« Notre volonté est de faire évoluer le port sur son premier métier de report modal. Cela passera par une recherche de foncier pour faire revenir et implanter de nouvelles entreprises. Nous sommes en prospection active. Pour fixer les activités créatrices de richesses et d’emplois, cela suppose une politique foncière plus que soutenue », énonce André Garreta, président de la CCI de Bayonne-Pays basque. Pour l’heure, aménagée à partir de 1995, la zone de Saint-Bernard à vocation logistique avec ses 28 ha reste un potentiel foncier important. Rive gauche, sur la zone de Blancpignon située à une vingtaine de minutes de remontée de l’Adour depuis l’embouchure, 2 à 3 hectares peuvent être libérés et davantage après les travaux prévus sur ce site. À Boucau-Tarnos, sur la zone la plus ancienne, située près de l’embouchure, rive droite, 20 ha seraient inutilisés. Cependant, l’arrivée de Beltrame a réduit le potentiel foncier et l’utilisation d’autres terrains ne va pas sans poser problème. Les contacts se multiplient ainsi avec des propriétaires ayant cessé leur activité, ceux notamment de la Raffinerie du Midi, ancien établissement pétrolier de Tarnos, qui n’a pas encore obtenu l’autorisation de vente de son site de 4 ha. Le dossier Agriva-Fertiladour s’avère encore plus épineux. Bien que cette usine d’engrais ait cessé son activité depuis 1992, ses terrains restent inutilisables (voir encadré). Au grand dam de la CCI de Bayonne, qui n’a pu accéder dernièrement à la demande d’implantation d’une usine de granulés de bois par l’industriel German Pellets, projet qui aurait pu générer au moins 100 000 t de trafic maritime. « On regrette que ce projet n’ait pas vu le jour. Le site n’est pas prêt, mais on reste en contact avec les industriels de ce secteur pour un trafic éventuel de pellets », précise Pascal Marty de la CCI.
Riverains: opération séduction
Pour assurer son développement, le port a plus que jamais pris conscience également de l’importance de composer avec la population. Il se heurte en effet, comme dans bien d’autres ports d’estuaire, à une hostilité croissante des riverains sur certains projets industriels. C’est d’autant plus prégnant à Bayonne, port caractérisé par un maillage étroit entre les industries et un bassin d’environ 100 000 habitants côtoyant les quatre sites portuaires. Ces résidents, appuyés parfois par des élus, montent le ton, les uns dénonçant la pollution olfactive de LBC, d’autres les poussières issues du trafic engrais, les fumées chargées de particules de l’aciérie ou les bruits de ferrailles lâchées par les grues. Tout dernièrement, le projet de trafic de nitrate d’ammonium de Yara a mis le feu aux poudres, certains habitants s’opposant au transport de produits dangereux.
Pourtant la CCI n’a pas ménagé ses efforts pour être dans le respect des normes de sécurité et en matière d’environnement. Dès 2006, elle a obtenu trois certificats internationaux, la certification qualité ISO 9001, OHSAS 18001 pour la sécurité, ISO 14001 pour l’environnement. Plus d’1 M€ a été investi pour l’observation de la qualité des eaux de l’Adour, l’adaptation des outillages pour limiter les poussières, l’installation de débourbeurs pour le traitement par décantation des eaux pluviales avant rejet dans l’Adour, le remplacement des toitures amiante, le ramassage et l’élimination des déchets échoués…
Pour André Garreta, « depuis 10 ans, le port a connu un fort développement. Certains trafics ont créé un facteur de fragilité. On a observé qu’ils suscitent beaucoup d’incompréhension auprès des populations, d’où notre volonté dans les prochaines années de favoriser encore davantage l’intégration du port dans la ville afin que la population puisse se l’approprier ». De 2009 à 2013, un budget de 1,4 M€ est ainsi destiné à recréer du lien entre les habitants et leur port. D’ores et déjà, le port a débuté son opération séduction en participant à diverses manifestations: conférence sur les métiers du port, exposition sur le port dans le cadre des « Rencontres de la mer ». Une étude menée par la CCI en 2011 a permis de faire une piqûre de rappel auprès du grand public de l’impact socio-économique du port, ses 56 entreprises, ses 970 emplois directs et 3 400 emplois indirects, ses retombées évaluées à plus de 500 M€ par an. D’autres études pourraient voir le jour pour évaluer l’image du port chez les habitants ou comment leur permettre d’accéder plus facilement aux terminaux. En outre, les réflexions battent actuellement son plein pour mieux communiquer avec les riverains et leur faire prendre conscience de l’intérêt patrimonial du port. Quelques pistes sont avancées: création d’une maison du port ou d’un Port Center, mise en lumière par l’éclairage d’éléments totémiques portuaires, visite du port par voie fluviale, création de bornes pédagogiques le long de pistes cyclables, communication régulière auprès du public sur la qualité des eaux de l’Adour, les sédiments, les opérations de dragage… « Nous sommes en phase de préparation. Rien n’est encore acté, mais l’enjeu sera de mieux faire comprendre aux habitants ce qui se passe dans le port, quels sont ses projets, sa finalité. Le port étant intégré à la cité, il est nécessaire de bien se positionner et de composer avec une évolution de la société », explique le navigateur Didier Munduteguy, chargé de ce dossier à la CCI de Bayonne.
Créer une ligne régulière
Autre axe stratégique: le port de Bayonne, dédié aujourd’hui essentiellement aux vracs, ne désespère pas de lancer un jour une ligne régulière pour le transport de conteneurs malgré les différents revers connus jusqu’alors. En 1999, une liaison ro-ro Bayonne-Southampton, lancée par l’armateur Vicking, n’a en effet tenu que quelques mois. L’an dernier, la ligne hebdomadaire « Bayant » reliant en porte-conteneurs Bayonne à Anvers, pilotée par la société de consignation maritime Elorza y Compania, n’a officié que de mars à mai, avec seuls sept allers-retours. Le client principal, un industriel suisse de la chimie, a en effet choisi de passer du maritime au ferroviaire à la faveur de l’ouverture d’une ligne ferroviaire Mouguerre-Anvers, peu après l’inauguration de la ligne de cabotage maritime. Avançant désormais avec prudence, sans dévoiler de destination précise (Rotterdam? Le Havre?), la CCI maintient pourtant sa volonté de créer une ligne régulière. « Ce n’est pas parce que la ligne Bayant n’a pas fonctionné qu’on va baisser les bras. On reste persuadé que cela peut être un modèle viable, mais à condition de travailler avec efficience et avec des clients réguliers, contractualisés, identifiés. Le plus surprenant dans la ligne Bayant était l’absence de contrat avec ce client fond de cale. Il faut un projet construit sur des bases fortes », confie André Garreta.
Soigner l’accueil des navires
Le projet mijote depuis 2006: reconstruire et aligner les 600 m de front d’accostage des quais datant de la Seconde Guerre mondiale de la zone Blancpignon. Alors que le projet de la Sobegi devrait voir le jour prochainement, le port veut en effet parfaire ce site avantageusement placé pour rejoindre les accès routiers filant vers l’Espagne. Une première tranche de travaux a ainsi été réalisée en 2008 avec l’ajout de duc d’albe sur une partie des quais. Une deuxième tranche, financée par le Conseil régional à hauteur de plus de 10 M€, pour construire un linéaire de 150 ou 180 m – les discussions sont en cours –, pourrait démarrer en 2012 ou 2013. Surtout fréquenté par des 9 000 t, Blancpignon pourrait ainsi accueillir des navires des 20 000 t, assurer un accueil simultané, voire offrir une zone de repli en cas d’aléas climatiques sur la zone de Tarnos. À plus long terme, le terminal devrait de plus être équipé de deux grues, soit transférées depuis Tarnos ou faisant l’objet d’un investissement.
« Par ailleurs, pour être plus opérationnel et réactif et réduire les charges, le port de Bayonne s’emploie à redéfinir les moyens actuels de dragage », ajoute André Garreta. Deux campagnes de dragage sont en effet menées chaque année nécessitant une enveloppe de plus de 2 M€ pour prélever 1 Mm3 de sable et de vase. Dernièrement, le port a ainsi procédé sur la zone de Saint-Bernard à des tests de mise en suspension des sédiments par injection d’eau. Un nouveau système qui, s’il s’avère efficace, pourrait être adopté. Parallèlement, le port prévoit la création en 2012 d’une zone spécifique pour la valorisation de sables à Saint-Bernard, sédiments qui une fois traités seraient vendus aux collectivités locales pour des remblais de terrains.
Agriva: un dossier contaminé
Stratégique pour le port car idéalement placé sur la zone de Tarnos, relié à la voie ferrée, aux accès routier et maritime, le site de 8 ha d’Agriva se révèle inachetable en l’état. Une première étude confiée à l’Acro en septembre 2010 a révélé un niveau de pollution radioactive important par la présence d’un minerai, le monazite. Un diagnostic confirmé par l’Autorité de sécurité nucléaire (ASN) en mars 2011. Résultat: alors que le Conseil régional d’Aquitaine, propriétaire du port de Bayonne depuis 2006, était prêt à acheter le terrain, il a voté en décembre dernier une motion bloquant l’achat « tant que ce site ne sera pas dépollué ». Réclamant l’application du principe de pollueur-payeur, il a de même réclamé l’instruction d’une étude épidémiologique sur les anciens salariés de l’usine.
Les investissements 2012
Hors acquisition foncière et dragage, la CCI de Bayonne Pays basque déboursera près de 450 000 € pour l’aménagement de terre-pleins en dur, 150 000 € sur la réfection et l’électrification d’un passage à niveau, 250 000 € pour des études sur l’intégration ville-port avec le démarrage de premiers travaux tels que la mise en lumière du port, 300 000 € enfin pour de l’achat de matériel divers.