L’Alaed, navire appartenant à l’armement russe Femco, aurait chargé à Kaliningrad des hélicoptères syriens pour les acheminer en Syrie. Un transport qui tourne à l’affaire politico-militaire. Ces hélicoptères auraient été acheminés en Russie (l’enclave de Kaliningrad demeurant sous contrôle russe) dans le cadre d’un contrat de maintenance entre les gouvernements de Moscou et de Damas. Une fois revus, ils sont repartis. Les événements qui secouent la Syrie depuis plusieurs mois et la répression que mène le gouvernement de Bashar Al Assad contre les manifestants (la répression aurait fait 14 000 morts selon les ONG) a amené les pays membres du conseil de sécurité de l’ONU à demander des sanctions. Une demande que la Russie a refusée.
Le 26 juin, le navire est annoncé dans le port de Mourmansk. Il est prévu de changer de pavillon pour passer de celui de Saint-Vincent et Grenadines pour le pavillon russe, a déclaré un responsable de la diplomatie russe à l’agence Interfax. Avec ce pavillon, les Russes ont décidé de lui adjoindre une escorte « pour éviter toute provocation », continue l’agence de presse. Selon les responsables de la diplomatie russe, il pourrait arriver des problèmes au navire lors de son voyage (mauvais temps ou pirates par exemple, indique la diplomatie russe) et cette escorte ne serait là que pour apporter une aide opérationnelle si le besoin s’en fait ressentir.
Deux thèses s’opposent dans ce dossier. D’une part, le gouvernement russe se défend de livrer des armes à son homologue syrien. La livraison de ces hélicoptères n’est que la résultante d’un contrat de maintenance, les engins ne sont pas neufs. Pour l’Union européenne et les États-Unis, ces livraisons d’armes sont interdites selon les dernières règles de l’embargo contre la Syrie. L’affaire se médiatise lorsque Hillary Clinton, secrétaire d’État américaine, s’inquiète de voir du trafic d’armes entre la Russie et la Syrie et dénonce de tels accords commerciaux.
Escale secrète
Selon les services de sécurité américains, le navire aurait pris en charge ces hélicoptères lors d’une « escale secrète », rapporte le quotidien russe Kommersant, au cours d’un voyage entre l’Égypte et Saint-Pétersbourg. Dans un texte de l’armement Femco, le carnet de bord du navire est dévoilé. Du 3 au 4 avril, l’Alaed aurait fait escale à Mumbai pour des supplies. Il a ensuite fait route sur Jebel Ali pour un chargement les 9 et 10 avril, avant de décharger dans le port d’El Dekhela, proche d’Alexandrie, entre le 23 et le 24 avril. Le 29 avril, l’Alaed se trouve à Djen Djen, en Algérie avant de procéder à un soutage à Algésiras le 2 mai pour décharger du 9 au 20 mai à Porto Praia, au Cap Vert, une cargaison destinée aux programmes alimentaires des Nations Unies. Il a ensuite fait route vers Saint-Pétersbourg pour un chargement le 5 juin. Alors, Femco nie avoir chargé les hélicoptères en Syrie.
Quant à son chargement à Kaliningrad, l’armement a refusé de nous apporter toute précision supplémentaire. Il serait actuellement, toujours selon les services américains, chargé avec des hélicoptères et des munitions à destination de la Syrie. Femco se refuse de dévoiler la composition de sa cargaison.
Des personnalités russes du maritime expliquent que ce voyage est la résultante d’un contrat de maintenance entre deux gouvernements. L’armateur n’a fait que répondre à une demande du gouvernement.
Russes, Américains, Européens et Syriens ont vu arriver les Britanniques dans cette affaire lorsque Washington a informé Londres que l’assureur du navire est britannique. Le Standard P&I Club assure en effet les navires de l’armement Femco. Les responsables du P&I Club ont aussitôt informé l’armement que le navire Alaed n’était plus assuré. « Nous avons été informés que l’Alaed transporterait des munitions pour la Syrie, ce qui constitue une contrevenance aux règles de notre P&I Club. Nous avons informé notre client que toute couverture d’assurance de ce voyage cessait immédiatement », indique le Standard P&I Club dans un communiqué. De plus, l’assureur a aussitôt décidé de retirer toute couverture pour tous les navires de cet armement.
En acceptant de livrer ces hélicoptères et les munitions, le Kremlin pourrait se trouver face à une hostilité de l’ensemble de la communauté internationale et donner à son opposition des arguments quant à sa position sur la Syrie et le respect des Droits de l’Homme. Cette affaire pourrait devenir le Syriangate du Kremlin.