Dès les premières minutes de la sixième édition de l’Asian Logistics and Maritime Conference (ALMC), Patrick Low, ancien directeur à l’OMC et actuellement vice-président du Fung Global Institute, a démarré la conférence sur une note un peu pessimiste: « Les nouvelles ne sont pas forcément bonnes. Après avoir enregistré des croissances de 5,5 % du commerce international, nous avons constaté une hausse de 3,5 % en 2012 et nous estimons qu’en 2013, elle ne devrait pas dépasser 2,5 %. » Pour ne pas brosser un tableau trop noir, il se reprend et évalue l’année 2014 sur un rebond avec une hausse du commerce international de 4,5 %. Si, mondialement, le commerce tend à s’essoufler, les relations commerciales intra-asiatiques se portent comme un charme avec une hausse de 10 %, « les chiffres des vingt dernières années montrent que ce commerce a été, en moyenne, en augmentation de 20 % ».
Dans ce contexte économique, le transport maritime tire son épingle du jeu. Justin Zatouroff, responsable pour la logistique dans le cabinet KPMG, explique l’importance de la logistique en Asie. « En Chine, 18 % du PIB sont consacrés à la logistique. Ce chiffre s’élève à 20 % en Inde et à 8 % en Allemagne. » La France étant trop en-dessous, il n’a pas pu citer le chiffre. Dans ce cadre, les pays d’Asie du Sud-Est ont décidé de créer une communauté des États d’Asie du Sud-Est. « Il s’agit de créer une communauté économique stable et prospère, a souligné Chackrit Duangphastra. Il faut s’inspirer du modèle européen sans pour autant aller jusqu’à créer une monnaie unique. » Cet accord de communauté doit porter sur une douzaine de secteurs qui comprennent, outre la logistique, l’agroalimentaire, l’automobile, le transport aérien, l’électronique.
Concernant le volet logistique de l’accord, quatre éléments essentiels ont été identifiés. En premier lieu, dans le cadre de cette libéralisation des échanges intra-asiatiques, les différents partenaires prévoient de mettre en place des outils pour la facilitation portuaire, d’encourager la simplification des formalités et la dématérialisation par des guichets uniques, d’améliorer les connexions terrestres entre les pays et d’étendre les capacités logistiques des différents acteurs. « Cela représente une véritable révolution, un changement sans précédent pour l’économie chinoise », a déclaré Georges Yeo, président de Kerry Logistics, qui voit avec cet accord la concrétisation d’un commerce entre la Chine et ses voisins directs. « Les Chinois sont volontaires sur cette interconnexion avec leurs voisins, et pas seulement par voie terrestre, mais aussi par voie maritime pour relier les Philippines et l’Indonésie. » Le gouvernement chinois a récemment déclaré vouloir faire de ses investissements en matière d’infrastructure une priorité. Toute la problématique pour le responsable de Kerry Logistics viendra du financement de ces infrastructures. Donnant l’exemple du corridor reliant la ville de Kunming, dans le sud-est de la Chine, à Bangkok en Thaïlande, la difficulté viendra surtout de la monnaie à utiliser pour financer l’ensemble du projet. « Il faudra certainement s’appuyer sur le RMB chinois », suggère Georges Yeo. Pour Robert Li, directeur logistique de Lenovo en Asie Pacifique, la solution ferroviaire ne doit pas être oubliée dans cette communauté. « Toute la question est de savoir quelle sorte de logistique nous souhaitons avoir, pour quel type de marché. Nous devons réaliser des infrastructures qui soient en adéquation avec nos attentes », continue le chargeur.
« Penser Asie, penser Hong Kong »
Et quel rôle jouera Hong Kong dans cette communauté intra-asiatique? En premier lieu, les intervenants s’accordent pour lui donner une place portuaire de premier plan. Mais la ville doit aussi jouer un rôle central. Dans ce contexte, le Hong Kong Trade Development Council (HKTDC) a lancé une campagne pour expliquer son rôle: « Penser Asie, penser Hong Kong. » « Notre cité a un rôle à jouer pour permettre aux industriels du monde de développer ses relations avec la Chine », explique Jenny Koo, directrice du service promotion du HKTDC. Pourquoi faire le choix de Hong Kong quand la cité de Shanghaï tend à se développer? La free zone de Shanghai reste encore floue, explique la directrice du HKDTC, et l’avantage premier de Hong Kong est d’être régie par la Common Law, les règles inspirées par la Grande-Bretagne. La cité du sud de la Chine a mis sur pied un accord avec les autorités chinoises sous le nom de Cepa (Closer Economic Partnership Agreement), qui s’apparente à un accord de libre-échange. Ainsi, toutes les marchandises fabriquées à Hong Kong sont détaxées, ce qui se décline jusqu’aux sociétés logistiques qui peuvent éviter de payer des taxes sur leurs biens entreposés. Outre cet aspect, Hong Kong joue le rôle d’une plate-forme financière pour les sociétés travaillant sur l’Asie. « Notre système financier aide l’économie chinoise », souligne Jenny Koo. Et cette place, le directeur du World Trade Council, Ron Widdows, l’a déclinée sur l’industrie maritime. « Le système développé par les sociétés de type KG en Allemagne est devenu obsolète. Les banques ont quitté l’industrie maritime. Depuis la crise de 2008, dont le point de rupture se situe en 2009, nous avons besoin de nouvelles sources de financement, et Hong Kong, voire plus généralement l’Asie, peuvent prendre cette place. »
Hong Kong Trade Development Council en France
Le Hong Kong Trade Development Council a d’ores et déjà lancé sa campagne de promotion auprès de nombreux pays. Après avoir été en Grande-Bretagne, il prévoit de tenir une conférence sur ses offres de service en France dans le courant du mois d’octobre 2015. La date avancée est le 28 octobre, soit dans une vingtaine de mois. « Il nous paraît important de venir en France. Nous avons plus de 300 sociétés françaises basées dans notre ville à ce jour », explique Jenny Koo, directrice de la promotion du HKTDC.