2023, année décisive pour le choix des carburants de la prochaine génération de navires 

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Les propriétaires de navires devront finaliser dès cette année des décisions d'investissement qui auront un impact sur les émissions de gaz à effet de serre pour les 25 à 30 prochaines années, soit la durée de vie d'un navire. Á en juger par le bilan des commandes passées l’an dernier, des arbitrages commencent à s’opérer. Les investissements dans les carburants alternatifs ont contribué à hauteur de 6 % à l’augmentation en valeur des commandes.

« 2023 sera l'année où l'équation entre l'offre et la demande résoudra la grande énigme du transport maritime : le choix du carburant pour la prochaine génération de navires », a déclaré dans la presse Carl Schou, président de Wilhelmsen Ship Managment, convaincu de la montée en puissance du méthanol dans les arbitrages à venir. Pour d’autres, la propulsion assistée par le vent sera la grande affaire, tant pour la modernisation des flottes existantes que pour les nouvelles constructions.

Les dirigeants de l’équipementier Yara Marine Technologies font partie de ceux qui considèrent que cette année marquera la reconnaissance par le marché des intérêts de la voile : sa flexibilité et sa polyvalence. « L'hésitation de l'industrie а intégrer la technologie de propulsion éolienne s'est estompée au cours des dernières années », estime Aleksander Askeland, directeur des ventes chez Yara Marine Technologies, notamment en raison de l'augmentation du prix du carburant et de la taxation du carbone, signifie-t-il

Pour beaucoup, il est surtout peu probable que les carburants de rupture soient disponibles, à prix compétitifs, et à technologie maîtrisée avant l'échéance de 2030 fixée pour les nouvelles restrictions d'émissions. D’où la ruée pour des valeurs éprouvées tel que le GNL.

Renouvellement probant de la flotte

Quoi qu’il en soit, le secteur doit prendre rapidement des décisions d'investissement qui auront un impact sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) aujourd'hui et pour les 25 à 30 prochaines années, soit la durée de vie d'un navire.

Selon Clarksons, le bilan des commandes de navires en 2022, dont les volumes ont baissé de 20 % par rapport à 2021, « fait ressortir trois points » : un coût de construction, plus élevé de 15 % en moyenne qu’en 2021 (+ 18 % pour les prix des méthaniers), des navires commandés plus complexes à construire, à l’instar des méthaniers, et l’augmentation des investissements dans les carburants alternatifs (un record de 61 % du tonnage commandé). Un élément qui aura contribué à l’augmentation de 6 % des commandes en valeur, à 124,3 Md$.

Plus de la moitié du tonnage commandé en 2022 était constitué de navires à double motorisation avec le GNL (397 commandes, 36,7 millions de jauge brute), un peu moins de 11 % avec l'ammoniac (90 commandes, 7,7 millions de GT), 7 % avec le méthanol (43 commandes, 5 millions de GT), 1,1 % avec le GPL (17 commandes, 0,8 million de GT) et 1,2 % avec les batteries hybrides. De façon plus marginale, 0,1 % du total à l’hydrogène.

Les méthaniers, très populaires

Plus globalement, les méthaniers ont été l’an dernier particulièrement plébiscités avec 182 commandes et 36 % de tonnes brutes compensées (TBC), totalisant une valeur de 39 Md$. Portés par des tarifs d’affrètement record, les porte-voitures ont aussi suscité beaucoup de marques d’intérêt (69 navires, 2,4 TBC).

Si les porte-conteneurs surplombent avec 350 commandes (29 % de TBC), les contrats signés ont chuté de 50 % par rapport à l'année précédent. Il y a eu en revanche peu de pétroliers dans les cales (des commandes encore en baisse de 64 %). Le transport maritime de pétrole sort à peine la tête de l’eau après deux années noires.

Une production européenne stabilisée

Clarksons ne mentionne même pas les vraquiers, en faiblesse depuis un certain temps. Le principal indice de référence du segment (Baltic dry index), qui suit les taux de fret des capesize, panamax et supramax, est à son plus bas niveau depuis juin 2020. Si bien que les revenus quotidiens des deux grands représentants du marché – les capesize (150 000 tpl), qui transportent du minerai de fer et du charbon, et les panamax (60 à 70 000 tpl) pour le charbon ou les céréales –, sont sous la barre des 10 000 $. La conjoncture vrac sec reste conditionnée au retour de la Chine aux affaires.

Les pétroliers et les vraquiers ont, quoi qu’il en soit, des carnets de commandes historiquement bas (4 % et 6 % de la flotte en service).

Dans son dernier rapport hebdomadaire, Allied Shipbroking se montrait confiant : « les commandes de nouvelles constructions auprès des chantiers navals chinois, se sont accrues ces dernières semaines » avec plus de 10 unités de taille ultra/supramax.

18,4 Md$ consentis par la Chine

Par pays constructeurs, rien ne change, la Chine (49 %) et la Corée du Sud (38 %) raflent la mise au détriment du troisième pays constructeur mondial, le Japon, dont les prises ont chuté de près de 50 %. Avec 2,5 millions de TBC, l'Europe doit se contenter de 8 % de la part de marché mondiale et elle le doit aux paquebots.

« La construction sera de plus en plus dominée par les porte-conteneurs et les méthaniers – 41 % des livraisons prévues en 2023, puis 58 % en 2024 – et la part de marché sud-coréenne sera toujours plus importante  », prévoit Clarksons.

« Les investissements dans le GNL s’inscrivent dans le contexte d'une forte demande européenne dans les années à venir et de la croissance mondiale dans le secteur pour la prochaine décennie » analyse Allied Shipbroking, qui se base sur les augmentation de capacités des usines de liquéfaction qui tournent à plein régime et de la mise en service des nouveaux projets.

Par la valeur des investissements consentis dans leur flotte, quatre pays sont en haut du classement : la Chine (18,4 Md$), le Japon (15,1 Md$), l'Italie (11 Md$) et la Grèce (8,5 Md$).

Des défis pour la construction navale

« 2023 présentera des défis commerciaux pour les chantiers navals, indique Clarksons : le risque macroéconomique est important et peut peser sur le sentiment des investisseurs, les choix de carburants alternatifs restent délicats et les prix des nouvelles constructions constituent un frein pour certains propriétaires de flotte ».

Le secteur n’en est pas à sa première révolution. Ces dix dernières années, la construction navale a subi une violente contraction. En 2022, il y avait 131 chantiers en activité contre 320 en 2009.

Adeline Descamps

 

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