L’Assemblée nationale a entériné une proposition du groupe des radicaux de gauche de créer une commission d’enquête relative aux conditions de privatisation de la SNCM. Une succession d’« erreurs troublantes » est évoquée dans la proposition de résolution portée par le député radical de gauche Paul Giacobbi, président du conseil exécutif de l’Assemblée de Corse, et douze de ses collègues. Le rapport pointe tout d’abord la décision de l’État, en 2005, de privatiser la compagnie après avoir lancé « une véritable campagne de torpillage de la société », en évoquant notamment un déficit chronique alors qu’elle était encore bénéficiaire en 2003. Par ailleurs, le gouvernement de l’époque s’est « accommodé » uniquement des offres issues de fonds d’investissement, ce qui, selon la résolution, souligne le manque d’intérêt d’un vrai capitalisme industriel spécialisé dans le domaine des transports. Dans ce sens, la Connex (future Veolia) a proposé en 2005 une entrée progressive au capital ainsi qu’un apport de 75 M€, une offre qui a été écartée au profit de celle du fonds d’investissement Butler Capital Partners qui « apportait 40 M€ de moins et exigeait de l’État 10 M€ de plus ». Puis, en l’espace de trois ans, Butler a revendu ses parts en réalisant une plus-value de 60 M€ « sans que l’on puisse comprendre son utilité dans la privatisation ».
Un « avantage injustifié »
Une plainte de la compagnie concurrente de la SNCM, Corsica Ferries, a conduit l’exécutif européen à ouvrir une enquête. La Commission européenne a ordonné le remboursement à l’Office des transports pour la Corse des 220 M€ d’aides versées à la SNCM en vertu d’une délégation de service public pour 2007-2013 qui ont, selon elle, « procuré un avantage injustifié » à la compagnie. Le gouvernement français a introduit des recours pour éviter le remboursement de cette somme qui menacerait la survie de la compagnie maritime fragilisée par des pertes d’exploitation récurrentes et qui emploie environ 2 500 salariés. 230 M€ sont également réclamés par le tribunal de l’Union européenne qui a jugé les conditions de recapitalisation-privatisation illégales.
Un recours suspensif permettrait aux autorités françaises et à la SNCM de gagner au moins six mois, et un recours sur le fond – à condition que le premier soit gagné – de gagner 18 mois.
Selon Paul Giacobbi, la SNCM, qui réalise 300 M€ de chiffre d’affaires, a encore perdu 12 M€ en 2012. La commission d’enquête, qui comprend trente députés, dispose d’un délai de six mois pour présenter son rapport. Elle devrait être mise en place dans les tout prochains jours.