Avec 5,32 millions de tonnes brutes compensées (TBC) de nouvelles commandes pour 126 navires au cours des trois premiers mois (52 % du total mondial en unités et tonnage), les sud-coréens ont devancé leurs concurrents chinois après des années de contestation de leur pré carré. La bataille avec le grand voisin chinois est féroce depuis quelques années déjà, notamment depuis 2012, année au cours de laquelle la Chine a pris la première place mondiale en termes de nouvelles commandes.
La primauté disputée a coûté cher à la construction navale sud-coréenne et s’est soldée par des restructurations et plans sociaux. Ainsi Hyundai Heavy Industries a-t-il perdu un tiers de ses cadres en 2014 et la main-d'œuvre du secteur s'est réduite à moins de la moitié de son niveau précédent. L’opération en cours entre les deux géants du secteur, DSME et HHI, est le dernier avatar de la tectonique des plaques survenue dans la filière. La fusion des deux géants de la construction navale coréenne, dont la procédure doit être finalisée au cours du premier semestre mais toujours en attente du feu vert des autorités antitrust de certains pays (dont l’UE), passe mal. Depuis l’annonce, HHI (qui doit absorber DSME) a maille à partir avec les partenaires sociaux. D'ailleurs, le 17 mars dernier, Hyundai Heavy Industries a essuyé un préavis de grève déposé par les syndicats de la maison en raison de l'impasse dans laquelle se trouvent les négociations sur les salaires et la convention collective, tandis que ceux de DSME avaient organisé ce jour-là un sit-in pour contester à nouveau le projet de fusion.
Le rapprochement, qui verra HHI racheter DSME à la banque publique d’investissement sud-coréenne Korea Development Bank (actionnaire majoritaire avec 55,7 % du capital de la société), signifie que le groupe HHI transfère sa technologie de construction de méthaniers aux constructeurs de taille moyenne tels que STX Offshore & Shipbuilding et Hanjin Heavy Industries.
Rentabilité en attente
Industrie en déclin, la filière retrouve donc un peu de couleur non sans avoir cédé sur la bataille des prix et effectué de lourds investissements pour se recentrer sur les navires plus sophistiqués comme les méthaniers ou des technologies répondant aux nouvelles exigences environnementales et à la transition numérique, telles le passage à la propulsion au GNL. La construction navale coréenne, fédérée sous l’entité Korea Shipbuilding & Offshore Engineering (KSOE) qui regroupe Hyundai Heavy Industries, Samsung Heavy Industries (SHI) et Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME), a enregistré 72 % des commandes mondiales de navires « écologiques » au premier trimestre.
Cependant, la rentabilité devra attendre encore quelques années pour que les efforts se concrétisent dans les résultats des comptes d’exploitation. Pour autant, le positionnement sur des navires technologiquement plus complexes ne s’avérera peut-être pas longtemps un refuge. Pour ses neuf mégamax au GNL, l’armateur français, adepte de la propulsion GNL, en a confié la construction au chinois China State Shipbuilding Corp. (CSSC).
Adeline Descamps