Érosion de la flotte de commerce française sur un an

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Le rapport semestriel sur la flotte de commerce des navires « français » de plus de 100 unités de jauge brute (UMS) affectés au transport de passagers ou de marchandises au long cours ou au cabotage a été publié le 11 février, avec donc deux mois d’avance sur la diffusion du rapport de janvier 2010. Sur un an, il n’y a pas de quoi se réjouir, mais par rapport à l’existant du 1er juillet, les données sont légèrement meilleures. Cependant, les commentaires de la mission de la flotte de commerce devraient finir, un jour ou l’autre, par émouvoir tout ou partie du village politique français d’autant qu’ils se répètent d’une année sur l’autre: « L’ensemble du secteur (du vrac liquide) se caractérise par la faible présence de capitaux français. À l’exception de Socatra, une grande partie des entreprises françaises opérant sur ce marché sont des filiales de groupes étrangers. […] Toutefois, le secteur est particulièrement soumis au risque d’importantes sorties de flottes […]. Aujourd’hui, le secteur du transport pétrolier français est fragile » et lié à l’avenir incertain du raffinage en France. Les sorties de flotte pétrolière sont dues « essentiellement au fait que ces navires sont arrivés en fin de charte ou d’obligation d’immatriculation sous pavillon français ». Sur un an, la flotte baisse de deux unités, de 10,2 % en jauge brute et de 11 % en port en lourd.

Rappelant qu’en métropole, le secteur du transport à passagers présente « la plus haute importance du point de vue économique, de l’emploi et de l’aménagement du territoire », la mission de la flotte de commerce ajoute que ce « marché décroît depuis plusieurs années sur tous les segments, face à la concurrence du mode aérien à bas coût et du lien fixe sur le transmanche. […] Les principales compagnies françaises […], SNCM […], Brittany Ferries et SeaFrance […] traversent une période de bouleversement économique qui pourrait avoir un lourd impact sur l’emploi national de marins ». D’autant, aurait-on pu ajouter, que l’avenir à court terme de SeaFrance est incertain, pour rester le plus neutre possible.

La lueur d’espoir vient des « autres » navires de charge non pétroliers, formés principalement de porte-conteneurs et de vraquiers. Cette flotte, hétérogène, retrouve son niveau de janvier 2010 en nombre mais, économie d’échelle oblige, a augmenté en jauge et en port en lourd.

CMA CGM a pris livraison en 2010 de 15 navires dont quatre sous RIF. En 2011, neuf nouveaux navires devraient lui être livrés dont deux seront immatriculés au RIF. « À l’heure actuelle, 21 navires sont effectivement immatriculés sous RIF, totalisant 1,72 MUMS soit 31 % de tonnage total des navires inscrits sous RIF. Ce nombre est à peu près stable depuis la mise en œuvre de ce registre en 2006. » Sur les neuf porte-conteneurs qu’attend CMA CGM pour 2011, « seuls » les CMA CGM-Almaviva et CMA CGM-Dalila (de 8 465 EVP pour 107 000 tpl chacun) seront immatriculés au RIF.

Pour les vraquiers, seul Cetragpa exploite deux unités sous pavillon français, le Pierre-LD et le Jean-LD. Un capesize de 180 000 tpl, le Lake-LD doit être livré en mai et affrété pour 12 ans.

En 10 ans, le verre s’est lentement rempli…

Entre le 1er janvier 2000 et le 1er janvier 2011, le nombre de « grands » navires est passé de 228 (plafond) à 216. Ce qui n’est guère favorable à l’emploi de navigants. À 6,26 MUMS, la jauge brute a augmenté de 38,18 %, soit moins de 3,3 % par an en moyenne. Et à 8,05 Mtpl, le port en lourd a connu une hausse de 24,22 %, soit moins de 2,2 % par an en moyenne.

Nous sommes donc loin de l’euphorie, réelle ou affichée, qui a prévalu lors des longues discussions parlementaires: « La création d’un registre international français apparaît donc comme une nécessité incontournable pour l’avenir du pavillon français », a conclu le rapport du sénateur Henri de Richemont sur la proposition de loi instaurant le RIF soumis à la commission des affaires économiques en décembre 2003. Mais que serait-il advenu aux navires de charge immatriculés aux Taaf? En janvier 2006, ils étaient 92 pour une jauge brute de 4,23 MUMS.

« Le registre RIF a globalement atteint son objectif en réunissant un nombre de navires supérieur à celui des Taaf avec une augmentation importante du tonnage global », écrit Jean-Yves Besselat, député UMP et rapporteur de l’avis, au nom de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur le projet de loi de finances pour 2011 relatif aux affaires maritimes. Peu avant, il note toutefois que la flotte « française » exploitée sous pavillon étranger représente « près des deux tiers des capacités de transport mises en œuvre aujourd’hui par les armements français ». Pourquoi ces navires ne « reviennent-ils » pas? « Il appartient désormais aux partenaires sociaux et aux armateurs de s’approprier ce registre et de le valoriser afin de permettre le développement de la flotte de commerce et de l’emploi maritime », conclue Jean-Yves Besselat.

… il déborde de Bourbon

Grâce aux navires de service de Bourbon, le RIF peut présenter un aspect positif: sur un total de 292 unités, il compte 93 navires de charge (de plus de 100 UMS), et 199 unités de service et travaux dont 159 sont des Bourbon et 84 ont une jauge brute de plus de 100 UMS.

Pour flatter l’ego national, la mission de la flotte de commerce ne recule devant aucune statistique: tout confondu, la flotte de commerce sous registre français rassemble plus de 5 400 navires, y compris les yachts utilisés à des fins commerciales, les pilotines et les promène-touristes le long des côtes. 3 000 sont des « petits » navires dédiés aux services publics. La puissance maritime de la France s’en trouve-t-elle sensiblement renforcée?

Autre élément positif, à 7,4 ans d’âge, globalement, la flotte sous pavillon français est bien plus jeune que la flotte mondiale et même que celle des États membres de l’Union européenne.

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