« L’effet boule de neige du tremblement de terre au Japon affecte tout le trafic maritime en Asie »

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Journal de la Marine Marchande (JMM): Comment les affaires évoluent-elles dans la zone Asie en 2011?

Yuichi Sonoda (Y.S.): Les perspectives étaient bonnes avant le tremblement de terre au Japon. Mais la catastrophe a détruit nombre de PME sous-traitantes de grosses industries qui, telles l’automobile ou l’électronique, ont délocalisé massivement, ailleurs en Asie. Le manque de pièces détachées fournies par les premières enraye les chaînes de production des secondes. Les usines chinoises de Toyota, par exemple, ne produisent plus qu’à hauteur de 30 % ou 50 % de leurs capacités. Les produits finis ne l’étant plus, ils ne sont pas livrés. L’effet boule de neige de cette situation affecte tout le trafic maritime en Asie. Pour autant, en sens inverse, le Japon augmente ses importations de matériaux et équipements de construction en provenance des États-Unis. Selon les dernières prévisions, les expéditions américaines de conteneurs vers l’Asie du Nord-Est pourraient croître de 13 % cette année.

JMM: Que penser des problèmes de surcapacité dans un tel contexte?

Y.S.: L’affaire de la Korea Line montre que c’est surtout le trafic du vrac qui est frappé de surcapacité. Or, il n’a pas été sensiblement affecté par le tremblement de terre. Au contraire, le Japon pourrait dans l’avenir importer plus d’énergies fossiles, en particulier du charbon, pour compenser ses pertes dans le nucléaire.

JMM: Passons à la lutte contre la piraterie. Que propose l’ASF?

Y.S.: Dans le détroit de Malacca, où il n’y a que des eaux territoriales, la coopération entre pays riverains s’est avérée efficace, et la piraterie y est devenue marginale. L’initiative Recaap, également en Asie, montre aussi que l’échange régulier d’informations entre pays est un outil pertinent. Il est cependant vrai qu’il n’y a pas de réponse claire à ce défi en haute mer, comme dans le golfe d’Aden et au large des côtes somaliennes. Nous approuvons évidemment les interventions des flottes de guerre, mais les pirates, manipulés par des organisations puissantes, se déplacent dans l’océan Indien! Armer les équipages peut conduire en cas d’incident à des drames, et à des casse-tête légaux inextricables. Néanmoins, vu l’impossibilité pour les flottes de guerre de garantir un passage absolument sûr, certains armateurs n’ont pas d’autre choix que d’engager des gardes armés privés. Les instruments juridiques internationaux du moment, telle la convention des Nations Unies sur la sécurité en mer, n’apportent pas de solution satisfaisante. Des initiatives que nous soutenons, comme SOS (Save Our Seafarers) ou la e-pétition « endpiracy », peuvent inciter la communauté internationale à plancher sérieusement sur le sujet: rappelons que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Unclos) impose aux États de coopérer à la répression de la piraterie.

JMM: Quelle est la politique de l’ASF en matière d’environnement?

Y.S.: Les flottes de nos adhérents sont très hétérogènes. Certaines sont parfaitement aux normes, d’autres moins… La mise à niveau n’est pas aisée, et la coordination entre nous difficile. Disons que l’ASF est consciente de l’importance des enjeux et collabore du mieux qu’elle peut avec l’IMO. Cette dernière, de par sa vocation globale, est la seule à pouvoir traiter la question de façon satisfaisante, même si la Chine et l’Inde préféreraient se voir appliquer un régime différencié, comme ils l’ont obtenu au sein de la convention sur le changement climatique.

JMM: Le recyclage des navires est une activité importante en Asie. Que préconise l’ASF?

Y.S.: Nous soutenons la convention IMO sur le sujet, et la plupart des grands pays du continent concernés vont la ratifier, comme la Chine, l’Inde et le Bangladesh. La première, parce que son industrie du recyclage est en expansion et a priori plus « verte » que celle des deux autres; ces derniers parce qu’ils doivent s’adapter sous peine de perdre des parts de marché. Les pays clientés du recyclage ont aussi intérêt à disposer de prestataires performants. Le Japon soutient ainsi financièrement l’Inde pour améliorer la compétitivité de ses chantiers de recyclage.

JMM: L’Asie souffre-t-elle de carences en main-d’œuvre?

Y.S.: Le problème, mondial, touche surtout les officiers. En Asie, les armateurs japonais ont ouvert une université maritime à Manille. Leurs homologues hongkongais et taiwanais ont fait de même en Chine. La question est ensuite de fidéliser les équipages… La convention de l’OIT sur le travail en mer présente d’autres difficultés. Les législations nationales asiatiques ne posent pas partout les mêmes exigences. Pour autant, tous les pays devront s’adapter aux normes édictées par ce texte, y compris ceux qui n’y auront pas adhéré, puisque les parties auront le devoir d’inspecter tous les navires entrant dans leurs ports, même ceux battant pavillon de pays non membres. D’où des réticences à voir le projet entrer en vigueur. Dans notre zone, le Japon a annoncé vouloir ratifier le texte cette année, mais le tremblement de terre retarde ce calendrier. Hong Kong et Singapour veulent aussi ratifier. Par contre les autres pays ne semblent pas très chauds. L’industrie maritime invite pour sa part tous les états membres de l’OIT à la ratification.

JMM: Que vous inspire la convention Uncitral de Rotterdam sur les règles régissant le transport maritime de marchandises?

Y.S.: Nous sommes clairement en faveur d’une uniformisation des principes de responsabilité. À ce jour, avec les conventions antérieures de La Haye et de Hambourg, chaque pays appliquant le texte qu’il a ratifié, la situation est confuse et conflictuelle. Sur le fond, un équilibre est à trouver entre affréteurs et armateurs. Les États-Unis ont enclenché le processus de ratification de la convention Uncitral. Bruxelles y fait référence dans son Livre blanc sur le transport à l’horizon 2050, et différents pays européens ont déjà signé le texte ou sont en passe de le faire. L’Asie est quant à elle plutôt dans une position de « wait and see ».

Les associations membres de l’ASF

• ASA (Australie)

• CSA (Chine)

• HKSOA (Hong Kong)

• INSA (Inde)

• JSA (Japon)

• KSA (Corée du sud)

• NACS (Taiwan)

• Fasa (Asean): La Fasa regroupe les associations d’armateurs des pays suivants: Indonésie, Malaisie, Singapour, Thaïlande, Vietnam, Philippines, Myanmar.

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