Pour répondre aux demandes de trois présidents de comités spécialisées du Congrès américain (voir p. 9), le GAO, équivalent de la Cour des comptes, s’est intéressé aux réactions des compagnies de croisières après l’échouement à 16 nœuds du Costa-Concordia. Le GAO a ainsi interrogé cinq compagnies. L’une d’elle lui a présenté le rapport réalisé à la suite d’un audit portant sur neuf aspects de l’exploitation de paquebots dont la gestion des situations d’urgence et le contrôle du flotteur après avarie. Cinq cents recommandations en ont résulté (qui ne sont pas précisées). Une autre compagnie a fait réaliser un audit par une société extérieure portant sur six points pour lesquels le facteur humain joue un rôle portant. Le rapport du GAO a finalement retenu trois mesures correctives mises en œuvre.
Réduire le gradient hiérarchique
Une compagnie a décidé que ses commandants les plus expérimentés se rendront à bord de ses paquebots afin de vérifier si les officiers supérieurs encouragent une « atmosphère ouverte » sur la passerelle. Ils doivent s’assurer que les officiers supérieurs font connaître leurs intentions et que les autres officiers se sentent en droit de contester leurs supérieurs hiérarchiques si leurs ordres paraissent incertains ou soulèvent des inquiétudes. Ce renforcement de la gestion de l’équipe de passerelle (bridge team management) est cohérent avec la nouvelle politique de la Clia (Cruise Lines International Association) qui, entre autres choses, encourage chaque membre de l’équipe de conduite du navire à exprimer ses doutes sans crainte de représailles.
Une autre compagnie de croisières a expliqué que la gestion de l’évacuation des passagers avait été transférée du commandant au commissaire de bord (hotel director) afin d’alléger la charge de travail du premier dans une grave situation d’urgence. Le GAO ne précise par la formation du commissaire nécessaire à la bonne conduite d’un abandon de navire. La même compagnie a modifié ses exigences vis-à-vis du passager. Si ce dernier refuse de participer à l’exercice d’abandon, il ne sera pas accepté à bord.
Une troisième compagnie a expliqué qu’elle faisait maintenant évaluer la façon dont ses officiers réagissaient dans une situation d’urgence, la pertinence de leur style de leadership ainsi que certains traits de caractère comme l’accessibilité, la disponibilité, la fiabilité ou l’acceptation du changement. Les représentants de la Clia ont ajouté que l’évaluation du comportement de l’équipage dans une situation d’urgence a fait l’objet de longs débats durant les examens de la sécurité opérationnelle réalisés à bord des paquebots après l’accident du Costa-Concordia.
30 mn pour évacuer
S’il semble n’en tirer aucune conclusion, le GAO a cependant noté que, bien que la réglementation internationale exige qu’un navire à passagers puisse être évacué en 30 mn, l’abandon du Costa-Concordia a pris plus de six heures et a, selon le rapport du BEAmer italien, montré de nombreuses défaillances. La rédaction du rapport du GAO aurait gagné à être plus précise. En effet, selon la convention Solas, « toutes les embarcations et tous les radeaux de sauvetage requis pour permettre à toutes les personnes à bord d’abandonner le navire doivent pouvoir être mis à l’eau avec leur plein chargement en personnes et en armement dans un délai de 30 mn à compter du moment où le signal d’abandon du navire est donné après que toutes les personnes ont été rassemblées et ont endossé leur brassière de sauvetage ». Encore faut-il que le navire reste relativement droit. Pas plus de 20o de gîte. Au-delà, c’est à la grâce de Dieu. Et le 13 janvier 2012, il était sur zone: à bord du Costa-Concordia, 2 954 passagers adultes, 200 enfants de moins de 12 ans, 52 bébés de moins de 3 ans, 1 023 membres d’équipage, une déchirure sous la flottaison de 53 m, quatre à cinq compartiments envahis et « seulement » 30 morts, deux disparus et 157 blessés.