La carcasse métallique du futur bâtiment toujours en travaux de la société Beltrame s’élève non loin de la silhouette de l’Aciérie de l’Atlantique (ADA). Situé à Boucau-Tarnos, au cœur névralgique de l’activité portuaire bayonnaise – 80 % du trafic du port –, ce futur laminoir annonce des prévisions de forts tonnages maritimes pour le port basque. Près de 200 000 t de trafic d’acier sont attendues courant 2013, 300 000 t par an à plus long terme, soit une trentaine de navires par an. Le groupe italien Beltrame, leader européen dans le secteur des laminés marchands pour le bâtiment, le génie civil et les chantiers navals, a ainsi opté en 2007 pour un investissement de 45 M€ à Bayonne, au détriment de Bilbao, afin de conquérir de nouveaux marchés dans le sud-ouest de la France et du nord de l’Espagne. La production d’acier, avec import maritime de matières premières et export de produits finis destinés notamment à la construction de bateaux, d’ouvrages d’art ou de charpentes métalliques pour le bâtiment, aurait dû cependant démarrer fin 2011. Effet d’un marché tendu en Europe ces deux dernières années, contraintes supplémentaires liées à l’électrification du bâtiment… Aujourd’hui, le chantier traîne en longueur, même si 2013 devrait signer, par l’entrée en activité de nouveau sidérurgistes, un réel regain de trafic pour le port.
Toujours dans le domaine de la sidérurgie, il semble en revanche que le projet d’extension de l’Aciérie de l’Atlantique, propriété du groupe espagnol Celsa soit, soit bel et bien en stand-by. Cet industriel, premier client du port, qui totalise 40 % du trafic global, a en effet projeté la construction de deux laminoirs supplémentaires. En 2007, il se disait prêt à investir plus de 450 M€ et avait même entamé les négociations et signé un protocole avec le Département des Landes. Depuis, la crise économique a sans doute sévi. Même si l’industriel en 2011 affiche une stabilité de trafic, il n’a pas été tout à fait épargné en 2010 subissant une baisse de 28 % de ses imports maritimes de ferrailles et de 15 % de ses exports de billettes.
100 000 t de soufre solide en 2013
Ce serait dans le soufre finalement, qu’à plus court terme le port de Bayonne pourrait trouver un nouveau flux. Lui, qui durant des années a été la porte de sortie du soufre liquide issu du bassin de Lacq, est en passe de devenir importateur de soufre solide. Le lotisseur industriel Sobegi (Société béarnaise de gestion industrielle), filiale de Total et de Cofely GDF Suez créée il y a 30 ans dans le cadre de la reconversion industrielle du bassin de Lacq, envisage la construction d’un fondoir sur le terminal de Blancpignon d’Anglet. Un projet qui se traduirait, vraisemblablement, fin 2013, par de l’import maritime d’environ 100 000 t de soufre solide par an. Il viserait ainsi à compenser l’arrêt prévu en 2013 des exports de soufre liquide qui se déroulent actuellement via les installations de Total sur Blancpignon (163 000 t réalisées en 2011). Un accord a d’ores et déjà été signé avec un client majeur: Adisseo, propriété du groupe chinois Bluestar, leader des additifs dans le secteur de la nutrition animale et pour lequel la marchandise serait acheminée sur son site des Roches de Condrieu en Isère.
Le trafic de nitrate d’ammonium se confirme
Plus modeste, un gain de trafic d’environ 20 000 t pourrait voir le jour prochainement. La société Yara, installée à Pardies près de Pau, souhaiterait en effet expédier du nitrate d’ammonium non plus via Port-La-Nouvelle mais depuis le port de Bayonne. Un raccourci de 300 km qui, selon l’industriel, permettrait une économie de 300 000 €. Le pré-acheminement par voie ferrée de ce produit dangereux jusqu’au port de Bayonne n’a cependant pas manqué de soulever des inquiétudes et l’hostilité de certains riverains. Plusieurs tests en blanc ont ainsi eu lieu l’an dernier pour évaluer les conditions de transport du nitrate en toute sécurité. Considérant que celle-ci était assurée, les préfets des Pyrénées-Atlantiques et des Landes ont définitivement, début janvier 2012, donné leur aval au projet de Yara.
Quant à la société LBC Sotrasol, spécialisée dans le stockage de produits chimiques à Tarnos, classée Seveso 2, elle pourrait revoir sa copie pour solliciter à nouveau l’agrandissement de son parc de cuves, non plus cette fois pour des cuves dédiées au trafic de méthanol, mais de bitume. L’instruction du dossier déposé à la préfecture pour la construction d’un dépôt de bitumes devrait se dérouler en 2012, l’industriel espérant un début des travaux à l’automne pour un trafic d’import maritime qui démarrerait en 2013. Une précédente demande d’autorisation a en effet été annulée par le tribunal administratif de Pau, décision motivée par des données incomplètes et des craintes liées au transport de matières inflammables.
Quel avenir pour le bassin de Lacq?
Cet important pôle industriel, qui s’est construit dans les années 1950 sur la découverte de colossaux gisements de gaz, est devenu au fil des décennies un centre pétrochimique d’importance. Il comporte aujourd’hui 10 zones d’activités abritant des sociétés telles qu’Arkema (matières plastiques), Sobegi, Total, Soficar, Abengoa (bioéthanol), Yara, Sanofi Chimie, Air Liquide… Près de 2 200 salariés y travaillent. Situés à environ 80 km du port Bayonne, les industriels de Lacq se sont tournés naturellement vers cette porte de sortie maritime. Cependant, la fin programmée en 2013 des gisements pourrait se répercuter sur le trafic maritime de Bayonne. D’ores et déjà, les exportations de pétrole brut et de soufre ont nettement diminué au cours de ces dernières années. La fermeture de Célanèse en 2009 a porté un coup également au trafic de produits chimiques. Cependant, des pistes de reconversion mobilisent les troupes. Pour preuve, le projet d’import de soufre de la Sobegi. Total se dit prêt également à investir massivement pour la réhabilitation du site. Autre piste: le japonais Toray, même si rien n’est acté, serait tenté d’investir dans une nouvelle usine en Béarn dédiée à la fabrication de polyacrylonitrile, une matière première textile dérivée du pétrole. « Cet industriel pourrait alors éventuellement être intéressé par le port de Bayonne si on développe une ligne régulière de transport de conteneurs », indique Pascal Marty du port de Bayonne. « Sur le bassin de Lacq, il y a en tout cas une volonté forte de maintenir une activité sur place. Le port travaille d’ailleurs en partenariat avec Lacq. Nous sommes confiants sur le développement futur du Bassin, et Bayonne se positionne comme un atout compétitif. »