Le secteur de l’énergie a connu de forts bouleversements ces dernières années au niveau mondial avec la production du gaz de schiste en Amérique du Nord, une région riche en énergies compétitives avec des ressources en charbon, en gaz de schiste et en gaz conventionnels. Dans cette partie du monde, le gaz naturel se substitue peu à peu au charbon, et les hydrocarbures non conventionnels représentent désormais la moitié de la production de gaz. Un tiers des poids lourds américains roulent au gaz naturel et les perspectives de développement du GNL (gaz naturel liquéfié), principalement dans le secteur maritime, devraient accélérer le développement du gaz dans l’ensemble du monde. Le gaz de schiste a un impact géopolitique important puisque les États-Unis possèdent désormais des ressources énergétiques équivalentes à celles de la Russie.
En Asie, la dynamique pour le marché gazier est très favorable avec une demande énergétique massive qui devrait représenter les deux tiers de la demande mondiale d’ici 2017. Les réserves de gaz naturel non conventionnel en Chine, supérieures à celles contenues en Amérique du Nord, pourraient être une source de bouleversement dans les prochaines années. « Néanmoins, a souligné Philippe Sauquet, président de Gas & Power à Total, les conditions de développement du gaz de schiste aux États-Unis sont exceptionnelles avec de grands réseaux industriels, une forte technologie ou encore de nombreux fournisseurs de services. » Une concordance de conditions complexe à réunir, et l’accès aux ressources de gaz naturel en Chine reste par ailleurs difficile.
La demande de gaz n’augmente que très faiblement en Europe et la baisse du prix du charbon, causée par le désintérêt des Américains pour cette énergie, pousse l’Europe à adopter le schéma inverse en relançant les usines à charbon au lieu d’investir dans des usines plus modernes et plus écologiques. L’absence de politique claire dans l’Union européenne est aussi une source d’inquiétude, selon Gérard Mestrallet, p.-d.g. de GDF Suez, qui souligne « un constat d’échec » avec « une déréglementisation, une décentralisation et une diminution en volume » de la production du gaz en Europe et « un coût bien plus élevé pour les consommateurs européens que pour les Américains. Pourtant, la transition énergétique est un passage irréversible et le gaz représente une solution prometteuse pour les filières agricoles et industrielles ». Philippe Sauquet estime que les énergies primaires représenteront encore jusqu’à 75 % de toutes les énergies jusqu’à au moins 2035. « L’Europe a désormais le choix, a-t-il indiqué, soit elle importe le gaz naturel de Russie ou d’Amérique du Nord, soit elle le développe sur son sol. Or les importations sont vécues comme une dépendance par les pays européens. »
Des questions qui restent en suspens
Quelques incertitudes sur le développement du gaz de schiste au niveau mondial demeurent, notamment de savoir si cette énergie va continuer à être produite en grande quantité pour surpasser le charbon. Sur ce point, la décision de la Chine de développer la production de ses réserves de gaz, d’importer du gaz ou encore de continuer à exploiter le charbon est un facteur qui pourrait peser lourdement sur l’évolution du marché mondial du gaz. Ensuite, l’évolution du prix reste assez floue. Si le coût n’est pas très élevé pour le moment, la liquéfaction ainsi que le transport de cette énergie risquent de peser fortement sur la facture. Les fortes perspectives de l’utilisation du GNL dans les transports maritimes et terrestres seront également un important facteur dans le développement du gaz naturel. « Il faudrait toutefois un réseau de distribution dense et cette utilisation vise surtout les gros transports, » nuance Olivier Appert, président d’IFP Énergies nouvelles et président du Conseil français de l’énergie.