Le marché des vracs secs peine à se redresser. Au cours des six premiers mois de l’année, les principaux opérateurs enregistrent une diminution de leur chiffre d’affaires. Il est certain que l’indice général de ce secteur, le BDI (Baltic Dry Index) n’a que peu augmenté. Il a été de 1 179 points en moyenne sur cette première partie de l’année avec une hausse de 337 points par rapport à la même période de l’année dernière. Les responsables de China Shipping Development n’ont pas manqué de le répéter lors de la présentation de leurs résultats. « Le BDI est resté sur un niveau bas, même s’il a progressé au cours des premiers mois de 2014. Il faut le comparer à un premier semestre 2013 encore plus bas. Par ailleurs, même à ce niveau, le marché des vracs secs reste dans une zone de turbulence ». Les responsables de la division vracs secs de K Line attestent du même constat. « Le marché des vracs secs ne nous permet pas de délivrer de bonnes nouvelles. » Il faut se tourner vers DryShips pour avoir une vision plus optimiste du marché. Dans son analyse du marché sur le premier semestre, l’armement grec, coté à la Bourse de New York, remarque que le trafic des principales matières premières progresse de 9 % en moyenne depuis 2009.
Ce faible niveau des taux de fret a eu un impact sur les revenus des armateurs au cours de cette période. Avec 6,4 MdRMB (828,4 M€) de chiffre d’affaires, la division vracs secs de Cosco sauve les meubles en ne perdant que 0,6 % par rapport à l’an passé. Pour l’armement d’État, cette baisse toute relative en termes financiers est une performance compte tenu des volumes transportés. Au total, l’armateur chinois a transporté 90,05 Mt de matières premières, soit une baisse de 16,8 % par rapport à la même période de l’année dernière. Tous les grands courants des secteurs d’activité où intervient Cosco sont touchés par cette régression. Avec un volume de 35,1 Mt de charbon transportées, Cosco affiche une baisse de 19,7 %. Même tendance sur les minerais avec une diminution de 20 % à 35,36 Mt. Les autres vracs s’inscrivent dans cette baisse généralisée avec une perte de 3,8 % à 19,6 Mt.
L’absence remarquée du charbon
Dans ce contexte difficile, la division dry bulk de l’armement danois Norden ne peut que se plier à l’avis général. « Le marché est resté faible en raison d’un manque de trafic sur le charbon, la bauxite et le nickel. » Pour l’opérateur européen, ce sont les unités du type Handymax, Supramax et Panamax qui ont le plus souffert. Les Panamax ont beaucoup enduré sur ces six premiers mois avec des taux de fret historiquement bas sur le bassin atlantique. Plusieurs raisons expliquent ce marché baissier. D’une part, l’interdiction par le gouvernement indonésien d’exporter sa bauxite et son nickel a appauvri le marché des frets. D’autre part, les stocks chinois conservent leur niveau élevé, diminuant la demande. Sur le charbon, la baisse de la demande chinoise, principal moteur de la croissance, est liée à l’utilisation plus intensive des sources hydroélectriques pour la production d’électricité. Il est encore trop tôt pour dire si ce mouvement vers une production électrique « verte » se confirmera dans les prochains mois. En outre, en incitant les sidérurgistes nationaux à utiliser le charbon de production nationale plutôt que d’aller sur les marchés internationaux, la Chine a affaibli ce marché. Seule première lueur de retour d’activité, une demande en hausse des minerais de fer par la Chine qui a pu tirer les taux de fret des Capesizes vers le haut, selon Norden.
Les navires de plus petites tailles comme les Panamax et les Handymax ont aussi subi les atermoiements politiques. La situation difficile en Argentine a bloqué des exportations de céréales depuis l’Amérique du Sud au cours des six premiers mois de l’année. Au global, Norden enregistre une baisse de 25 % des sorties de céréales au départ d’Argentine. Quant au soja en sortie des ports brésiliens, il a pris le chemin des pays du bassin atlantique plutôt que de la Chine. Il a utilisé des navires plus grands que les Panamax et mis sur le marché une partie de la flotte.
La flotte des Capesizes va augmenter de 4 %
Le mal chronique du marché des vracs secs demeure la surcapacité de la flotte. Avec une hausse prévue de la flotte mondiale d’environ 4 % pour les Capesizes et de 6 % pour les Panamax, la crise ne devrait pas se résoudre de sitôt. Pourtant, chaque armement, à sa mesure, tente de faire des efforts. Cosco annonce une baisse de 13,6 % de sa flotte à 25,1 Mtpl. Du côté de Norden, la flotte sera en hausse de 1 %, « ce qui est bien en dessous du niveau du marché qui prévoit 4 % ». L’augmentation de la flotte des navires devrait s’accompagner d’une amélioration du marché, répètent les différents armateurs. Tout cela doit néanmoins être relativisé. Sur les six prochains mois, les taux de fret n’auront pas le même niveau qu’en fin d’année 2013. Sur les céréales, les sorties depuis l’Argentine et celles prévues après la récolte en Amérique du Nord devraient soutenir le marché des navires de plus petites tailles comme les Panamax ou les Handymax. Les minerais de fer en sortie du Brésil devraient aussi croître sur les prochains mois. La grande incertitude continue sur le marché du charbon. La question demeure de l’avenir des stocks actuels dans les ports chinois et de la consommation par la sidérurgie locale de charbon depuis les mines nationales ou sur le marché international. Quant à la bauxite et au nickel, si l’Indonésie maintien son interdiction d’exportation de ses produits, la baisse importante des stocks chinois devrait avoir un effet positif sur le marché.
Il n’en demeure pas moins que ces hausses annoncées pendant l’été semblent avoir du mal à se concrétiser. Si une petite hausse s’est fait jour à la fin de la saison estivale, le repli du BDI se confirme depuis le milieu du mois de septembre. En ce début de mois d’octobre, la « golden week » en Asie ainsi que des congés dans d’autres pays du continent ont pesé sur le marché des Capesizes. Sur les dernières semaines, le moral des courtiers reste bas, même si ces derniers jours un redressement se dessine, notamment avec une activité un peu plus soutenue dans le bassin atlantique. Au final, malgré les bonnes intentions et une méthode Coué pour croire au retour d’une activité, le marché des vracs secs reste confiné dans une situation stable mais critique.