Avec la mauvaise volonté des États membres et des différents groupes de pression qui les animent, l’Union européenne a été incapable, en dix ans de réunions, de définir les poids et dimensions d’une véritable unité de charge intermodale gerbable, mise à part, bien sûr, la palette européenne. Pour une surlongueur de 9 pour 1 000 par rapport à une semi-remorque routière ainsi que l’a souligné le consultant Catram (JMM du 26/8/2006), l’UE continue à « bricoler » dans ses transports intra-européens multimodaux, et la France à construire des autoroutes et des voies ferrées nord-sud pour relier les estuaires, par exemple, ou l’Espagne. De guerre lasse, la Commission européenne a donc rappelé le 1er décembre 2006 qu’il revenait à chaque État d’autoriser ou non le transport sur son territoire des conteneurs de 45’ considérés comme des « masses indivisibles ». En France, son transport relève de la 1re catégorie de la réglementation du transport exceptionnel, a rappelé Jean-Bernard Kovarik, chargé de la sous-direction des études et de la prospective au ministère du Développement durable. Il nécessite donc, selon l’arrêté de 2006, une autorisation de « portée locale », sans nécessité d’escorte ou de gyrophare. « Mais la pression environnementale était moindre à l’époque », a ajouté J-B Kovarik. Y aurait-il des raisons d’espérer?
Une semi-remorque…
Certaines de ces boîtes métalliques sont bien intéressantes: elles permettent le chargement de 33 europalettes (80 × 120 cm) ou de 26 palettes aux dimensions internationales (100 × 120 cm) comme un semi-remorque. Chargement qui peut être réalisé par l’une des extrémités du conteneur; sur le côté, car le 45’PW peut être équipé d’un rideau latéral et prochainement d’un panneau latéral relevable, plus résistant. Ou le haut, presque comme un « open top ».
Le néerlandais Unit 45 développe également des 45’ reefers (tout électrique ou diesel-électrique) avec, en option, un plancher intermédiaire servant de second plan de chargement. Autre option: des cloisons amovibles créent jusqu’à trois chambres à températures différentes.
Ces boîtes sont manipulables avec un spreader 40’ ou des pinces pour caisses mobiles.
… gerbable sur 7 hauteurs
Gros avantages pour les gestionnaires de terminaux, le 45’ est gerbable sur sept hauteurs à la charge maximale. Cette caractéristique permet d’augmenter la capacité d’utilisation de certains gros rouliers, ceux qui ont une importante hauteur sous barreau, en chargeant deux 45’ gerbés sur la même remorque de quai. Pour autant, le 45’ PW n’est pas aux normes maritimes, c’est-à-dire qu’il ne peut être gerbé sur neuf hauteurs. Ce qui est, à ce jour, de faible importance pour au moins trois raisons: les compagnies transcontinentales ne semblent avoir aucune envie d’abandonner les 20’ et 40’ et arrivent fort bien à amener en Europe les 45’ vides que fabrique la Chine. En outre, la première vocation du 45’PW en Europe semble bien d’être l’emballage le plus efficace pour substituer à un transport tout route un transport route-mer/ fleuve/rail-route, et non d’optimiser un transport du type « entrepôt centre Chine à entrepôt Tours ».
Ces qualités n’occultent pas les difficultés. Si une compagnie souhaite développer une offre de 45’PW à travers l’Europe, à quel client va-t-elle s’adresser? Aux grands transporteurs routiers de zone longue dont les chauffeurs « grattent » sur les frais de bouche? Aux artisans exploitant quelques semis et qui survivent tant bien que mal? Aux grands donneurs d’ordre qui, à entendre François Soulet de Brugières, représentant la filiale d’achats des grandes enseignes contrôlées par la famille Mulliez, ne seraient pas très motivés? Il faut garder en mémoire que le contrôle effectif des charges réelles des camions, peu fréquent en Europe, est souvent réalisé à des points de passage obligés, comme les entrées ou sorties d’autoroutes. Aussi, l’idée de concentrer des flux routiers de pré ou post-acheminement sur des ports peut heurter la sensibilité professionnelle du transporteur routier. Aucune fédération du transport routier n’était d’ailleurs présente au colloque de Rouen.
6 % moins cher au m3
Selon Claude Bouley, représentant de Geodis Global Solutions, l’usage du 45’PW en porte-à-porte depuis Suzhou jusqu’à Tours en passant par Shanghaï et Le Havre permettrait de faire une économie de l’ordre de 6 % au m3 par rapport à un 40’HC en faisant l’hypothèse que tous les coûts terrestres restent inchangés et que seuls le taux de fret et les surcharges augmentent de 16 %; ce qui représente l’écart relatif entre le volume d’un 40’HC (76,18 m3) et celui d’un 45’PW (88,61 m3). Claude Bouley souligne également que l’usage du 45’ en intercontinental permettrait de réduire le nombre de retours à vide des 40’ à l’importation. En effet, le 45’ qui offre, répétons-le, la même capacité de chargement qu’un semi-remorque, devrait trouver plus facilement une cargaison de retour vers le port. Cet argument mérite au moins une nuance, à la lumière de l’expérience nord-américaine. Dans ce pays qui a inventé toute la conteneurisation, la mode actuelle est au dépotage des 40’HC à quelques kilomètres du port de déchargement et au rempotage dans des 53’. Du point de vue du volume, 3×40’HC=;2×53’. Si le client final est éloigné du port de déchargement, cette opération peut être économiquement justifiée. D’autant qu’elle offre au moins trois avantages: la compagnie maritime récupère rapidement ses 40’HC pour les renvoyer, vides ou non, en Extrême-Orient. Elle n’a plus à gérer le retour des vides maintenant que les marges sur les positionnements sont faibles, voire inexistantes. Une fois vidé, le 53’ peut servir à un transport national. Wal-Mart, le premier distributeur aux États-Unis, serait à l’origine de cette pratique qui annule plus de 50 ans d’évolution. En effet, grâce à l’invention de Mc Clean, les compagnies maritimes sont passées d’un transport port-à-port au porte-à-porte. Elles pourraient, au moins aux États-Unis, revenir en arrière.