Petite tectoniques des plaques. Alors qu’il y a dix ans, les opérateurs allemands trustaient les cinq premières places du classement mondial par la capacité déployée, Niederelbe (NSB), CP Offen, Norddeutsche Reederei H. Schuldt, Erck Rickmers sont aujourd’hui balayés, fait observer Alphaliner. Désormais, les compagnies de la région asiatique, Seaspan, Shoei Kisen et BoComm, occupent les premières places aux côtés de deux européennes, Costamare et Zodiac Maritime. La déconfiture la plus marquante reste celle de CP Offen qui a été l’un des plus puissants propriétaires au niveau mondial avec une flotte dépassant à un moment donné les 500 000 EVP. L’armateur ne pointe plus qu’à la 9e place, devant Peter Doehle au 11e rang. Niederelbe, encore leader mondial en 2011 avec 439 800 EVP, doit désormais se contenter de la 22e place avec une flotte réduite à 144 000 EVP.
D’autres compagnies allemandes ont été fondues ou assimilées par le jeu des alliances et fusions-acquisitions (E.R. Schiffahrt et Rickmers Reederei ont fusionné dans Zeaborn) ou ont tout simplement disparu après avoir fait faillite (Hansa Shipping).
Assèchement des financements
La désertion des banques allemandes du financement des navires ne serait pas étrangère à cette rétrogradation. « En conséquence, au cours de la dernière décennie, seule une poignée de NOO allemands a investi dans de nouveaux bâtiments », indique le spécialiste de la ligne régulière.
A contrario, par la puissance de son leasing, la Chine est devenue un important fournisseur de capacités avec des entités telles CIMC, China Merchants Bank ou encore BoComm Leasing Co et Minsheng Financial Leasing. « Elles agissent comme des sociétés de leasing qui fixent leur tonnage aux compagnies dans le cadre de contrats coque nue à long terme », décrypte Alphaliner.
Si les NOO allemands se sont effacés, les propriétaires asiatiques de flotte affichent des parcours de météorites. Seaspan, qui n’en finit plus de gonfler sa flotte, en est la plus remarquable incarnation. L’autre star montante est la japonaise Shoei Kisen dont la flotte est passée de 163 000 EVP il y a dix ans à près de 595 000 EVP. Elle a également 367 000 EVP dans son pipeline, en attente de livraison. La filiale du chantier naval japonais Imabari affrète le plus souvent à coque nue à long terme.
En Europe, l’armateur grec Costamare s’est fortement développé au cours de la dernière décennie, passant de la 10e à la 2e place dans le classement d’Alphaliner. La taille de sa flotte a plus que doublé, passant de 232 000 à près de 600 000 EVP. En prenant une participation majoritaire dans la société d’investissement américaine York Capital en avril, le NOO a en outre récupéré quelques navires de 11 000 EVP, dont la majorité engagée avec MSC au prix de 33 000 $/j.
De nouveaux entrants
Global Ship Lease (GSL) a également connu une ascension fulgurante, sa flotte passant de 65 000 à 287 280 EVP répartis sur une cinquantaine de navires. En février 2021, l’entreprise a annoncé un accord pour l’acquisition, au prix de 116 M$, de sept porte-conteneurs de 6 000 EVP, tous affrétés dans le cadre de contrats de 36 mois. La compagnie redonne ainsi vie à un segment de taille qui a été complètement désinvesti ces dernières années.
Parmi les autres acteurs du marché figurent Zodiac Maritime et Eastern Pacific Shipping (EPS), tous deux dirigé par les frères Ofer, Eyfal et Idan. La première est passée de la 6e à la 4e place avec 48 porte-conteneurs. Le seconde se distingue par ses commandes massives, notamment dans une flotte au GNL (22 navires avec les options), dont plusieurs affrétés à CMA CGM au prix d’environ 55 000 $/j selon les courtiers.
« L’un des faits marquants de la dernière décennie a été l’émergence d’un grand nombre de nouveaux opérateurs parmi les trente premiers acteurs mondiaux », signale Alphaliner, qui en a identifié une douzaine, dont la moitié basée dans la région Asie-Pacifique: EPS, SFL, Navios, MPC, Capital Ship Management, Lomar et Borealis Maritime.
La messe n’est toutefois pas dite. La reprise sans précédent du marché de l’affrètement a incité un certain nombre de NOO à retrouver le chemin des chantiers navals. Ainsi, ces dernières semaines, Asiatic Lloyd, Briese Schiffahrt et Vega Reederei, ont tous passé des commandes pour des porte-conteneurs de 1 800 à 7 000 EVP. Une situation inédite outre-Rhin depuis des années.