« Le choix d’une propulsion bicarburant relève d’une stratégie d’atténuation des risques d’entreprise »

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JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): QUELLES RAISONS ONT CONDUIT BC FERRIES A LANCER UN PROGRAMME DE CONSTRUCTION DE TROIS NAVIRES BICARBURANT, GNL-MDO EN DECEMBRE 2013?

MARK WILSON (M.W.): Avec ce projet, baptisé Intermediate Class Ferry Project (ICF), BC Ferries participe à une tendance de l’industrie du transport maritime mondial qui considère la disponibilité croissante du gaz naturel liquéfié (GNL) et les progrès des solutions technologiques pour la gestion du GNL à bord qui deviennent de plus en plus matures. Dans ces conditions, le GNL peut être considéré comme le carburant de l’avenir. Pour BCF, il s’ajoute deux facteurs stratégiques importants: les émissions des moteurs au GNL répondent aux strictes réglementations environnementales qui s’appliquent au transport maritime, et le prix du gaz est nettement inférieur à celui du pétrole. La différence entre le GNL et les autres carburants maritimes est de l’ordre d’environ 50 %. Cet écart de prix devrait rester inchangé sur le long terme. De ce point de vue, la situation est trois fois gagnante: pour les clients de BCF, pour l’environnement, et pour les parties prenantes de BCF.

D’autre part, la décision de choisir une propulsion bicarburant (GNL-MDO) plutôt qu’un carburant unique (GNL) – option plus largement retenue en Norvège, par exemple – a été prise en interne par BCF. Il s’agit de tenir compte des limites de l’approvisionnement en GNL dans les zones maritimes où sont exploités les navires de BCF. La chaîne d’approvisionnement en GNL est encore émergente. D’un point de vue opérationnel, l’objectif de la compagnie est d’opérer ces trois navires autant que possible avec du GNL. Dans le cas où l’approvisionnement en carburant GNL ne peut s’effectuer ou en raison d’une impossibilité purement technique, le navire peut fonctionner au diesel (MDO) sans délai ni modification. La procédure de passage de l’un à l’autre est pratiquement instantanée et passe inaperçue pour les passagers. Ainsi, le choix d’une propulsion bicarburant relève d’une stratégie d’atténuation des risques d’entreprise concernant la fourniture de GNL qui se développe, pour l’instant, au détail davantage dans les régions côtières de la Colombie-Britannique que dans les îles.

JMM: QUELLES SONT LES PRINCIPALES INNOVATIONS DES TROIS FUTURS FERRIES?

M.W.: Le projet ICF prévoit la livraison de trois ferries intermédiaires (Salish Class Ferries) d’une capacité de 145 véhicules (unité de véhicules standardisée) et jusqu’à 600 passagers et membres d’équipage, à partir de l’automne 2016. Ils s’appelleront Salish-Orca, Salish-Aigle et Salish-Raven. Ces navires vont remplacer deux ferries, les Queen-of-Burnaby and Queen-of-Nanaimo, qui auront été en service plus de 50 ans quand ils sortiront de la flotte de BCF. Les nouveaux navires seront conçus avec une durée de vie de 40 ans. Ils seront alimentés par trois moteurs Wärtsila 20 séries Dual Fuel 8 cylindres (8L20DF) dans une configuration d’installation électricité-gaz pour la production d’énergie (voir ci-contre). Il y a trois aspects techniques importants dans ces trois nouveaux navires de BCF: l’introduction d’une propulsion bicarburant et la capacité de production d’électricité; la réduction de l’impact environnemental et la standardisation des équipements; l’interopérabilité de ces navires dans les différentes routes où ils seront en opération.

JMM: QUELS SONT LES BÉNÉFICES D’UN TEL PROJET POUR BC FERRIES?

M.W.: Dans le cadre du programme global de renouvellement de la flotte de BCF, la décision d’intégrer le GNL sera explorée, à la fois du point de vue technologique et commercial pour valider l’impératif stratégique d’utiliser ce carburant pour chaque changement de navires. Alors que les premiers nouveaux navires de la classe Salish seront livrés en 2016 et 2017, il y a un potentiel pour remplacer un navire chaque année au cours des 15 ans à venir. Les éléments clés de la nouvelle stratégie de construction chez BCF sont de minimiser le nombre de catégories de navires tout en maximisant la standardisation des plates-formes et des équipements, en améliorant l’interopérabilité des navires utilisés sur les différentes routes, en assurant une logistique et une maintenance communes. L’objectif de BCF est d’introduire des navires standardisés, dont le coût de propriété est réduit, et qui constituent des actifs flexibles pouvant répondre aux besoins des routes actuelles et futures dans les limites de la réglementation et des attentes des clients. L’adoption du GNL comme carburant est aussi en accord avec la stratégie de BCF de réaliser des économies supplémentaires sur les coûts globaux de carburant de la compagnie et de réduire l’empreinte environnementale de l’activité du transport maritime en Colombie-Britannique.

Pour les clients et les parties prenantes de BCF, ces nouveaux navires auront un impact positif du point de vue des opérations de la flotte car ils permettront d’améliorer l’interopérabilité entre les différents itinéraires et deviendront une référence pour la normalisation de la flotte. Il y aura aussi un impact économique très favorable car les nouveaux navires seront plus efficients que les anciennes unités. Enfin, l’impact environnemental des nouveaux navires est aussi très positif avec l’utilisation du GNL.

JMM: QUELS SONT LES COÛTS DE CE PROGRAMME DE CONSTRUCTION DE TROIS NAVIRES GNL/MDO?

M.W.: Les trois nouveaux navires vont être construits à Gdansk, en Pologne, par le chantier naval Remontowa Shipbuilding SA pour environ 165 M$. Un contrat a été signé en juillet 2014 pour concevoir, construire et livrer les ferries GNL-MDO. Ce sont des contrats de conception-construction, avec des prix fixes qui fournissent à BCF des garanties substantielles liées aux dates de livraison, aux critères de performance, de sécurité et de qualité. Le budget total du projet ICF atteint 252 M$ et comprend le financement et la gestion de projet ainsi qu’environ 51 M$ pour les taxes canadiennes et droits fédéraux d’importation.

JMM: QUAND LES TROIS NOUVEAUX NAVIRES GNL-MDO SERONT-ILS MIS EN SERVICE?

M.W.: Selon les contrats, les dates de livraison des trois navires du projet ICF à Victoria en Colombie-Britannique sont prévues en août 2016, octobre 2016 et février 2017. Une fois chaque navire arrivé au Canada, nous prévoyons une période d’acceptation avant l’entrée en flotte. Cette étape permet la formation et la familiarisation de l’équipage à l’utilisation de ces nouveaux types de navires. Une fois les exigences internes de BCF et celles de Transport Canada remplies, la période d’acceptation de ces nouveaux navires prendra fin et chacun entrera en service régulier.

JMM: EN SEPTEMBRE 2014, BC FERRIES A ANNONCE LA CONVERSION AU GNL DE DEUX FERRIES. QUEL EST LE LIEN AVEC LE PROJET ICF?

M.W.: La similitude entre les trois nouveaux navires du projet ICF et la conversion de deux navires, projet baptisé Spirit Class conversion Mid Life Upgrade (MLU), concerne le choix d’un système de propulsion et de génération de puissance bicarburant. Cela comprend l’incorporation d’un réservoir de stockage de GNL et l’ajout des systèmes de manipulation et de sécurité associés à ce carburant à bord des deux navires. La capacité de ces unités à fonctionner au GNL ou au diesel (MDO) de façon interchangeable permettra une exploitation très similaire et la plus flexible que possible. BCF a bien l’intention d’opérer ces navires au GNL comme source principale de combustible. Cela permettra à la compagnie d’engranger des avantages économiques (le carburant GNL étant d’un coût moindre) et environnementaux grâce à une combustion plus propre.

JMM: CE PROJET DE CONVERSION A PRIS DU RETARD, POUR QUELLES RAISONS?

M.W.: À l’origine, le ferry Spirit-of-Vancouver-Island devait être modernisé et converti au GNL entre l’automne 2016 et le printemps 2017, puis le Spirit-of-British-Columbia entre l’automne 2017 et le printemps 2018. Toutefois, BCF a différé la totalité du projet d’un an afin de s’assurer d’une passation plus avantageuse des marchés pour les équipements, les délais de livraison, l’ingénierie détaillée. Il s’agit aussi de tenir compte des délais incompressibles pour les approbations réglementaires et pour bâtir un financement solide du projet. Le report d’un an permettra à BCF d’obtenir davantage de certitude concernant les évolutions techniques nécessaires et les retombées commerciales. Il faut comprendre que ce projet majeur est particulièrement complexe. Nous avons pris conscience qu’il fallait plus de temps pour la conception au niveau de l’ingénierie des navires et pour s’assurer que l’entreprise répond à ses propres normes particulièrement élevées concernant la réalisation d’un tel projet d’investissement. Les navires Spirit Class constituent des actifs majeurs de la compagnie, ses plus grands atouts car ils opèrent sur la route avec le trafic le plus important, celle de Tsawwassen-Swartz Bay dans les îles du sud du golfe. D’un point de vue opérationnel, ils sont essentiels pour BCF, la gestion de l’évolution de ces deux navires et des risques doit donc être très vigilante. Dans le même temps, nous avons la volonté de réaliser notre stratégie de conversion de navires vers des carburants plus respectueux de l’environnement et d’un prix plus avantageux. Au cours du dernier exercice d’avril 2014 à mars 2015, BCF a dépensé environ 125 M$ en achat de carburant. Les deux navires Spirit-of-Vancouver-Island et Spirit-of-British-Columbia ont consommé environ 15 % de ce montant. La conversion bicarburant de ces deux navires, les plus grands de la flotte, ainsi que la mise en service des trois nouveaux navires de classe intermédiaire conduiront à des économies opérationnelles et des avantages environnementaux pour BCF. Avec le nouveau calendrier, la conversion du Spirit-of-British-Columbia est programmée entre l’automne 2017 et le printemps 2018. Le Spirit-of-Vancouver-Island suivra à partir de l’automne 2018 jusqu’au printemps 2019.

JMM: POUVEZ-VOUS DONNER UNE ÉVALUATION DES COÛTS POUR CE PROJET DE CONVERSION AU GNL DE DEUX DE VOS PLUS GRANDS FERRIES?

M.W.: Les données sur les coûts de ce projet sont commercialement sensibles. Le processus d’appel d’offres entre les trois chantiers navals concurrents est en cours et devrait se terminer en décembre 2015. À ce stade du projet, le coût total demeure en cours d’analyse, certains éléments peuvent encore évoluer. Nous pouvons toutefois donner une vue d’ensemble du projet avec des détails généraux sur les travaux prévus. Les deux sisterships Spirit-of-Vancouver-Island et Spirit-of-British-Columbia sont sortis des chantiers navals en 1993/1994. Ils naviguent depuis sur la route principale de BC Ferries reliant Tsawwassen à Swartz Bay. Ils sont donc âgés d’environ 25 ans et sont concernés par une révision globale (Mid Life Upgrade, MLU). Celle-ci est un événement majeur de maintenance planifiée quand un navire parvient à mi-parcours de son cycle de vie, ici entre 20 ans et 25 ans après sa construction. Au cours de toutes leurs années de service, les deux sisterships ont montré qu’ils étaient sûrs et très fiables. L’objectif de cette révision est de s’assurer de la performance continue de ces deux navires sur la route Tsawwassen-Swartz Bay pour les deux prochaines décennies. Il s’agit de renouveler les systèmes éventuellement en fin de vie, de réduire leur consommation et donc les coûts de carburant, d’augmenter le bénéfice net sur les services auxiliaires. Quatre lots de travaux ont été définis et regroupés en fonction de diverses exigences en distinguant les investissements liés à une remise à niveau des systèmes en fin de vie après 25 ans d’exploitation de ces deux ferries et les coûts concernant la conversion à une propulsion bicarburant GNL-MDO. Le projet comprend aussi un volet d’investissement dans des technologies de sécurité.

JMM: QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE L’ENTRÉE EN VIGUEUR LE 1ER JANVIER DE L’ANNEXE VI DE LA CONVENTION MARPOL DANS LA ZONE DE CONTRÔLE DES EMISSIONS DE SOUFRE DE LA CŸTE OUEST DU CANADA POUR BC FERRIES?

M.W.: L’échéance du 1er janvier 2015 liée à l’entrée en vigueur de l’annexe VI de la convention Marpol a eu très peu de conséquence pour BCF. Nous avons eu connaissance des obligations contenues dans la convention Marpol, et plus particulièrement celles de son annexe VI sur la réduction du soufre dans les émissions des navires, depuis de nombreuses années. Nous nous sommes organisés en conséquence pour être prêts pour les nouvelles normes. Nous avons anticipé. Notre réponse à cette exigence est assez simple. Nous avons graduellement réduit la teneur en soufre du carburant utilisé par nos navires depuis plus d’une décennie. Aujourd’hui, nous opérons des navires avec des moteurs fonctionnant avec un carburant diesel à très faible teneur en soufre (ultra low sulphur diesel) avec une composante de biocarburants (biofuels) de 5 %. La teneur en soufre est inférieure à 15 ppm. Aucun navire de BCF n’a donc besoin d’être équipé en épurateurs de fumées (scrubbers).

JMM: Y A T-IL UN LIEN ENTRE LES PROJETS DE CONSTRUCTION DE TROIS NAVIRES ET LA CONVERSION DE DEUX FERRIES FONCTIONNANT AU GNL ET DIESEL ET LA CONVENTION MARPOL?

M.W.: La solution GNL comme carburant sur les trois nouveaux navires va permettre de répondre aux normes de l’Organisation maritime internationale (OMI) sur les NOx dans la ZCES de la côte Ouest du Canada qui vont entrer en vigueur à partir de janvier 2016. Il en va de même pour le programme de conversion des deux ferries. Nos navires opèrent tous dans cette ZCES. La volonté de BCF est de faire en sorte que toute sa flotte utilise le plus que possible le GNL pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles prévues par l’OMI portant sur les émissions de navires.

Les caractéristiques techniques des trois nouveaux navires GNL/MDO de BC Ferries

– Jauge brute: environ 8 690 tonnes brutes (standard international de mesure)

– Longueur totale: environ 107,2 m

– Longueur entre perpendiculaires: environ 103,2 m

– Largeur moulé: environ 23,5 m

– Le projet de conception, moulé: environ 4,65 m

– Déplacement maximum: environ 4 350 tonnes métriques

– Force motrice: Wartsila type 8L20DF (Dual Fuel)

– Puissance de freinage (à 100 % MCR): environ 1 420 kWe à 1 200 RPM

– Port en lourd garanti: 615 tonnes métriques au projet de conception d’environ 4,65 m

– Vitesse garantie: 15,5 nœuds à l’état de service

– Temps d’accélération garanti: 125 secondes pour atteindre une vitesse de 12 nœuds

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