L’annonce a été faite à l’occasion de la 23e édition du Forum économique de Saint-Pétersbourg, qui s’est achevé le 8 juin. Les russes Novatek et Sovcomflot ont signé un accord de joint-venture avec Cosco Shipping et le Silk Road Fund. La nouvelle entreprise, Maritime Arctic Transport, exploitera une flotte de méthaniers brise-glace, ceux déjà engagés dans le transport de GNL des projets Yamal LNG et Arctic LNG 2 et ceux à venir.
Ne disposant pas de côtes bordant l’Arctique, contrairement à la Russie, au Canada, aux États-Unis (avec l’Alaska), au Danemark (avec le Groenland), à l’Islande et à la Norvège, la Chine ne reste pas de glace face au pôle nord. Elle a d’ailleurs obtenu en 2013 le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique, l’organe principal de dialogue intergouvernemental entre États riverains. En janvier 2018, la Chine présentait la déclinaison polaire de ses « nouvelles Routes de la soie », tentaculaire projet d’infrastructures entre la Chine, l’Afrique et l’Europe. L’Institut des recherches arctiques de Chine estime par ailleurs que d’ici 2020, de 5 à 15 % du commerce international chinois passeront par les côtes arctiques russes.
La Chine soigne donc, par opportunisme, ses relations à la fois avec les pays scandinaves et le grand voisin russe. Le rapprochement de Moscou et de Pékin, dans un contexte d’animosité entre la Chine et les États-Unis, et l’influence grandissante de la Chine dans l’Arctique inquiètent chroniquement la communauté internationale.
Consortium
Les deux géants vont cette fois plus loin dans leur convergence d'intérêts. Le producteur de gaz naturel russe Novatek (dont le groupe pétrolier français Total est actionnaire avec environ 19 % du capital depuis 2018 dans le cadre des projet d'exploitation GNL en arctique russe dans les péninsules de Yamal et de Gydan) et le groupe public de transport d’hydrocarbures Sovcomflot (dont la flotte de pétroliers dessert déjà les bassins arctiques pour le compte de groupes gaziers et pétroliers) ont signé un accord de joint-venture avec Cosco Shipping and Silk Road Fund. L’annonce a été faite à l’occasion de la 23e édition du Forum économique de Saint-Pétersbourg, qui s’est achevé le 8 juin.
Niveau de complexité technique
La vocation de la coentreprise russo-chinoise – appelée Maritime Arctic Transport (MArT) – est de gérer une flotte de méthaniers brise-glace, ceux déjà engagés dans le transport de GNL pour les projets associant Novatek et Total, notamment Yamal LNG, Arctic LNG 2 et ceux à venir.
« L'ampleur et le niveau de complexité technique du nouveau projet international visant à assurer un transport sûr, tout au long de l'année, pour le GNL à travers la Route maritime du Nord ont dû mobiliser un ensemble de ressources, intellectuelles, technologiques, humaines et financières, de la part des principales organisations et entreprises russes et chinoises » a commenté Sergey Frank, président et CEO de Sovcomflot. Le groupe pétrolier russe compte pour sa part une flotte de six aframax propulsés au GNL, principalement utilisés pour l'exportation de pétrole russe transitant par la mer Baltique et la mer du Nord.
Sovcomflot a signé deux autres accords, l’un avec Gazprom Neft Marine Bunker, qui a développé le premier souteur de GNL en Russie, en vue de l'avitaillement, l’autre avec le groupe VEB.RF pour financer la construction de trois nouveaux méthaniers alimentés au GNL. Trois navires de 51 000 tpl sont actuellement en construction au chantier naval de Zvezda et leur livraison est prévue pour 2022-2023.
Transformation rapide de la Route maritime du Nord en un corridor de transport mondial
« Cet accord représente une étape importante dans le développement du transport du GNL produit par nos projets dans l'Arctique le long de la Route maritime du Nord, a déclaré pour sa part Leonid Mikhelson, président de Novatek. Le développement de MArT facilitera la transformation rapide de la Route maritime du Nord en un corridor de transport mondial et commercialement efficace entre Pacifique et Atlantique ».
Les routes du Grand Nord, qui font l’objet ces dernières années de médiatisation du fait de la fonte accélérée des glaces arctiques, concernent en fait trois passages qui font la jonction entre Atlantique et Pacifique : le Passage du Nord-Ouest (PNO), traversant les îles canadiennes ; celui du Nord-Est (PNE), longeant les côtes russes, et la « transpolaire », coupant au milieu de l’océan Arctique, récemment requalifiée en « Passage Arctique Central » (PAC).
Routes à surcoûts
Celle que l’on appelle la Route Maritime du Nord (RMN, Northern Sea Route, en anglais), n’est qu’une partie du PNE, couvrant les mers de Kara, de Laptev, de Sibérie orientale et des Tchouktches jusqu’au détroit de Béring. La partie occidentale du PNE est libre de glaces toute l’année. Seule la RMN n’est praticable que de façon saisonnière. Elle souffre d’un déficit en infrastructures mais que les investissements lourds consentis par la Russie, la Chine, la Corée du Sud et le Japon devraient en partie résorber.
Contraint par des incertitudes climatiques, la RMN reste une route à surcoûts, du point de vue de la navigation (utilisation de navires à coque renforcée, équipements spécifiques, équipage nécessairement expérimenté), des droits (escorte obligatoire d’un brise-glace côté russe, routes à péage) et de l'assurance (primes élevées).
La Russie, qui ambitionne de porter à 80 Mt en 2024 le trafic annuel de marchandises transitant par la RMN, possède une flotte d’une quarantaine de brise-glaces, dont dix à propulsion nucléaire. Depuis 2010, les compagnies maritimes russes ont entrepris le renouvellement de leur flotte. Rosatomflot, la société russe d’État propriétaire des seuls brise-glaces à propulsion nucléaire en service dans le monde, en attend deux, très prochainement.
A.D.
Articque : De nouvelles routes maritimes (JMM 5091 en date de novembre 2018)