Tout client du canal de Panama disposait d’un mois – jusqu’au 15 juillet – pour faire parvenir ses remarques aux propositions de modification de la nouvelle grille tarifaire que l'Autorité du canal de Panama compte activer le 1er janvier 2020. Les vraquiers, les porte-conteneurs et les navires de passagers sont les plus concernés par ce qui s'apparente à une hausse des droits, quelles qu'en soient les justifications.
« Nous attendons désormais les commentaires des usagers », indiquait il y a un mois Jorge L. Quijano. Le président de l'Autorité du canal de Panama (ACP) faisait alors part de la nouvelle grille tarifaire qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2020 et que son administration a ramassée dans un document disponible sur son site Internet, ouverte à la consultation pendant un mois « pour plus de transparence ». Le document d’une trentaine de pages sans les annexes détaille pour chaque catégorie de navires les nouvelles modalités de calculs. L’actuelle structure tarifaire a été approuvée mi 2017 par le conseil des ministres de la République du Panama et est entrée en vigueur le 1er octobre 2017.
Cette politique de prix tenait compte du contexte du moment, explique l'ACP. A l’époque, venait d’être livré (achevé en juin 2016) le chantier d’élargissement de la voie navigable avec trois jeux d’écluses, qui depuis, ont vu passer quelque 630 navires, dont 50 % de porte-conteneurs, 26 % de transporteurs GPL et 11 % de GNL.
La refonte de la grille tarifaire, est-il précisé, a été établie en fonction d’une analyse qui « a tenu compte de la façon dont les droits de passage du canal influent sur les coûts du transport maritime sur les principales routes, des types de navires, des marchandises et d'autres éléments comme le déploiement de la flotte existante dans les différents segments de marché, l'évolution du carnet de commandes, notamment des navires néopanamax ». Étant entendu que « les nouveaux droits ont été revus pour maintenir la compétitivité et atteindre un niveau de rentabilité de l'infrastructure eu égards à ses investissements et à la valeur ajoutée que le canal apporte à ses usagers ».
Fidélisation renforcée pour les porte-conteneurs
Depuis 2015, la structure des péages du canal est basée sur une segmentation par type de navires (12 catégories). « Depuis, des ajustements ont été effectués à la demande des clients et en consultation avec l'industrie. Plus récemment, un programme de fidélisation a été mis en place pour les porte-conteneurs ». Les droits qui sont susceptibles d’être amendés concernent particulièrement les segments des vracs secs, des porte-conteneurs et des navires de passagers.
Pour les porte-conteneurs, principal utilisateurs des écluses néopanamax (951 M$ de péages), les révisions proposées visent à attirer plus de volume et pour ce faire, l’ACP renforce son système tarifaire préférentiel basé sur un programme de fidélisation qui jusqu'à présent s'adressait à quatre catégories (en fonction de l'EVP transporté). La proposition élargit l’assiette éligible à des taux réduits, notamment pour « les gros volumes ». Dans l’ancienne tarification, la fidélisation s’arrêtait aux transporteurs totalisant 1,5 MEVP, lesquels bénéficiait d’une réduction de 3,00 $ (volume cumulé en EVP de la TTA – Total TEU Allowance – transitant par le canal de Panama pendant une période maximale de 12 mois consécutifs). Elle est maintenue pour les transporteurs, totalisant entre 1,5 et 2 MEVP. Mais la nouvelle tarification introduit des primes pour deux nouveaux ayant-droits, ceux déployant entre 2 et 3 MEVP (rabais de 3,25 $) et pour les + de 3 MEVP (5,00 $). Pour calculer les nouveaux droits et avantages, il suffit de se reporter au document support qui donne, pour chaque segment, de nombreux exemples. Le canal propose également de revoir les tarifs imposés aux navires transportant des conteneurs en pontée afin de permettre des redevances différenciées pour les conteneurs vides, secs ou réfrigérés.
Péages en hausse pour les transporteurs de vracs liquides
Pour les pétroliers, les chimiquiers, les transporteurs de GPL et de GNL, la structure des péages (basée selon le type de navire, sur l’unité PC/UMS du navire, sur la cargaison transportée en m3…) reste inchangée, mais des ajustements à la hausse des péages sont proposés pour « mieux refléter la valeur du canal sur les routes principales ».
Pour les vraquiers (les céréales et le charbon étant les vracs les plus importants en volume transitant par le Canal), l'unité de mesure actuelle (le tonnage de port en lourd) demeure et les droits restent en ligne avec ceux approuvée pour l'exercice 2016. Il est cependant question d'aligner les péages appliqués aux navires transportant du minerai de fer sur ceux en vigueur pour céréales, le charbon et « autres vracs secs ».
Le document vise également à accroître la transparence de la structure des péages du segment des passagers en appliquant une tarification fondée non plus sur la capacité maximale d'amarrage comme unité de mesure mais sur la capacité maximale en passagers, ce qui se solde par des augmentations graduelles, entre 3 % et jusqu’à 26 %. Ce système permettra du reste aux compagnies de croisières de transférer plus facilement les coûts de transit à leurs clients.
Pour les transporteurs de véhicules et les rouliers, émerge une nouvelle catégorie tarifaire pour ceux qui empruntent les écluses « neopanamax ». Parmi les autres ajustements, une augmentation des droits de péage en fonction de la taille des navires (augmentation de 5 % à partir de 25 001 t et 64 501 t).
Trafics par type de navires transitant par le canal de Panama (juin 2019)
Pas question d'affecter la compétitivité du secteur
Jorge L. Quijano en est convaincu. Les ajustements proposés n'affecteront pas « la compétitivité des marchandises sur leurs marchés respectifs ». Il en veut pour preuve les analyses d'impact qui ont été effectuées afin d'évaluer « l'effet sur nos clients et les utilisateurs de la voie navigable, en tenant compte de la position concurrentielle du canal par rapport aux autres voies ou modes de transport, des intérêts des principaux utilisateurs, de leur desserte géographique et marchés »…
Pris en tenaille dans la guerre commerciale entre Washington et Pékin, le canal de Panama a affiché à l'issue du premier semestre une augmentation de 4 % de ses péages par rapport à la même période de l'an dernier. Il projette d'engranger en 2019 un revenu de 3,239 Md$. Un niveau estimé alors que la Chine et les États-Unis étaient « amis »...
Adeline Descamps