Belle opération médiatique pour Brittany Ferries autour de la mise à flot du Honfleur, que la compagnie transmanche revendique comme le premier navire français de transport de passagers propulsé au GNL et l'un des plus respectueux de l'environnement opérant sur la Manche. Un événement pour l'entreprise bretonne qui y a investi 180 M€. Mais pour bien d'autres raisons aussi...
Joli « coup » pour la mise à flot du Honfleur à Flensbourg, dans le Nord de l’Allemagne. Le dernier-né de la compagnie de Roscoff est parvenu, en dépit d’un climat et actualité particulièrement tendus, à accrocher quelques lumières.
« Il sera le premier navire français de transport de passagers propulsé au GNL » justifie en partie le président de la compagnie bretonne Jean-Marc Roué, par ailleurs président d’Armateurs de France. Le fait qu’il fasse figure de nouvelle référence pour les ferries naviguant en Manche en est une autre. « Il sera l'un des plus respectueux de l'environnement opérant sur la Manche », soutient l'armateur breton, arrivé à la présidence de Brittany Ferries en 2007 alors que la flotte était vieillissante. Enfin, il constitue un événement en soi pour l’entreprise (2 770 personnes, 455 M€ de CA) car il s’agit du premier navire neuf commandé depuis l’Armorique livré en 2009. Elle y a consacré une enveloppe de 180 M€, financée par la Somanor, société d’économie mixte détenue par l’armement breton associé à des collectivités territoriales, région Normandie notamment, et la Société générale comme partenaire bancaire. Deux autres ferries devraient suivre d’ici 2021, dont un autre propulsé au GNL, tous deux commandés auprès du chinois Avic International Weihai et qui seront également immatriculés sous pavillon français et armés avec des marins français.
Solution ingénieuse pour l'avitaillement
Le 11e ferry de la flotte de Brittany Ferries partagera sa motorisation entre le GNL et le diesel électrique. Avec ses 187 m de long pour 31 m de large, le nouvel entrant, dont la première tôle a été découpée en mars dernier, sera mis en service en juin 2019 sur la ligne phare de la compagnie, Caen-Portsmouth (922 000 passagers, soit 38 % de parts de marché et 280 000 voitures revendiqués) et disposera de 11 ponts pour un linéaire total de 2 600 m (130 remorques de fret ou 550 voitures et 64 remorques de fret) avec une capacité de 1 680 passagers.
Le chantier allemand FSG Flensburger Schiffbau-Gesellschaft avait été choisi parce que le plan de charge des chantiers STX de Saint-Nazaire était plein, avait expliqué Jean-Marc Roué en début d’année. Le Honfleur devrait rejoindre le Mont-Saint-Michel dans ses rotations quotidiennes entre la Normandie et l’Angleterre à l’instar du Normandie, qu’il était question d’affecter à la ligne Le Havre-Portsmouth.
Il endossera la toute nouvelle identité visuelle – des dégradés de bleu, vert et orange - que la compagnie a révélée il y a peu de temps en écho au grand plan d’investissement – 450 M€ – destiné à accompagner Brittany Ferries dans sa « transition future ». D'ici 2025, la moitié de sa flotte (12 navires avec le Honfleur) sera propulsée au GNL. Pour l’heure, navigant dans une zone à émissions polluantes strictement contrôlées, les navires sont alimentés au gasoil et/ou équipés de scrubbers.
Reste un problème de taille : la carence d’installations de soutage en GNL dans les ports desservis. Pour ce faire, la BAI a contracté un partenariat industriel avec Total pour imaginer une solution qu’elle dit « unique au monde pour des navires à passagers » : le ferry embarquera par portiques à Ouistreham des conteneurs renfermant du GNL pour alimenter un réservoir fixe de stockage situé à l’arrière de la superstructure.
Ligne de flottaison très incertaine
La compagnie transmanche, qui transporte chaque année 2,6 millions de passagers (dont 85 % de Britanniques) et 40 000 unités de fret entre la France, la Grande-Bretagne, l'Irlande et l'Espagne, est naturellement préoccupée par une sortie sans accord du Royaume-Uni. La perte d’attractivité de la destination France se fait déjà sentir dans les données globales du marché transmanche depuis quelques mois déjà, perte de confiance des ménages britanniques et parité livre/euro impactant les comptes.
Dans ce contexte, les liaisons entre le Royaume-Uni/Irlande et l'Espagne font figure d’aubaine. Et les deux autres navires actuellement en commande devraient d’ailleurs être affrétés à l'armateur suédois Stena RoRo pour relier Portsmouth à l'Espagne (Santander et Bilbao), une destination qui a transporté 331 000 passagers et 150 000 voitures en 2017. Une alternative qui devient très intéressante en cas de Brexit dur, a fortiori pour le fret.
--- A.D ---