Compagnie du Ponant reçoit un cinquième paquebot pour ses 23 ans

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Si tout s’est correctement passé, le chantier italien Fincantieri d’Ancone aura remis, contre un gros chèque, les « clefs » d’un paquebot de 142 m de long pour 18 m de large et 4,7 m de tirant d’eau à son exploitant, la Compagnie du Pont (CdP). Le pavillon français aura été hissé et des chants polynésiens pourraient même être interprétés lors de la présentation du navire aux happy few (agences de voyage et bons clients, voire éventuels investisseurs) prévue le 26 à Marseille. Des chants de Wallis et Futuna, pour être précis, car ce navire, comme ses frères aînés, sera immatriculé au registre de Wallis et Futuna. Pour un navire renforcé glace et destiné notamment à l’Antarctique, être immatriculé à W & F peut paraître singulier. Mais l’histoire de sa compagnie est, elle-même, singulière.

Le milieu des années 1980 est peu favorable au maritime. Une nouvelle crise émerge liée à la fois à des surcommandes de navires et à une baisse de la demande. Principal facteur d’ajustement, les navigants français débarquent tandis que la compagnie des Chargeurs Réunis est cédée par appartement. Plus ou moins inspirés par l’expérience allemande des capitaines armateurs (qui a fasciné tant de fonctionnaires de feue la place de Fontenoy), Philippe Videau et Jean-Émmanuel Sauvée, accompagnés d’une douzaine de jeunes officiers de la région nantaise, se lancent dans l’aventure de la croisière à la française. Ils sont assistés par des magiciens des montages financiers exotiques (appel public à l’épargne sous forme de quirats et loi Pons DOM-TOM pour la défiscalisation) et obtiennent la bénédiction de l’État qui octroie à la Compagnie des Îles du Ponant une aide structurelle de 700 kF.

La CIP finance ainsi le (vrai) voilier de 88 m Le-Ponant, dernière unité construite par la Société française de constructions navales installée à Villeneuve-La Garenne en proche région parisienne. Son baptême a lieu à La Rochelle en mars 1991.

Les débuts commerciaux sont ardus notamment du fait de la difficulté de trouver le bon canal de distribution d’un produit mal connu par la clientèle française. La planche de salut vient des États-Unis où le voilier Frenchy est affrété presque à l’année par un spécialiste de l’organisation d’événements pour anciens diplômés d’université, les alumni.

En juillet 1996, la CIP dépouille les offres d’offres concernant la construction d’un paquebot à moteur, cette fois, d’une centaine de mètres pour 45 cabines. En novembre 1998, à Saint-Malo, Madame Bernadette Chirac devient la marraine du Levant devant être commercialisé à parité sur les marchés américain et européen. Son financement en Pons-DOM-TOM version Saint-Pierre et Miquelon suscite une forte interrogation de la part de la Commission européenne. Mais l’affaire se conclut en février 2006 par une annulation de la décision de la Commission.

En mai 2004, entre en flotte Le-Diamant, anciennement le Song-of-Flower, racheté à Radisson et largement réaménagé à Marseille pour un total de 15 M€.

Quelques mois plus tard, CMA CGM rachète 70 % du capital de la CIP qui s’installe à Marseille.

En février 2008 sont commandés à Fincantieri deux paquebots de 142 m proposant 132 cabines dont 95 % disposent d’un balcon.

Si la majorité des jeunes officiers a quitté le bord au fil des années, trois y sont restés fidèles: le commandant Jean-Philippe Le Maire, le chef mécanicien Daniel Berthon et Jean-Émmanuel Sauvée. Le d.g. Philippe Videau est toujours administrateur de la CIP.

Marchés américain et européen

La compagnie a mis le temps mais le schéma commercial est désormais bien établi, explique Philippe Videau. 35 % des recettes proviennent des affrètements de navires par de grands tour-opérateurs nord-américains spécialisés dans l’organisation d’événements pour les alumni. Ainsi les anciens d’Harvard ou de Yale peuvent-ils apprécier le charme discret de la croisière française de luxe.

Le solde est généré par la clientèle individuelle principalement francophone. La cible commerciale est le « retraité aisé », sachant que le prix moyen d’une croisière se situe aux alentours de 350 €/jour, soit 500 $/j, hors frais d’approche.

Pour atteindre cette clientèle, tous les moyens sont bons: vente directe et agences de voyage. La CIP a d’ailleurs ouvert ses propres bureaux de vente à Miami, Londres, Hambourg et Hong Kong. L’idée est toujours la même: le savoir-vivre « à la française » se vend partout et constitue le seul avantage comparatif durable.

Pour faire bonne mesure, la CIP rachète en décembre 2004 la totalité du capital du tour-opérateur de haut de gamme Tapis Rouge. Sa vocation est d’organiser des voyages et autres « événements » tous azimuts maritimes ou non. Dans le premier cas, Tapis Rouge peut vendre les unités de la CIP, les cabines passagers présentes sur certains porte-conteneurs de CMA CGM, voire d’autres paquebots. En 2010, la CIP devient la CdP. Pour 2011, Jean-Émmanuel Sauvée prévoit un chiffre d’affaires de l’ordre de 85 M€ et 22 000 passagers, y compris les affrètements américains. La proportion de « repeaters » (ceux qui génèrent une meilleure marge) est un peu inférieure à 50 %.

Le 26 avril, le Boréal et l’Austral seront à Marseille. Ils partiront le lendemain soir, complets, pour de luxueuses aventures méditerranéennes.

Wallis et Futuna paradis des paquebots français

L’Austral suivra le sillage de ses aînés et sera comme Le-Ponant, Le-Levant, Le-Diamant et Le-Boréal, immatriculé au registre de Wallis et Futuna. Il y sera accueilli par un autre grand ancien, le Club-Med-2 et quelques « jeunots » d’un autre monde: le Maohi, transporteur de produits raffinés de Socatra, le Tia-Moana et le Tu-Moana, petits transporteurs de passagers de Bora Bora Pearl Cruises.

La découverte des particularités exotiques du registre de W & F par Jean-Émmanuel Sauvé est presque familiale grâce entre autres à son père, administrateur des Affaires maritimes. Il complète ses connaissances pratiques à l’occasion d’une maîtrise dont le mémoire a pour titre: Création et promotion d’un pavillon commercial français. On y apprend que les régimes de l’Enim ne sont pas applicables ni à W & F, ni en Nouvelle-Calédonie. En outre, les droits et taxes de W & F sont inférieurs à ceux du Panama. Encore faut-il savoir respecter les us et coutumes locales et royales. En effet, cette collectivité d’outre-mer d’environ 13 000 à 15 000 âmes est constituée par trois monarchies traditionnelles.

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