Avec un petit délai sur ce qui était prévu – il était attendu le 7 juillet à Rotterdam après avoir entamé son voyage de positionnement depuis la Chine –, le premier feeder propulsé au méthanol destiné à du transport maritime de courte distance entre des ports nordiques a été dévoilé dans le port néerlandais le 9 juillet.
L’Eco Maestro de 1 170 EVP, géré par une filiale (Eastaway Ship Management) du Singapourien X-Press Feeders, doit rejoindre dans un premier temps le X-Press Elbe de 1 036 EVP sur le Green Finland Express (GFX, Benelux – Baltique), qui effectue la rotation tous les 15 jours entre Rotterdam et Tallinn (Estonie), via Anvers, Helsinki (Finlande) et Kotka (Finlande).
Le plus grand exploitant mondial de feeders (100 unités) a commandé en tout 14 navires bicarburant avec le méthanol, qui doivent tous être livrés d’ici le milieu de l'année 2026. Le méthanol vert certifié par l'ISCC (International Sustainability and Carbon Certification) sera fourni par le néerlandais OCI Global conformément à un accord signé en 2023.
Deux services au vert
Ce bataillon au vert opérera sur ce que X-Press revendique comme le premier réseau de transport maritime à courte distance à faible émission de carbone. Les unités de cette flotte « couvriront les ports de la mer Baltique et de la Scandinavie au départ de Rotterdam parce qu’il est le plus grand port d'Europe et est entièrement équipé pour gérer le ravitaillement en méthanol vert », fait valoir l’armateur.
Au début de cette année, X-Press Feeders, numéro 14 mondial dans le secteur du conteneur et le Taiwanais Evergreen, septième armateur de porte-conteneurs, ont signé un protocole d'accord (MOA) dans ce sens. Les deux transporteurs sont déjà liés par des accords de partage de slots.
Le réseau au méthanol assurera deux services : outre le GFX (Rotterdam>Anvers Bruges > Helsinki >Tallinn >HaminaKotka >Rotterdam), le Green Baltic X-Press desservira depuis Rotterdam, Anvers Bruges, Klaipeda, Riga.
« Nous avons choisi l'Europe du Nord pour les premiers itinéraires du réseau, car nous avons constaté que les clients de cette partie de l'Europe étaient les plus réceptifs à nos projets de transport durable, explique Francis Goh, directeur de l'exploitation de X-Press Feeders. Nous prévoyons d'étendre progressivement le réseau vert à travers l'Europe au fur et à mesure que nous prenons livraison de nos navires bicarburant », ajoute-t-il.
Des problèmes de qualité
L'Eco Maestro sera secondé par l’Eco Umande d'ici le troisième trimestre. Ils sont tous deux les premières unités d’une série de huit sisterships que les chantiers navals chinois de Ningbo Xinle (4) et Dayang (4) construisent pour le transporteur régional. De conception sans engrenage, les navires de 148 m de long et de 27,20 m de large, autorisant neuf rangées de conteneurs dans la section ouverte, présente des caractéristiques spécifiques au feedering, telles qu'une cale à toit ouvert, un pont entièrement fermé et un pont d'amarrage couvert sur le gaillard d'avant.
De source industrielle, la construction des premières unités a rencontré quelques écueils. Après une première phase d’essais sur le fleuve Yangtze et en mer, l’Eco Maestro est passé dans un autre chantier, en l’occurrence chez le constructeur chinois privé Yangzijiang Shipbuilding, plus expérimenté sur les feeders, pour corriger des problèmes de qualité. Le navire a donc été livré une première fois par Dayang et la seconde par Yangzijiang.
L’Eco Umande, construit et livré par Dayang en mars, est aussi passé par un autre constructeur que celui d’origine, cette fois PaxOcean à Zhoushan, qui l’a livré en juin. Les « problèmes de qualité » rencontrés ne sont pas spécifiés. La troisième unité, l’Eco Marin a été livrée, elle, au cours de la troisième semaine de juin.
Changement d'orientation ?
Alphaliner fait état d’autres informations selon lesquelles X-Press Feeders aurait décidé de revoir la motorisation en cours de route : Dayang et Xinle étaient chargés de construire des navires « ready for » (configurés pour être propulsés au méthanol), mais l’armateur aurait finalement opté pour une double motorisation méthanol, spécifications plus élevées nécessitant des reconfigurations importantes touchant (selon des constructeurs sondés) plusieurs systèmes (mesure de l'air à l'échelle du navire, alimentation en eau de la salle des machines, refroidissement de l'eau douce à haute et basse température, air comprimé, ventilation, etc.)
Le carburant ultra-plébiscité
Actuellement, quelque 29 navires propulsés au méthanol sont en service dans le monde, selon DNV, et 269 navires équipés pour carburer avec le nouveau combustible sont en construction et doivent être livrés au cours des cinq prochaines années. Les navires avitailleurs suivent le mouvement mais sont encore rares : 14 sont actuellement en commande.
De son côté, Maersk, qui a déjà mis à l'eau un feeder et un porte-conteneurs au méthanol, a engagé le chantier pour entreprendre la conversion du Maersk Halifax de 15 262 EVP, qui devait atteindre Shanghai le 10 juillet avant de regagner Zhoushan Xinya Ship Repair Company. Trois mois seront nécessaires pour la transformation. Hapag-Lloyd, en collaboration avec Seaspan, CMA CGM, Stena et Cosco se sont aussi engagés dans cette voie.
Adeline Descamps