JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): FRS EST AVANT TOUT UNE SOCIÉTÉ OPÉRANT DANS LE TRANSPORT URBAIN DE PASSAGERS DANS LA VILLE ALLEMANDE DE FLENSBURG. COMMENT UN AUTOCARISTE ALLEMAND SE RETROUVE-T-IL ARMATEUR DANS LE DÉTROIT DE GIBRALTAR?
CHRISTIAN FUNCK (C.F.): Le groupe FRS a toujours opéré dans le secteur maritime. Il est vrai que le début des opérations s’est fait sur le transport urbain de passagers avec des autobus. Nous avons évolué vers de nouvelles opportunités au fur et à mesure des années. Aujourd’hui, nous totalisons 75 ans d’expérience du maritime dans différents pays. Notre connaissance du milieu maritime ne se cantonne pas au détroit de Gibraltar. Nous sommes présents en Europe, dans le nord de l’Afrique et au Moyen-Orient avec des ferries. Notre arrivée sur le détroit de Gibraltar date de 2000. Nous y assurons des liaisons entre Tarifa et Tanger, Algésiras et Ceuta, Tanger Med et Gibraltar.
Nous sommes entrés sur le détroit de Gibraltar par une décision stratégique de recherche de nouvelles opportunités. Une décision que le temps a confirmé comme judicieuse.
JMM: QUEL EST LE POIDS DU GROUPE FRS EN TERMES DE PASSAGERS ET DE FRET, GLOBALEMENT?
C.F.: Le groupe dans sa globalité, en 2011, a transporté 5,4 millions de passagers et 1,3 million de véhicules avec une flotte de 30 navires. La filiale ibérique de FRS transporte chaque année 1,5 million de passagers et 340 000 véhicules avec une flotte de quatre à cinq navires. Dans le détroit de Gibraltar, nous sommes fortement présents lors de l’OPE (acronyme espagnol employé pour le transit de personnes avec le Maroc pendant la saison estivale). Nous transportons 37,5 % des Français qui empruntent le détroit chaque année pour se rendre ou revenir du Maroc. Nous attachons donc une importance toute particulière aux clients français.
Nous sommes aussi présents sur le marché du fret. Nous opérons dans ce marché tant dans le détroit de Gibraltar qu’au Danemark. Cette activité est une part importante de notre groupe. Nous constatons un développement, notamment sur le détroit de Gibraltar, pour les liaisons avec le port de Tanger Med.
Ces chiffres doivent être ramenés au marché. En 2012, l’ensemble des routes du détroit a totalisé un trafic de 4,8 millions de passagers et de 241 000 camions, selon les données de l’autorité portuaire de Bahia d’Algésiras.
JMM: VOUS DISPOSEZ ACTUELLEMENT D’UNE FLOTTE DE QUATRE NAVIRES POUR VOS OPÉRATIONS SUR LE DÉTROIT DE GIBRALTAR, DONT TROIS SONT DES UNITÉS RAPIDES ET UNE DU TYPE RO-PAX TRADITIONNEL. LE PLUS JEUNE DE CES NAVIRES EST ÂGÉ DE 14 ANS. LE TEMPS D’UN RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE EST ARRIVÉ?
C.F.: Nous disposons de cette flotte à laquelle il convient d’ajouter un nouveau navire arrivé récemment, le Dolphin-Jet. Il vient renforcer la flotte pendant la saison estivale. Ce navire, sorti des chantiers en 2004, possède les dernières technologies à son bord. Il est aussi le premier navire à évoluer en Espagne sous la certification MLC (Maritime Labour Convention de 2006). De plus, le Tanger-Express a été profondément rénové en 2011, avant d’arriver sur le détroit. Il a passé six mois dans les chantiers allemands de Bremerhaven pour y subir des améliorations. Il est aujourd’hui le navire le plus évolué technologiquement sur le détroit de Gibraltar.
JMM: DISPOSER DE NAVIRES RAPIDES N’EST PAS TOUJOURS UN AVANTAGE EN RAISON DES COÛTS D’EXPLOITATION ÉLEVÉS, NOTAMMENT POUR LES SOUTES. QUELS SONT LES AVANTAGES QUE VOUS AVEZ À ALIGNER DES NAVIRES DE CE TYPE SUR UNE ROUTE AUSSI COURTE?
C.F.: Les navires rapides présentent des avantages. Ils offrent aux clients un service rapide approprié pour un voyage aller et retour dans la journée, et notamment lorsque les taux d’occupation sont élevés pendant certaines périodes comme la saison d’été. Cependant, les taux d’occupation sont bas dans le détroit de Gibraltar, ce qui implique un coût élevé par passagers en raison du coût du combustible et des frais de maintenance de ces navires. Un paramètre qui ne plaide pas en faveur de notre compétitivité.
La question n’est pas de savoir si les navires rapides sont un avantage, bien que nous pensons qu’ils le soient. La problématique se pose plus sur la capacité de l’offre sur le détroit. Avec des taux faibles de réservation, environ 15 % à chaque traversée, sur toute l’année, la compétitivité des navires rapides se pose pour l’ensemble des opérateurs du détroit.
JMM: CE CONTEXTE DIFFICILE SUR LE DÉTROIT VOUS AMÈNE-T-IL À CHERCHER DE NOUVELLES ROUTES POUR RELIER LE MAROC À L’EUROPE DU SUD? PENSEZ-VOUS POUVOIR INTÉGRER VOS LIAISONS DANS LE CONCEPT EUROPÉEN D’AUTOROUTE DE LA MER?
C.F.: La recherche de nouvelles opportunités est une constante dans notre entreprise. Nous avons toujours cherché à développer de nouvelles liaisons. Aujourd’hui, nous n’avons rien de concret mais nous regardons les différentes alternatives. Quant au concept d’autoroute de la mer, développé par l’Union européenne, nous n’excluons pas de nous y intégrer. Nos liaisons n’entrent pas dans le cadre juridique développé par l’Europe.