C’est ce qu’on appelle un effet papillon: fin janvier, Korea Line Corporation, en proie à de grosses difficultés financières, dépose le bilan à Séoul. À 8 000 km de là, des milliers d’épargnants allemands tremblent: ils avaient placé leurs économies dans les navires du Coréen, via un fonds spécialisé dans le financement maritime, basé à Hambourg. Et malgré les messages rassurants de ce dernier, tout indique aujourd’hui qu’ils risquent bien de perdre leur mise: près de 26 M€ au total, que l’armateur n’est pas en mesure de rembourser.
L’affaire qui fait les choux gras de la presse financière porte un coup supplémentaire au système de financement maritime « made in Germany », qui malgré la reprise du commerce mondial a toujours la tête sous l’eau.
Ce mécanisme, sans équivalent hors d’Allemagne, permet à des particuliers de placer leur épargne dans des sociétés qui achètent des navires puis les loue aux compagnies. Jusqu’à la crise et la dégringolade du trafic maritime, ces placements avaient les faveurs des ménages aisés, attirés par de gros rendements et une politique fiscale très avantageuse. Avec 3,58 Md€ ainsi récoltés en 2007, le système connaît alors son âge d’or. Mais la crise et la faillite de plusieurs de ces fonds ont sapé la confiance des particuliers. Résultat: les montants placés ont été divisés par trois en trois ans. La plupart des récentes émissions ont d’ailleurs servi à acheter des vraquiers: aucune société ne se risquant à proposer un porte-conteneurs, un segment définitivement boudé par les épargnants.
« La crise n’est pas encore terminée », regrette Reiner Seelheim, directeur de Nordcapital, l’un des poids lourds du secteur. De fait, le bout du tunnel pourrait bien ne jamais apparaître: certains observateurs estiment que ce mode de financement qui a permis à l’Allemagne d’être à la tête de la première flotte mondiale a désormais vécu. « Pour maintenir ce rang, il est urgent de développer de nouveaux modèles », commente le Financial Times Deutschland. « Des alternatives que le succès de notre système nous avait jusqu’ici empêchées d’envisager. »