La crise économique n’a pas fini de peser sur le marché international des vracs secs. La demande ne décolle pas alors que les armateurs continuent de recevoir de nouvelles cales. L’équation se résout alors en négatif dans les chiffres des principaux armateurs. Après un premier trimestre difficile, les armateurs opérant dans les vracs secs ont imaginé un début d’amélioration avant l’été. Il n’en a rien été et les principaux opérateurs voient leurs revenus plonger. Les courbes de l’indice du Baltic Freight Index sont éloquentes à ce propos. Dès les mois de janvier et février, la baisse a été généralisée. Sur le mois de mars, une reprise s’est amorcée, rapidement inversée sur le trimestre suivant. « Des indices qui accusent un repli de 20 % sur l’ensemble du semestre », expliquent les dirigeants de l’armateur danois Norden. La filiale vracs secs de Cosco est encore plus alarmiste et cite, dans la présentation de ses résultats, une baisse de 56,7 % du Baltic Dry Index sur le premier semestre. Des récessions qui se matérialisent dans les résultats financiers. Ainsi, l’armateur danois a vu les revenus de sa division vracs secs augmenter de 201 % en raison d’une demande continue de la part de l’industrie sidérurgique chinoise. Une progression qui a subi les conséquences de taux de fret en pleine récession. Avec une diminution d’environ 14 % sur le Time Charter Equivalent per Earnings days (taux d’affrètement du navire par jour), les résultats accusent un repli sévère de 113 % à 25,3 M$ sur le premier semestre.
Une situation que le groupe chinois Cosco a aussi connue pour sa division vracs secs. Le chiffre d’affaires perd 27 % et le résultat opérationnel chute de 186 % à 2,6 MdRMB (290,5 M€). Les résultats du groupe grec Navios sont identiques avec une baisse du chiffre d’affaires sur les six premiers mois de l’année en raison de la baisse des taux d’affrètement.
Le slow steaming ne peut résoudre la surcapacité
Globalement les armateurs de vracs secs sont la proie de nombreux facteurs aggravants. Les commandes engagées pendant la période de hausse des taux de fret sont délivrées ces derniers mois. Les navires arrivent sur le marché mais la demande n’est pas toujours au rendez-vous. Preuve en est puisque le groupe Cosco attend encore 22 navires pour une capacité totale de 2,3 Mtpl. Cette surcapacité dans le transport du vrac sec a incité les armateurs à annuler une partie de leur commande. Les chantiers, notamment en Chine, se retrouvent ainsi dans une activité plus calme et peuvent donc baisser leurs prix. Ce cycle descendant du transport maritime n’est pas contrecarré par les démolitions de navires dont le nombre ne permet pas d’absorber la cale supplémentaire.
De plus, le cyclone et le tsunami au Japon ont sérieusement ébranlé l’économie de l’île. La demande en matières premières au Japon se réduit. En Chine, moteur de la croissance mondiale, les mesures d’austérité du gouvernement réduisent aussi la demande même si elle reste à un niveau élevé. Enfin, la crise économique qui touche les pays développés, l’Europe et les États-Unis essentiellement, est venue mettre un terme à une relance durable. « Dans des circonstances normales, les gouvernements, notamment en Europe, devraient stimuler l’économie au travers de projets d’infrastructure. Aucun gouvernement n’a suffisamment de fonds pour entreprendre de tels investissements. La situation de crise actuelle pourrait se prolonger bien au-delà des prochains mois », a indiqué Sverre Svenning, directeur chez Fearnley Consultant. Khalid Hashim, directeur général de Precious Shipping est encore plus alarmiste. « Si la récession touche l’Europe et les États-Unis, nous pourrions voir le marché des vracs secs tomber aussi bas que dans les heures les plus sombres des années 1980, quand il a atteint 557 points. » Une situation qui pourrait s’éterniser sur un ou deux ans.
Pour résoudre la surcapacité, une des solutions, parmi celles mises en place dans le monde du conteneur, consiste à ralentir la vitesse des navires (slow steaming). « Une solution déjà appliquée », regrette le directeur de Fearnleys.
Alors le blues de ce premier semestre pourrait durer encore sur quelques mesures. « La faiblesse de la demande en minerai au second semestre ne va pas améliorer le marché des vracs secs », indique un rapport récent de Meryll Lynch. Tous les voyants sont au rouge avec la crise qui amène la Chine à réduire sa production. Et pour Janet Lewis, analyste spécialisée sur les questions maritimes chez Macquarie Securities, « je ne suis pas certaine que les taux de fret des Capesizes soient pires qu’actuellement mais ils ne seront pas meilleurs. Quant aux taux pour les Panamax, ils seront les prochaines victimes. »