Un déluge de commandes en 2021

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L’année 2021 a rompu avec l’austérité budgétaire. Les compagnies ont renoué avec les achats frénétiques. Faut-il attribuer l’emballement dans les commandes à la nécessité d’investir dans la décarbonation? Pas tout à fait…

Des navires commandés comme s’ils étaient destinés à être livrés aujourd’hui et non pas en fonction de ce que sera le marché dans deux ou trois ans lorsqu’ils seront construits? L’engouement pour les porte-conteneurs neufs a été manifeste tout au long de l’année 2021. À vrai dire, l’escalade a démarré bien avant. Rien qu’au quatrième trimestre 2020, le niveau des commandes était plus de trois fois supérieur à celui des neuf mois précédents (995 000 EVP) et les contrats signés dès le premier trimestre 2021, avec 1,45 MEVP selon Drewry, les avaient déjà largement dépassés.

Plus éloquent encore, les contrats de construction enregistrés sur le seul mois de mars de l’an dernier (866 060 EVP) étaient proches de ceux engrangés sur l’ensemble de 2020. Ce mois-là, les intérêts ont porté à la fois sur des 15 000 EVP et plus (45 unités), mais aussi sur des unités de plus petite taille.

Fin octobre, selon la société de courtage Clarkson Research Services, les navires en commande (204 millions de tpl) représentaient 9,3 % de la flotte mondiale en exploitation, contre 67 Mtpl en 2020, 95 Mtpl en 2018 et 78 Mtpl en 2019. Les vraquiers (64 Mtpl), les porte-conteneurs (60 Mtpl) et les pétroliers (51 Mtpl) ont totalisé près de 86 % du carnet de commandes. Celui des porte-conteneurs représente actuellement entre 21 et 23 % de la flotte en exploitation selon les sources. L’impact de ce déluge de dépenses en 2021 sur la future flotte reste un sujet au vu du déferlement de nouveaux navires attendus d’ici 2023: quelque 13 Mtpl doivent être livrés d’ici la fin de cette année tandis que 78 Mtpl sont prévus en 2022 et encore 70 Mtpl de plus en 2023, sans doute davantage puisque la photographie de Clarkson a été figée à fin octobre. La hausse des prix est une autre tendance majeure de 2021 sous l’influence de la flambée du prix de l’acier et du resserrement des créneaux disponibles dans les chantiers navals. Les courtiers font état d’un renchérissement de l’ordre de 30 à 45 % pour les grands porte-conteneurs et de 25 à 35 % pour les grands vraquiers et pétroliers au cours des douze derniers mois. MSC aurait ainsi payé environ 5 M$ par navire de plus que ce qu’Hapag-Lloyd avait réglé fin 2020 pour une série de navires de 24 000 EVP, également alimentés au GNL.

S’acquitter de son engagement vert

Faut-il attribuer l’emballement dans les commandes aux exigences climatiques? Pas certain, répondent les courtiers. La frénésie dans les achats reflète d’abord et avant tout l’amélioration actuelle du marché du transport maritime et la confiance de ses acteurs en l’avenir, même si le coronavirus continue à sévir, font-ils valoir. En revanche, l’urgence de la décarbonation entretient bien le doute quant aux choix à opérer. Le capital a en effet peur quand il doit investir dans un actif de 25 ans sans visibilité sur les prochaines échéances réglementaires.

La base de données de Gibson recense plus de 530 navires intégrant des technologies vertes actuellement en commande. Le pouvoir d’attraction du GNL sur les porte-conteneurs est réel. Les commandes de navires au GNL approchent les 30 % du tonnage brut en commande, assure Clarkson. Elles ont été multipliées par cinq depuis janvier 2020, revendique Sea LNG, association d’industriels du secteur. « Si le GNL n’est pas la solution finale, il est le meilleur point de départ pour atteindre une flotte à émissions nulles en réduisant les SOx [dioxyde de soufre, NDLR] et les particules à des niveaux négligeables, les NOx [oxydes d’azote, NDLR] jusqu’à 85 % et les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 23 % », rappelle Peter Keller, président de Sea LNG. « Le GNL synthétique renouvelable, chimiquement identique à la version fossile, mais neutre en carbone fait de grands progrès », défend-il. L’Elb Blue qui a accosté à Brunsbüttel, en Allemagne, fin septembre, est en effet devenu le tout premier porte-conteneurs à être approvisionné en GNL synthétique produit à partir d’énergies renouvelables.

Retour en grâce

Parmi les autres faits notables en termes de commandes, le retour en grâce des petits navires, à moins qu’il s’agisse de la désaffection à l’égard de la taille XXL. Certains ont voulu y voir un effet « canal de Suez » – traumatisant épisode d’un mastodonte placé en travers du passage et dont le renflouement s’est avéré dispendieux – et le présage de navires qui, devenus trop grands, finissent par compromettre la fiabilité de la chaîne d’approvisionnement, de la navigation et de la sécurité.

D’autres ont relié ce phénomène notable de l’année aux réglementations environnementales. Ces navires, généralement plus anciens, pourraient en effet échapper aux règles plus strictes pendant un temps. Exit le gigantisme? « Il ne faut pas s’attendre à beaucoup de changements à ce niveau car les ULCS restent l’arme privilégiée dans la course à la rentabilité », a immédiatement balayé Peter Sand, quand il était encore analyste des transports maritimes au sein de l’association professionnelle Bimco. Toujours est-il qu’après une décennie de célébration de la massification que seuls autorisent les très grands porte-conteneurs, un nouveau plébiscite s’est concrétisé autour des 7 000 EVP. Une renaissance pour ce segment de marché vieillissant, sorti des radars des armateurs et désespérément absent des carnets de commandes des constructeurs.

301 porte-conteneurs ont changé de main en six mois

Les transporteurs maritimes ont asséché le marché S&P, se livrant à des surenchères pour acquérir des porte-conteneurs. Selon Alphaliner, quelque 301 porte-conteneurs, représentant un peu plus de 1 MEVP, ont changé de mains sur le seul premier semestre 2021, les transporteurs et les propriétaires non exploitants (NOO) cherchant à renforcer leurs flottes pour profiter du déphasage entre la valeur des navires (bien qu’en hausse) et les taux de fret ou d’affrètement. MSC, CMA CGM et Wan Hai ont été particulièrement actifs. Un autre facteur expliquant l’activité plus agressive de MSC et CMA CGM sur le marché S&P est leur forte exposition au marché de l’affrètement avec respectivement 69,7 % et 58,3 % de leurs flotte actuellement affrétée. En comparaison, la part d’affrètement est à peine de 42 % sur la flotte de 735 navires de Maersk et de 40 % des 254 navires de Hapag-Lloyd.

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