Intitulée Battling Over capacity in Container Shipping, l’étude de BCG, publiée le 18 mars, peut se résumer en trois phrases: le transport maritime conteneurisé souffre de sa surcapacité et de l’atomisation du secteur. Cela affecte la rentabilité des compagnies et les dividendes des actionnaires, car seule une poignée de transporteurs a été capable d’améliorer sa marge. Pour survivre, les compagnies devront mettre en place une nouvelle organisation interne et tirer un plus grand bénéfice de leurs alliances.
Surcapacité et fragmentation
La fragmentation du secteur n’est pas une nouveauté mais semble largement surestimée par BCG, au moins en ce qui concerne les transporteurs. En effet, selon le consultant américain, les acteurs les plus influents de la chaîne (courtiers, financeurs, armateurs non exploitants, chantiers navals et transporteurs) contrôlent chacun une partie de marché comprise entre 10 et 15 % au maximum. La part de marché des dix premiers de chaque segment ne dépasse pas les 50 %.
Une simple lecture du fameux tableau d’Alphaliner montre que l’atomisation des transporteurs conteneurisés se réduit d’année en année: au 24 mars, Mærsk Line représente 15,5 % de l’offre mondiale de transport, celle de MSC, 13,2 % et celle de CMA CGM 8,8 %. Hapag-Lloyd et Evergreen font jeu égal à respectivement 5,1 % et 5 %. Ainsi, ces cinq compagnies représentent-elles près de 47,6 % de l’offre mondiale. Cela n’a pas échappé à l’autorité chinoise de la concurrence qui, dans le cadre de l’examen de feu l’alliance P3, a souligné que les parts de marché entre l’Extrême-Orient et l’Europe étaient de 20,6 % pour Mærsk, 15,2 % pour MSC et 10,9 % pour CMA CGM, soit 46,2 % pour les trois.
Quelles solutions
Toujours est-il que BCG attribue la faible rentabilité des compagnies à la surcapacité et à la fragmentation de l’offre. Depuis 2012, le retour pour l’actionnaire (TSR pour Total Shareholder Return) de tous les segments du secteur transport conteneurisé est bien inférieur à celui de l’indice mondial industriel calculé par l’américain MSCI. Le TSR généré par les compagnies exploitantes est le pire de tous. Entre 2012 et 2014, l’indice MSCI a doublé, alors que le TSR des exploitants est resté quasi stable.
Pour améliorer la rentabilité des transporteurs, BCG leur propose deux moyens. Premièrement, transformer leur organisation interne en utilisant des outils bien connus. Deux axes d’amélioration sont présentés: bâtir un nouveau modèle d’exploitation basé très clairement sur la production de valeur, et visant donc à pouvoir agir sur les coûts et leurs recettes; concevoir une organisation plus souple en simplifiant le nombre de niveaux hiérarchiques et en définissant l’étendue appropriée des contrôles devant être réalisés. Dans ce cadre, il faut favoriser la culture de la performance en établissant des indicateurs pertinents et des objectifs adaptés. BCG n’entre pas dans le concret concernant cette réorganisation, mais des réductions de la masse salariale semblent se profiler à l’horizon, comme Mærsk Line l’avait fait en octobre 2003 (transfert d’une partie du back-office en Inde) et en 2008 (suppression de 2 000 à 3 000 postes).
Le P3 le bon modèle
Les transporteurs qui souhaitent rester dans le transport maritime à un niveau mondial doivent trouver la bonne échelle en mettant en place toutes les synergies possibles que leur offrent leurs alliances ou des fusions acquisitions, affirme le consultant. Beaucoup de transporteurs n’ont pas mis en œuvre toutes les possibilités que leur permet leur alliance. Cela détruit une valeur « considérable ». Les alliances « plus sophistiquées » devraient aider les transporteurs à capter de la valeur en, par exemple, regroupant leurs achats et leur centre d’exploitation ou en mettant en commun leurs équipements. Sur le long terme, pour créer plus de valeur, ils pourraient regrouper leur back-office ou partager les mêmes centres de service; même suggestion pour les services informatique. Cela devrait faire gagner 2 à 3 % sur la marge opérationnelle, probablement plus en cas de fusion complète. « Ces possibilités allumeront une lumière au bout du tunnel pour les nombreux transporteurs qui y sont englués au milieu. Pour cela, ils doivent s’efforcer de dépasser de très loin leurs pratiques habituelles », conclut le BCG.
Le dossier récent du P3 permet de rappeler que le droit américain de la concurrence limite considérablement les possibilités offertes aux armateurs membres d’une même alliance d’acheter en commun des prestations portuaires. En outre, le fait que les navires du P3 devaient être gérés par deux centres indépendants des armateurs avait fait tousser la FMC. Le ministère chinois a simplement considéré qu’il s’agissait alors d’une fusion, qu’il a interdit.