« Il n’est de plus grand dilemme que celui auquel nous sommes confrontés actuellement: surcapacité ou sous-capacité », a insisté le président du European Car Group, Costantino Baldissara. Les opérateurs logistiques sortent de la crise plus lentement que leurs clients, les constructeurs automobiles. La défiance des opérateurs dans le futur de la logistique automobile n’est pas un élément favorisant du marché. Cette méfiance à l’égard du marché automobile les amène à revoir leurs investissements quand leurs clients sont en pleine expansion. Alors, l’avenir pourrait bien connaître une sous-capacité.Et pour bien comprendre l’avenir, le président a commencé par exposer la situation actuelle. En premier lieu, il a souligné le retour à la croissance matérialisé par la croissance des PIB des différents États. « Ce qui est plus incertain est le rythme que va prendre le retour à la croissance. »
La Russie et la Turquie apparaissent aujourd’hui comme des marchés en pleine expansion en Europe. « Ils ont tous les deux enregistrés une amélioration de leurs économies mais ils représentent aussi un risque pour le marché puisqu’ils peuvent créer une sous-capacité. » Et pour appuyer ce constat, Costantino Baldissara rappelle les chiffres. En Russie, le PIB a augmenté de 4 % en 2010 et la production industrielle de 8,2 %. Des chiffres qui pourraient amener la Russie à dépasser dans les prochains mois le marché automobile allemand, champion européen du secteur. En Turquie, les ventes de voitures ont augmenté de 37 % en 2010. Dans ce contexte de croissance plus forte de certains marchés, les industriels automobiles ont entamé des plans de restructuration. Ils prévoient un taux d’utilisation de leurs usines de 58 % en 2009 à 79 % en 2015. Des changements qui permettent à ces industriels de revenir dans le positif.
Face à cette demande, les opérateurs logistiques, au travers du European Car Group, ont décidé la mise en place trimestrielle d’un baromètre de confiance dans le marché des industriels de la logistique. Il ressort de ces études, qu’au cours de l’année 2010, la pression sur les coûts a fortement contribué aux difficultés.
L’augmentation du coût des carburants (gazole et soutes) et de la maintenance des moyens de transport sont les deux raisons principales des difficultés financières de ces groupes. À l’inverse, les logisticiens ont constaté une meilleure utilisation de leur flotte. Finalement, si le début de l’année a été plutôt difficile, sur le dernier trimestre, 86 % des opérateurs logistiques constatent une augmentation de leur chiffre d’affaires.
Au final, conclut le président d’ECG, ses membres sont pris en étau entre un volume croissant, des coûts qui augmentent et des taux qui se stabilisent. Alors, la confiance dans le marché s’est amenuisée au fur et à mesure des mois de 2010. En fin d’année, ils ne sont que 6 % à croire à une croissance supérieure à 10 % de leur activité et 63 % à une diminution de leur activité. « Ces changements dans la confiance dans le secteur a amené les industriels de la logistique a revoir leurs investissements », a continué Costantino Baldissara. Dans le même temps, il est devenu plus facile pour les opérateurs d’obtenir des prêts depuis leurs banques. Sans contrat de longue durée ni l’assurance d’obtenir des taux de fret « viables », les opérateurs sont plus frileux à investir. De plus, selon les dernières enquêtes, les membres d’ECG tablent de nouveau sur une baisse des volumes.
Perte de confiance
« Malheureusement, ce n’est pas le moment de perdre confiance dans le marché alors qu’il enregistre une croissance de la demande. L’industrie logistique doit investir au risque de devenir un maillon d’engorgement de la chaîne logistique. Il faut revenir à un partenariat avec nos clients pour que l’écoulement de la production vers le marché ne soit pas altéré par les industriels de la logistique », a plaidé le président du ECG. La crise des pays arabes depuis le début de l’année a enfoncé un peu plus le clou. Les modalités de paiement des carburants sont un risque important pour les petites entreprises. Elles peuvent perdre leur trésorerie et se voir mise en faillite.
L’investissement risque de devenir encore plus important avec la montée de la Chine et de l’Inde en tant que producteurs automobile dans le monde. En août, le constructeur chinois Zhejiang Geely a repris Volvo; pour lui, l’acquisition de cette marque devrait lui permettre de transférer une partie du savoir-faire suédois vers ses usines pour devenir, dans les prochaines années, « un acteur international incontournable », comme il se déclare lui même. Outre la position des constructeurs chinois, le marché intérieur de l’Empire du milieu constitue un véritable Eldorado.
L’Inde est aussi une nouvelle force. L’achat par le groupe Tata de Jaguar et Land Rover depuis le groupe Ford. Le groupe Tata a surtout tourné sa production vers l’international avec 148 000 voitures exportées en 2010.
La logistique automobile pourrait voir son centre de gravité basculer vers la Chine et l’Inde dans les prochaines années.