Intercem Shipping Forum a tenu sa seconde édition dans la ville catalane de Barcelone le 25 janvier. Une centaine d’opérateurs ont pu constater les dernières évolutions du transport maritime de ciment et de clinker dans le monde. Dans sa présentation, Ad Ligthart, consultant spécialisé sur les questions cimentières, a commencé par une note positive. « Après les contractions du marché de 2006 à 2011, 2012 semble être une année de rebond. » Une perte de vitesse pour le marché cimentier qui tient à plusieurs éléments. La crise économique que subissent les économies de l’hémisphère Nord n’est pas étrangère à ce déclin. Le ralentissement de la construction en Europe et aux États-Unis a joué un rôle sur ce marché. De 2006 à 2011, le marché du ciment et du clinker a accusé un repli estimé à 30 %, selon le consultant néerlandais. Hier destiné à alimenter les économies occidentales, le ciment est aujourd’hui destiné à des marchés émergents, et notamment pour l’Afrique et l’Asie. Un basculement qui modifie la donne puisque ces pays ne disposent pas toujours des capacités de réception portuaires. Ainsi, en Afrique, les importations se font principalement par sacs de ciment au détriment des trafics en vracs. Actuellement, la structure du trafic cimentier se situe en Asie avec un marché domestique en pleine expansion, a expliqué Ad Ligthart. L’Asie est devenu le principal exportateur de ciment au monde avec, en plus, un marché local aux dimensions encore floues. Dans le nord-est de l’Asie, la production cimentière est estimée aux environs de 77 Mt avec une inconnue de taille, la Chine. Une grande partie de cette production part sur les marchés internationaux, selon le consultant néerlandais, soit aux environs de 38,7 Mt. Dans le même ordre de volume, le trafic domestique entre comme un des plus grands du monde. Ces marchés nord-asiatiques possèdent comme caractéristique majeure qu’ils sont généralement fermés. La Chine opère en interne ses propres besoins, tout comme le Japon qui traite son ciment dans un cercle fermé. Dans le Sud-Est asiatique, la situation est inverse. Des pays comme Singapour, l’Indonésie ou le Myanmar s’imposent comme des importateurs nets avec des besoins importants pour subvenir à leurs besoins.
Autre nouveau centre de gravité de cette filière, l’Afrique de l’Ouest. La production n’a pas encore couvert tous les besoins en infrastructure. Ces pays importent de nombreuses quantités depuis l’Europe et l’Asie. Ainsi, l’Europe a expédié 11,2 Mt vers cette région. Le trafic depuis l’Asie sur l’Afrique de l’Ouest représente un volume identique. « Dans cette région d’Afrique, le déséquilibre reste notoire sur la plupart des pays. Seul le Nigeria arrive à subvenir à ses besoins, a déclaré Ad Ligthart lors du Intercem Shipping Forum. Il devrait même devenir exportateur dans les prochaines années. »
Intégrer la part du risque de s’installer dans un pays émergent
Cette nouvelle donne des marchés cimentiers devrait se confirmer dans les prochaines années, explique le consultant néerlandais. L’Europe devrait stabiliser son trafic tout comme l’Asie et l’Afrique. L’inconnu revient aux États-Unis dont les prévisions, « faites selon mes données personnelles », souligne Ad Ligthart, devrait redevenir un importateur majeur. Dans ce contexte, la logistique prend une nouvelle dimension. « Installer un terminal de réception pour du ciment devient une entreprise à hauts risques surtout dans des pays instables politiquement comme en Afrique. Il faut donc développer de nouvelles logistiques basées sur des facilités portuaires et une flotte plus flexible. » Au cours des dernières années, a expliqué Maro Varvate, consultante dans la société Ocean Finance, la progression de ce type de navire ne cesse de s’accentuer. Selon ses observations, Maro Varvate souligne que tous les navires cimentiers disposent de leurs propres moyens de déchargement, ce qui les rend plus efficace. « Malheureusement, cette flotte est âgée en raison du peu d’investissements au cours des dernières années. Les armateurs sont revenus vers les chantiers mais le déséquilibre entre l’offre et la demande demeure. Les chartes se négocient à 40 % de leur valeur de 2003 », a continué Maro Varvate. Pour retrouver une rentabilité, Maro Varvate préconise de nouvelles synergies entre armateurs et producteurs.
La privatisation en Afrique du Nord
La rentabilité de ce marché passe aussi par l’efficacité portuaire. En Méditerranée, a souligné Sylvie Doutres, de DsG Consultants, les réductions de coûts à terre sont un objectif pour une plus grande compétitivité de la filière. « Cette efficacité portuaire est avant tout liée à la structure de la société exploitant le terminal », a continué Sylvie Doutres. Pour les trois principaux pays méditerranéens impliqués dans ce secteur que sont l’Espagne, le Portugal et la Turquie, 2012 a bien fonctionné grâce à la demande algérienne, et, dans une moindre mesure, de la Libye. « Les flux en Méditerranée se font principalement du Nord vers le Sud. » En Espagne, au Portugal et en Grèce, après la France, a continué Sylvie Doutres, les gouvernements ont initié des réformes portuaires sur l’organisation du travail. « Des risques demeurent pour les prochains mois de voir des terminaux bloqués par des mouvements sociaux dans les pays exportateurs. Quant aux pays réceptionnaires, si des améliorations se font jour ces derniers temps avec un mouvement de privatisation, elles concernent principalement les terminaux à conteneurs. Des blocages administratifs sont encore à déplorer. Enfin, outre l’aspect purement portuaire, c’est toute la chaîne logistique à réception qui créé encore des goulets d’étranglement. »
L’exemple méditerranéen est symptomatique. C’est sur l’ensemble des maillons de la chaîne logistique que la filière cimentière retrouvera ses niveaux de rentabilité d’avant la crise.
Ciments Kercim innove dans la manutention
La station de broyage des Ciments Kercim a reçu son premier navire, chargé de 16 000 t de clinker, en provenance de Turquie. Cette opération de déchargement, qui devait durer deux jours et demi, a nécessité le double de temps. Un temps de planche allongé en raison des nombreux problèmes techniques, auxquels les techniciens des Ciments Kercim et de Montoir Bulk Terminal, le manutentionnaire, ont dû faire face. Ciments Kercim fait preuve d’innovation en utilisant une trémie dépoussiérée, associée à huit remorques type « wagon », couplées à des tracteurs agricoles. Cette installation, toujours en travaux, se veut respectueuse de l’environnement et est en mesure de garantir un standard de « zéro poussière ». Malheureusement, lors de cette première opération, des émissions de poussières ont été remarquées, tant au niveau de la trémie qu’autour du hangar de stockage du clinker. Avec un volume prévisionnel de 150 000 t en 2013, porté à 600 000 t à l’horizon 2016, Ciments Kercim devient un des principaux clients du port de Nantes-Montoir.
DsG Consultants