Que faut-il faire avec les droits de port?

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Concernant la mise en place de l’assiette tarifaire et du niveau de prix des droits de port, plusieurs approches constituent des visions du marché de service portuaire différentes et parfois complémentaires. Quatre peuvent être distinguées. L’approche de tarification stratégique vise à attirer certains types de flux. On la retrouve dans les politiques de modulations ou ristournes au volume. L’approche par les conditions de marché va regarder les tarifs pratiqués dans les ports concurrents en vue d’offrir une grille compétitive. Une logique par la couverture des coûts de l’infrastructure va, elle, se fonder sur le coût de revient d’une opération. Enfin, la tarification des coûts des externalités prend en compte l’ensemble des parties prenantes et notamment les aspects environnementaux et sociaux.

Aujourd’hui, les deux dernières approches sont privilégiées. En effet, dans des chaînes logistiques, où le lieu de départ et la destination finale priment, le passage portuaire devient quasiment accessoire et les ports, interchangeables. La demande est peu élastique et donc l’attractivité tarifaire est peu efficace.

Ces coûts dont il est question

En termes de coûts, un transport transatlantique par exemple va voir près d’un tiers du coût généré par les pré– et post-acheminements terrestres, un peu plus du quart, par le transport maritime, un dixième en frais commerciaux et de gestion et environ 27 % en passage portuaire. Ce dernier se répartit en frais de manutention (environ 60 %), droits de port au navire (16 %), coûts de pilotage, remorquage et lamanage (10 %), et d’autres coûts pour 14 %. Sur l’ensemble du transport, les droits de ports représentent donc entre 4 et 5 % du total. Pourtant, ils financent l’infrastructure et s’ils sont, en proportion, peu importants pour les acteurs privés, ils sont essentiels à l’autorité portuaire. En effet, avec les redevances de concessions, ils constituent les principaux revenus d’un port aménageur, jusqu’aux deux tiers de ses revenus (selon Advanced Logistics Group).

Les droits sont différents, selon les régimes d’exploitation des ports, mais en général, ils sont divisés en deux grandes catégories: les droits afférents au navire et ceux à la marchandise. Parfois, il est aussi question de droits sur les déchets (en France et en Espagne), des droits au mouillage (Maroc), de balisage et de sécurité (Italie), etc. Dans certains pays, ils sont appelés « taxes » car ils sont non seulement une source de financement de l’autorité portuaire mais aussi de l’État lui-même.

Les droits à la marchandise peuvent, en effet, être confondus avec des taxes, notamment douanières, mais en fait, ils rémunèrent le quai, c’est-à-dire l’accès à la terre. Ils sont, la plupart du temps, distincts selon le type d’accostage. Les ro-ro, les porte-conteneurs, les pétroliers, les paquebots, les yachts et voiliers, les chalutiers vont nécessiter des accès à la terre qui seront tarifiés différemment.

Querelle franco-anglaise

Il est assez aisé de comparer les droits à la marchandise, car ils sont redevables à l’unité (tonne, véhicule, passager, etc.). Les droits aux navires sont en revanche plus complexes à comparer. Ils rétribuent l’accès maritime, qui sera différemment traité selon les régimes. Deux systèmes cohabitent: le système métrique français et un système aux tonneaux de jauge brute anglais. Au-delà de la sempiternelle querelle franco-anglaise, ils se distinguent. Les tonneaux de jauge brute (tjb) mesurent le volume de la marchandise sur le plan d’eau, tandis que le système de m3 évalue ce volume sous la ligne de flottaison du navire. D’un côté, on mesure donc le bassin pour financer la digue et de l’autre, le tirant d’eau pour financer le chenal et son dragage.

Dans la méthode de calcul, le système anglais prend en considération le volume et le temps de stationnement. C’est donc l’occupation du bassin dans l’espace et dans le temps qui compte. Le système français ne se préoccupe pas du temps de stationnement: on calcule le tirant d’eau et l’enfoncement du navire à l’entrée, puis à la sortie avec un coefficient poids/volume. Plus le navire est plein plus il va payer. Ce qui va à l’encontre de l’attractivité tarifaire, mais rémunère au mieux l’utilisation du chenal.

Outil commercial ou de service public?

On peut conclure que cette différence vient de deux conceptions différentes du port, selon qu’il soit appréhendé comme un outil commercial ou comme une infrastructure de service public.

Toujours est-il que le système français est très peu usité, hors quelques pays francophones d’Afrique. Pourtant, récemment, les États-Unis s’interrogeaient sans succès sur le moyen juste de financer le dragage par les droits de ports dans les estuaires. Il y aurait donc là un savoir-faire à exporter. En France, on construit de plus en plus de bassins, comme Port 2000 au Havre, qui mériteraient aussi une réflexion sur la tarification, d’autant que la comparaison tarifaire serait plus simple avec les ports concurrents si un système en tjb était en place. En outre, on peut supposer que la comparaison pourrait être avantageuse pour le port français. Enfin, dans les pays qui ont copié le système français, il existe parfois des erreurs, tel l’oubli du coefficient poids/volume, qui rendent caducs le système. Les droits de ports sont trop souvent délaissés alors qu’ils représentent une part importante du marketing portuaire. Des ports à la pointe de la modernité dans leurs infrastructures mériteraient une tarification précise.

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