponant généralise le « zéro plastique » à bord. CMA CGM cesse le transport de déchets plastiques.

Une fenêtre sur le monde ne se refuse pas. Ponant et CMA CGM ont toutes les deux saisi la fenêtre de tir qu’a offert le One Ocean Summit à Brest pour prendre part au volontarisme international en faveur de la préservation des océans qui s’est manifesté ces derniers jours.

La compagnie de croisière française a fait part de « ses cinq engagements ». Certains sont pourtant déjà à l’œuvre. Que le choix de ses certaines de ses destinations puisse parfois déconcerter pour une compagnie qui a mis le « tourisme raisonnable et raisonné » au coeur de son projet d’entreprise, quelles que soient les motivations à faire preuve de sobriété énergétique, toujours est-il que la société marseillaise a pris les devants sur bien des réglementations. Ainsi la totalité de sa flotte a adopté le fuel à 0,1 % de soufre un an avant (en 2019) que le 0,5 % ne soit une obligation. Depuis un certain temps déjà, elle présente ses navires comme « clean ships » dans le sens où ils observent des exigences en matière de recyclage, de traitement des déchets et des eaux usées, d’achats durables ou d’éclairage basse consommation, etc.

Treize engagements de 41 États, 22 armateurs, 18 grands ports et combien de promesses ?

Elle a en outre pour habitude d’embarquer naturalistes, spécialistes et scientifiques lors de ses croisières, pour évangéliser ses passagers sur les dangers auxquels sont exposés les écosystèmes, partant du principe que l’on « ne protège bien que ce que l’on connaît ». En leur faisant toucher de près la beauté des sites auxquels ont accès ses petits navires, elle gage sur leur surcroît de conscience, espérant qu’ils deviennent à leur tour des ambassadeurs. C’est du moins l’arc narratif que tend cette entreprise créée par d’anciens navigants pour lesquels le respect de la mer ne peut en principe pas se limiter à la promesse.

Avec son dernier-né, le brise-glace hybride Commandant Charcot, la compagnie a poussé la plus « grande autonomie possible à ce jour sur batteries électriques » alors que le nouveau fleuron consomme exclusivement du GNL, sachant que Ponant planche en parallèle sur des carburants de synthèse comme le e-GNL.  

Nouveaux engagements

La compagnie s’oblige cette fois à considérer avant 2025 « le monde entier comme une zone à émissions d’oxydes de soufre et d’azote contrôlées » pour l’ensemble de sa flotte (13 paquebots et yachts d’expédition de petite taille). Ce qui signifie que ses navires qui ne le sont pas déjà seront équipés de systèmes catalytiques « de façon à réduire jusqu’à 90 % des émissions de NOx » (oxydes d’azote). Le soufre fait l’objet d’une obligation de l’OMI depuis le 1er janvier 2020.

Intégrer l’intensité carbone dès la conception des croisières

Pour réduire ses émissions de CO2 de 15 % en 2026 et de 30 % en 2030 par rapport à 2019, l’entreprise « va intégrer l’intensité carbone dès la conception de ses croisières en prenant notamment en compte les distances parcourues et l’optimisation de la vitesse moyenne journalière », indique Ponant.  

Elle compte pour cela exploiter les  technologies numériques et des outils, tels que le routing qui permettent de modéliser des conditions météorologiques, pour améliorer la performance énergétique de sa flotte.

Aussi, à l’image de ce qui a été mis en place sur son Commandant Charcot, elle généralise son objectif « zéro plastique » à bord de tous ses navires, ce qui passe notamment par la disparition des bouteilles d’eau à usage unique, grâce à l’installation de systèmes de production d’eau potable à partir d’eau de mer. « Cela permet d’éviter près d’un million de bouteilles d’eau en plastique soit plus de 30 t de plastiques par an », précise l’entreprise.

Arrêt du transport de déchets plastiques

De son côté, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM a annoncé, lors du sommet sur les océans, l’arrêt du transport de déchets plastiques à compter du 1er juin 2022. « Tous les ans, environ 10 Mt de plastiques finissent en mer. Si rien n’est fait, ce chiffre devrait tripler dans 20 ans pour atteindre 29 Mt chaque année, avec des conséquences irréversibles pour les écosystèmes marins, animaux et végétaux ». 

En cause, selon l’armateur de porte-conteneurs, « le stockage à l’air libre ou encore l’absence d’infrastructures de recyclage ou de transformation des déchets plastiques qui échappent ainsi aux filières de recyclage et de valorisation ».  

La CMA CGM transportait environ 50 000 conteneurs de déchets plastiques chaque année. 

40 Mt de déchets exportés

Selon la commission européenne, le commerce international des déchets a été multiplié par quatre entre 1992 et 2016. À cette date, l'UE avait exporté environ 40 Mt de déchets, soit environ 20 % de la part mondiale. 

En 2019, dernières données disponibles, l'Europe avait exporté 1,5 Mt de déchets plastiques, principalement vers la Turquie et des pays asiatiques comme la Malaisie, l'Indonésie, le Vietnam, l'Inde et la Chine. La part des déchets plastiques exportés vers la Chine a toutefois radicalement diminué depuis l'adoption par le pays de restrictions sur l'importation de déchets plastiques en 2018. 

Au cours de la dernière décennie, les déchets plastiques ont fini dans des décharges, ont été brûlés à l'air libre ou déversés dans l'océan. Les régles de l’UE en matière de transferts de déchets ont fait l’objet d’un réexamen dans le cadre du paquet législatif sur l’énergie et le climat présenté en juin dernier dans le cadre du Green Deal européen.

De nouvelles règles en vigueur depuis le 1er janvier 2021

 En janvier 2021, de nouvelles règles sont entrées en vigueur au niveau de l’UE, interdisant notamment le transfert de déchets plastiques non triés vers des pays étrangers pour se mettre en conformité avec la décision prise par 187 pays en mai 2019 lors de la 14e conférence des parties de la convention de Bâle (régime mondial régissant pour la première fois le commerce international des déchets plastiques). Avec cette mesure, les législateurs européens ont visé l'exportation de déchets plastiques vers des pays tiers qui, souvent, ne disposent pas des capacités et des normes nécessaires pour les gérer de manière durable.  

Les règles ont par ailleurs été durcies pour l'exportation de déchets plastiques dangereux et de déchets plastiques difficilement recyclables de l'UE vers les pays de l'OCDE. Le pays importateur et exportateur devront tous deux autoriser le transfert. 

Pour certaines associations, à l’instar de Zero Waste Europe, cela ne va pas assez loin. Auteur d’un manifeste, lancé le 14 avril 2021, le groupe milite pour la prévention et le recyclage à l’intérieur des frontières européennes « afin d’inscrire le commerce des déchets plastiques dans une véritable économie circulaire visant à prévenir les déchets plastiques en premier lieu ».  

Adeline Descamps

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