L’intérêt pour la route du Nord se renforce sous la pression russe

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Le 19 mars, l’École nationale supérieure de techniques avancées (Ensta) Paris Tech a organisé une troisième édition de ses « rendez-vous maritimes » dans les locaux flambant neuf de son campus à Palaiseau (voir encadré). Parmi les thèmes à l’ordre du jour a figuré « exploration, installation et production en zone arctique ». Pour Philippe Cambos, de la direction marine de Bureau Veritas, la réduction de la calotte glaciaire, conséquence du réchauffement climatique, focalise de plus en plus l’attention sur le potentiel de la route du Nord et du passage du Nord-Est. En 2008, quatre voyages ont été réalisés pour 110 000 t transportées. En 2012, 46 voyages ont été dénombrés par Bureau Veritas pour 1,2 Mt transportées. Ce niveau de tonnage demeure certes très éloigné de celui passant par le canal de Suez (700 Mt). Toutefois, les armements multiplient les voyages d’évaluation, assure Philippe Cambos, sous la poussée de la Russie. Pour les armements, le premier intérêt de la route du Nord est une réduction du trajet en distance. Par exemple, pour Rotterdam-San Francisco, c’est 6 700 miles au lieu de 7 300 miles; pour Rotterdam-Yokohama, 7 350 miles au lieu de 11 250 miles. Autre intérêt de la route Nord pour les armements: le coût de passage a tendance à se rapprocher de celui du canal de Suez, même en tenant compte des honoraires des brise-glace, avance Philippe Cambos. Emprunter ces routes impose toutefois de disposer de navires aptes à opérer dans un environnement sévère avec de la glace durant plus de 8 à 9 mois par an et un froid extrême. Les défis à relever pour les navires et les membres d’équipage passant par l’Arctique sont nombreux: température très basse, vent, glace non homogène, neige, pluie, brouillard, nuit prolongée. Pour les navires méthaniers, il faut aussi prendre en compte les écarts de température entre la navigation en mer et le long de côtes. Les températures sont moins froides en mer que près des côtes. Les coûts des navires adaptés à la navigation en Arctique demeurent donc très élevés et constituent le frein le plus important au passage par les routes du Nord et du Nord-Est. L’existence de multiples réglementations internationales ou locales des cinq pays riverains de l’Arctique, ou encore celles des sociétés de classification ne simplifie pas non plus la navigation dans cet espace.

Des réserves élevées de pétrole et de gaz

La Russie mène un intense lobbying auprès des armements pour les pousser à emprunter la route du Nord, notamment car 20 % à 25 % des réserves d’hydrocarbures estimées du pays sont localisés en Arctique, et plus de 30 % de celles de gaz. Au moins six projets d’exploitation de gaz naturel et d’exportation de GNL sont portés par la Russie et des partenaires étrangers en Arctique russe. Le projet Shtokman a été mis en cocon car il a perdu son principal débouché vers les États-Unis suite à l’autonomie de ce pays grâce à la production de gaz non conventionnel. À l’inverse, le projet Yamal LNG, porté à 80 % par la société russe Novatek et à 20 % par Total, se poursuit avec une mise en service programmée pour 2017. Trois trains de liquéfaction pour une production de 16 Mt/an de gaz et condensats sont prévus, explique Michel Faou, chargé du projet au sein du groupe Total. Les travaux de construction du terminal ont commencé même si la décision finale d’investissement est prévue seulement pour le deuxième semestre 2013. Les conditions de froid extrême ont obligé Total et Novatek à réaliser l’usine de GNL sur pilotis pour l’isoler de la glace qui règne 300 jours par an. Pour évacuer le GNL produit à Yamal, il faudra sept navires méthaniers de classe Arc 7. Pour les navires, « il faut trouver un compromis entre puissance, vitesse, épaisseur de glace et conditions de sécurité », continue Michel Faou. Le GNL produit dans la péninsule de Yamal devrait être expédié par voie maritime aussi bien vers l’Europe que l’Asie. L’idée est de trouver un port de transbordement en Europe, par exemple Zeebrugge ou Dunkerque. Le premier accueillant un terminal méthanier, le deuxième devant en être doté d’un en 2015. Il faudra aussi trouver un équivalent vers l’Asie. Ainsi, les navires méthaniers de classe Arc 7 navigueront essentiellement en Arctique. Les navires pourraient donc être de plus en plus nombreux dans cette zone à moins que des questions d’ordre stratégique et/ou politique au niveau mondial ne viennent freiner les ambitions russes.

Une école d’ingénieurs

Le groupe Ensta est une école d’ingénieurs répartis sur deux sites en France, l’un en Île-de-France (Ensta Paris Tech), l’autre en Bretagne. Il a une double mission d’enseignement et de recherche. À l’Ensta Paris Tech, 142 professeurs permanents et chercheurs associés forment, en trois ans, des ingénieurs généralistes. L’établissement propose cinq mastères spécialisés et quatre masters internationaux. « Les partenaires industriels plébiscitent l’Ensta pour le haut niveau de ses formations d’ingénieurs et de ses activités de recherche dans le domaine maritime », indique un dépliant. Transport, architecture navale, conception et production de navires, ingénierie offshore, exploitation des ressources énergétiques marines, hydrographie, océanographies, gestion de l’environnement côtier sont des thématiques privilégiées de l’Ensta, sans oublier les EMR. En 2012/2013, le site francilien, installé à Palaiseau, accueille 575 étudiants en formation d’ingénieur dont plus de 150 obtiennent chaque année un diplôme avec un profil spécialisé dans le domaine maritime.

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